Petite visite de quelques idées

brassées depuis les attentats

de vendredi 13 novembre 2015

avec l’espoir de réussir

à y voir un peu plus clair.

hiver 2016/2017

<< Les attentats sont la conséquence des bombardements >>

« On a été attaqués parce que la France est une ancienne puissance coloniale du Moyen-Orient, parce que la France a bombardé certains pays en plongeant une main généreuse dans leurs ressources,… » http://blogs.mediapart.fr/blog/sarah-roubato/201115/lettre-ma-generation-moi-je-nirai-pas-quenterrasse ou bien « l’État islamique n’est rien de plus qu’une réaction prévisible… » « un contrecoup de la politique étrangère occidentale » http://www.middleeasteye.net/node/39507 , c’est l’inéluctable explication que l’on entend (surtout à gauche mais pas seulement) face aux attentats. Évidemment on ne peut pas nier que le ressentiment de ceux qui subissent les bombardements, les déplacements de populations soit grand et pousse à la révolte. Et c’est bien normal. Cependant réduire toute explication à celle-ci est très insuffisant. Penser que les islamistes sont seulement dans la réaction aux actes des autres – en l’occurrence des agresseurs – et qu’ils soient incapables d’aucune initiative propre paraît un peu étrange. Si on se souvient des attentats islamistes au Kenya où des commandos venus de Somalie ont assassiné plus d’une centaine d’étudiants kényans et si on considère la façon dont cela s’est passé on peut être perplexe. Les assaillants ont commencé à tirer sur tout le monde ; quand certains étudiants se sont dits musulmans les assaillants les ont épargnés et ont ensuite demandé à chacun de réciter les prières musulmanes ; ceux qui les ignoraient l’ont payé de leur vie. Ce tri abominable entre musulmans auxquels on laisse la vie et les autres que l’on abat aussi sec a-t-il quelque chose à voir avec l’ « impérialisme français » ? avec l’impérialisme tout court ? On pourrait aussi se demander si – plus près de l’Irak et de la Syrie – les yézidis sont, eux aussi, des alliés des impérialistes. Est-ce une lutte contre les politiques occidentales qui a conduit les islamistes à réduire en esclavage et/ou assassiner les femmes yézidis : « Les forces kurdes et irakiennes ont découvert un charnier contenant des dizaines de corps de femmes yézidis exécutées par Daech. » Et au Nigéria ces jeunes filles – nigérianes ! – qui ont été enlevées par le groupe Boko Haram pour être ‘vendues’, étaient-elles des agents de l’impérialisme occidental ? On pourrait multiplier les exemples. Les exactions islamistes ne rentrent pas toujours dans le moule de l’affrontement contre l’Occident. Par contre, on voit souvent un déchaînement de fureur contre les non musulmans qualifiés d’infidèles, de mécréants. Une sous humanité à éliminer.

<< Le monde ‘occidental’ est rationnel (message subliminal) >>

On entend donc peu évoquer la complicité des américains dans les agissements de Daech et d’Al Qaida sinon sous forme d’allusion ou d’étonnement. Alors que des documents attestent sans équivoque que les États-Unis (= EU) ont financés Daech et Al Qaida par souci de lutter contre le régime syrien pour le premier et soviétique pour le second. Il faut remarquer sur ce sujet qu’on a parfois un refus de regarder la vérité en face. Les journalistes – il faut bien ici parler de leur rôle dans cette histoire – ont peu repris un récent rapport américain qui indique clairement que les États-Unis mais aussi la Grande Bretagne ont alimenté en argent et en armes le groupe Daech. Cependant « l’idée que quelque chose d’aussi abject que Daech ait vraiment pu être prévu ou favorisé délibérément, va à l’encontre de tant de choses que l’on considère comme acquises. Tant de suppositions sur la sorte de suprématie, non seulement américaine, mais de tout l’Occident, et sur la bienveillance de notre gouvernement assurant que nous ne ferions jamais de pareilles choses… C’est un grand saut. » Un saut que peu de journalistes ont fait, dit Nafeez Ahmed, pour http://www.middleeasteye.net/node/39507 le 27 mars 2015. Pourquoi de la part de nos journalistes une telle volonté de ne pas révéler et tirer des conséquences de ce qu’ils ont pourtant devant les yeux ? C’est pourtant le rôle qui leur est attribué, de divulguer, de relier et d’analyser ces informations. On comprend qu’il soit difficile de trouver une explication à cette schizophrénie des États, qui consiste à combattre un ennemi que l’on …entretient par ailleurs. Mais peut-être que si on considérait que le développement capitaliste n’est pas aussi rationnel qu’il est dit dans la vulgate aujourd’hui, que, de la même façon, les objectifs poursuivis sont essentiellement irrationnels on pourrait conclure comme Robert Kurz qui avait écrit après le 11 septembre 2001 : « Ce qui se passe dans la tête des leaders terroristes n’est pas, de par son caractère, plus bizarre que la façon dont les dirigeants de l’économie libérale mondialisée – sous la contrainte destructrice du calcul abstrait d’une économie qui sacrifie tout aux besoins de l’« entreprise » – perçoivent et traitent les êtres humains et l’environnement. » Analyse qui donne du sens à l’aveuglement actuel devant le dérèglement climatique par exemple mais devant tous les problèmes majeurs posés par le capitalisme contemporain. « Notre mode de vie n’est pas négociable ! » disait Bush à Tokyo lors de la première conférence sur le climat*, alors qu’on sentait venir une situation de plus en plus catastrophique. Et c’est pourtant là, le destin de toute l’humanité qui est en jeu. Est-ce moins barbare, inhumain et surtout plus rationnel que les attentats islamistes ? Prendre le point de vue de R. Kurz est plus porteur de sens que de se contenter d’un point de vue strictement politique ** puisqu’il plonge au cœur des contradictions et des incohérences du capitalisme.

* ce qu’on n’a cessé d’entendre après chaque attentat islamiste des années 2015-2016 tant en France qu’en Allemagne, c’est : « on attaque notre mode de vie ». Note ajoutée en 2016.

** car on ne sait pas toujours ce qu’il y a sous ce désir de ne pas intervenir militairement en Syrie. Les politiciens de droite sont plus clairs en la matière même s’ils ne sont pas tous d’accord : est-ce qu’il faut adopter un ‘profil bas’ comme le disait Giscard d’Estaing à son époque pour seulement ne pas risquer les retombées terroristes de l’Iran ? Ou bien est-ce qu’on incrimine l’inefficacité des interventions armées tout en ayant les mêmes fins d’éradication de l’islamisme, comme le dit aujourd’hui Villepin.

<< Les musulmans, …pas les islamistes, les autres. >>

Venons-en à Saïd Bouamama évoquant « l’émotion collective » d’après les attentats. « Nous ne devons pas renoncer à la compréhension », nous conseille-t-il. Suit l’énoncé de quelques postures vues dans les réactions aux attentats. « La première [des postures qu’ils voient] se contente de dénoncer Daesh et à exiger cette dénonciation de manière pressante de nos concitoyen-ne-s musulman-e-s réel-le-s ou supposé-e-s. » Il nous laisse imaginer évidemment des « fins islamophobes qui ne manquerons pas.» (sic) On ne sait pas si cette posture est première …en importance. Si c’est cela on peut être étonné – …mais, après les théories d’E. Todd sur le sujet, peut-on encore s’étonner de quelque chose * ! – car on a beaucoup entendu, après les attentats, se multiplier les appels à une (très critiquable) unité nationale alors que, des appels à la dénonciation adressés aux musulmans, assez peu. La nouveauté par rapport à janvier ( l’attentat contre Charlie hebdo ), c’est qu’il n’y a guère, parmi les musulmans justement, eu de propos hostiles aux victimes et favorables aux terroristes comme ce fut le cas en Janvier . Cela tient sans doute au mode opératoire de ces terroristes qui ont tiré dans le tas sans se soucier de la religion – ou de l’irreligion – de ceux qu’ils massacraient. Même dans les milieux musulmans arborant fièrement foulards et barbes fournies on a eu des dénonciations spontanées des attentats. « Nous sommes unis », disent les étudiants musulmans sans ambiguïté. Rokhaya Diallo est de ceux qui ont entendu des injonctions faites aux musulmans pour dénoncer les terroristes, nous dit Saïd Bouamama, et il cite ses propos indignés: « Quand j’entends dire que l’on somme les musulmans de se désolidariser d’un acte qui n’a rien d’humain, oui, effectivement, je me sens visée. J’ai le sentiment que toute ma famille et tous mes amis musulmans sont mis sur le banc des accusés. Est-ce que vous osez me dire, ici, que je suis solidaire ? Vous avez vraiment besoin que je verbalise ? Donc, moi, je suis la seule autour de la table à devoir dire que je n’ai rien à voir avec ça. »  En effet pourquoi ‘moi’ ? pourquoi ‘nous’ ? On a peine à croire que ceux-là même qui se sentent agressés quand on leur demande de dénoncer les agresseurs ne comprennent pas que les autres, ceux qui ne sont pas musulmans, ceux pour qui la religion n’a pas d’importance – et qui ne voudraient pas voir leur vie infestée par ces considérations religieuses – ceux-là donc se demandent quelle relation il peut bien y avoir entre, d’un côté, des femmes voilées, des barbus en djellaba qui fréquentent la mosquée, réclament à corps et à cris des repas hallal, fondent ostensiblement leur vie sur des préceptes musulmans ( attitude qui, soit dit en passant, les marginalisent ) et, d’autre part, ces terroristes qui tirent dans le tas et crient les mêmes « Allah o akbar » … que les premiers ! Qu’y a-t-il d’incompréhensible à cela ? On parle évidemment ici des «musulmans» qui sont dans cette frange qui revendique bien fort son identité et le droit à exprimer ses spécificités ; on peut légitimement se poser des questions sur ceux-là. « …à l’intérieur d’eux, une petite voix leur souffle que condamner le voyage en Syrie serait un peu se trahir et qu’une fille portant le voile sera toujours mieux que celle aimant la fête. » http://www.lemonde.fr/attaques-a-paris/article/2015/11/21/hasna-aitboulahcen-entre-vodka-et-niqab_4814800_4809495.html#p4sWXGkgllwWoDCV.99

Jusqu’à quand ne sera-ce qu’une petite voix … ? Car si, comme le dit Boualem Sansal « la laïcité est bonne pour les Français car elle correspond à leur histoire, …Pour les musulmans pratiquants,** …la laïcité est inintelligible et même choquante. Dès que le mot en est prononcé se déclenche chez beaucoup d’entre eux une alerte, ils ressentent le mot comme une agression, une injonction à abandonner leur religion » … On ne refait pas l’Histoire.

* Incroyable anti islamophobe notoire. Pourfendeur, statistiques à l’appui, de tout ce qui attaque la « religion des opprimés ».

** les allemands aussi, dit-il, auraient du mal à comprendre ‘notre’ laïcité.

<< Daech contre notre mode de vie >>

Venons-en à un aspect un peu nouveau dans les commentaires d’après le 13 novembre qui tient à la forme prise par le carnage. Pour Daech, Paris est dite « la «capitale des abominations et de la perversion» et elle est ciblée comme telle. En réponse on a la version (apologétique de ce mode de vie) fournie par Libération : « c’est la métropole cosmopolite, qui offre justement des ressources majeures pour inventer une nouvelle modernité. » et celle, convergente, que le pouvoir PS nous a concoctée : ‘on attaque notre mode de vie’. Les commentaires se portent donc sur le thème existentiel. Nous (en France), nous sommes la vie et eux (Daech), c’est la mort ! Là aussi, ceux qui prônent cette vision de la situation nous offrent l’opposition binaire entre ‘eux’ et ‘nous’, caractéristique des discours cherchant l’unité nationale. Sauf que tout le monde ne s’est pas laissé prendre. On a lu : « Depuis plusieurs jours, on m’explique que c’est la liberté, la mixité et la légèreté de cette jeunesse qui a été attaquée, et que pour résister, il faut tous aller se boire des bières en terrasse. » … « Si la seule réponse de la jeunesse française à ce qui deviendra une menace permanente est d’aller se boire des verres en terrasse et d’aller écouter des concerts, je ne suis pas sûre qu’on soit à la hauteur du symbole qu’on prétend être » http://blogs.mediapart.fr/blog/sarah-roubato/201115/lettre-ma-generation-moi-je-nirai-pasquen- terrasse Voilà de saines remarques. Et pour aller bien plus loin : « La petite-bourgeoisie cognitivo-communicationnelle, l’éclate, la drague, le salariat branché, l’hédonisme du trentenaire cool, n’arriveront pas à se faire passer pour « notre mode de vie », « nos valeurs », ni même pour « la culture ». » https://lundi.am/La-guerre-veritable# * Ici l’on passe à une réelle critique du milieu bobo qui a été visé par les attentats dans les bistrots de Paris et au Bataclan. ( Notons quand même au passage que la critique de ce milieu ne signifie pas – évidemment ! – qu’il faut prendre les armes pour les fusiller ni acquiescer ceux qui le font. ) Mais ce mode de vie pusillanime, « décomplexé, libéral, libertin, athée, transgressif, urbain, festif, etc » * « ne suscite pas que de la tendresse » *. Le capitalisme est un fait social global, il promeut un type d’humains qui peut aller de l’homo oeconomicus occidental au moudjahidine. Et R. Kurz disait à propos de ces derniers : « Ce que nous voyons surgir ici, c’est la pulsion de mort du sujet capitaliste. Que cette pulsion de mort soit inhérente à la conscience occidentale et qu’elle ne soit pas seulement déclenchée par la misère sociale du système de marché totalitaire mais également par sa misère spirituelle [...] ». Tout ça fait avancer le système – comme la social démocratie a permis de faire avancer le capitalisme devenu plus redistributeur. Idem pour le nazisme ou le stalinisme (avec quelques millions de morts en plus) qui après un temps d’adaptation ont permis de résoudre les graves crises pour l’un et l’impasse du système tsariste pour l’autre. Idem pour certains régimes détestables du Proche Orient comme ceux de Saddam ou de la famille Assad qui, apparemment, ont passé leur temps. Les monarchies du Golfe sont, disent ceux qui n’ont pas trop peur des mots des Etats Islamiques qui ont réussi à s’imposer. Et elles s’accommodent à merveille du capitalisme. L’État islamique pourrait bien être une version de plus dans cette direction, une des roues de secours du capitalisme triomphant…

* https://lundi.am/La-guerre-veritable# On a peine à croire que dans les articles de ce site il puisse y avoir de la clairvoyance en même temps que tant d’idioties. Et pourtant… C’est probablement la particularité des Tiqquniens. On se souvient de la façon très méprisante, tout à fait ignoble dont cet imbécile de Julien Coupat a parlé des meurtres de Charlie Hebdo en janvier.

Si la majeure partie des commentaires est – comme nous l’avons vu – aussi teintée de l’esprit du capitalisme pourtant incapable de sortir de ses ornières il n’en reste pas moins qu’il faut chercher une issue pour que ce monde capitaliste ne s’effondre pas …sur nous tous.

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mars 2 016

Difficile d’affirmer qu’en France nous n’avons pas HISTORIQUEMENT des racines « chrétiennes ». Toute l’histoire de ce pays fourmille de références chrétiennes. Du meilleur au pire. Il y a cependant une rupture radicale depuis la Grande Révolution de 1789 ; celle-ci a agi contre l’Ancien Régime et donc combattu – avec ardeur parfois – la religion qui était un de ses soutiens. Comme français on peut se revendiquer de ces deux héritages sans compter celui, ultérieur, de la laïcité souvent cité aujourd’hui.

Un peu d’histoire : après presque cent ans ( le XIX° siècle ) de royautés, de révolutions et d’empires, le retour de la république a finalement accouché de la laïcité, preuve que, sous les régimes royalistes et impériaux couvait le refus de la religion inspiré des Lumières et de la Révolution de 1789. Il est évident que les mouvements socialistes – mais il faut s’entendre sur le mot : socialiste. Voir plus bas – ne sont pas pour rien dans ce feu ardent contre la religion. « Fous les églises par terre et l’ bon dieu dans la merde », dit une vieille chanson anarchiste reprise …en mai 1968. Aujourd’hui on voit bien qu’on ne peut aller contre la laïcité et, en conséquence, les oppositions se fondent sur les diverses conceptions que chacun veut bien se faire de celle-ci. Est-ce que porter une croix, un foulard islamique, … est contraire à la laïcité ? Et encore, même question mais en ajoutant : ‘dans l’espace publique’, ‘la rue’, ‘l’école’, ‘les administrations’, etc… La laïcité suppose qu’on accepte le système représentatif républicain que les socialistes du XIX° siècle avaient nettement remis en cause. Partir de la laïcité, ce n’est pas comme partir de l’athéisme qui est un refus des religions. « L’opium du peuple » disait Marx. Parce que les religions ont été un soutien du pouvoir et de l’exploitation qui est liée à ce dernier. Même quand elles incitent à la révolte contre un régime très oppressif comme l’islam qui renversa le Shah d’Iran on a vu qu’elles conduisent à un autre régime pouvant être encore plus oppressif. On peut aussi prendre en compte les régimes dictatoriaux en Europe du sud ou en Amérique latine, ils ont bien souvent eu un recours commode à la religion catholique pour se soutenir. Même pour le régime nazi qu’on a qualifié d’athée, il suffit de lire « Mein Kampf » d’A. Hitler pour s’apercevoir qu’il avait des propos élogieux sur la religion. Il dira : « l’œuvre commencée par le Christ, je la mènerai à son terme. »

prêtres et officiers nazis saluant de concert

prêtres et officiers nazis saluant de concert

Le recours à l’idéologie de la « multiplicité des racines » – qui est évoqué quand on veut justifier la tolérance envers les exigences d’une religion comme l’islam – est très récent. Enfant des années Mitterrand et des organisations anti racistes d’alors ( grassement financées par le pouvoir PS ) qui ont permis de faire passer la pilule de l’abandon pur et simple de la question de l’exploitation ( si tant est que ces gens-là ont eu, à un moment où à une autre, une réelle attention dans cette direction ). Plus récemment, « La société s’incarne aujourd’hui dans la tolérance, l’ouverture aux différences, une attitude favorable aux immigrés, à l’islam, à l’homosexualité, la solidarité avec les plus démunis. …contrairement à l’électorat historique de la gauche, coalisé par les enjeux socioéconomiques […] qui défend le passé et le présent contre le changement » écrit Terra Nova, ‘machine à penser’ de la gauche dans l’article : « Gauche, quelle majorité pour 2012 ? » L’apolitique (sic) du PS d’aujourd’hui en matière sociale a ses racines dans cette analyse et il est bien vain de se lamenter sur la soi disant trahison de la gauche sans vouloir lucidement considérer que l’attention aux mœurs et à la tolérance tous azimuts est le seul recours de la gauche depuis qu’il n’y a plus, comme le disait Thatcher, d’alternative au capitalisme… Pour cette engeance ( qui comprend la gauche ) bien entendu. Évidemment, ce constat ne signifie aucunement qu’on en vienne à une attitude défavorable là où la gauche veut une attitude favorable, prenant ainsi la position symétriquement opposée. Mais si on revient aux fondamentaux de l’anticapitalisme et qu’on se remet à penser sérieusement aux racines de celui-ci on s’aperçoit que, comme le disait Marx, le capitalisme est ce monde du perpétuel changement et de l’adaptation au marché – y compris celui du travail.

la mode islamique

la mode islamique se vend aussi (très bien)

Parisot est d'accord

Parisot est d’accord

Le recours à la laïcité est un repli sur la république. Le socialisme originel ( pas la bizarrerie partisane qui porte ce nom aujourd’hui ) va bien au delà puisqu’il aborde une critique nécessaire de la religion. Veut-on entreprendre des interprétations de la laïcité ? …dans un sens soit plus répressif soit plus tolérant ? Alors on participera au débat stérile sur l’interdiction par l’État du foulard, des cantines sans porcs, ou des prédicateurs salafistes ou autres choses encore… ( n’est ce pas, dans l’optique tolérante définie par Terra Nova, une insupportable infraction à la diversité des opinions que d’interdire le foulard islamique ? ) Ou bien veut-on critiquer la religion comme opium du peuple, sûr que derrière celle-ci se cache quelque chose qui n’est pas la religion mais qui relève de l’oppression ? Et ce, malgré les difficultés qu’une telle entreprise peut contenir maintenant que la déliquescence de la pensée populaire est bien avancée ? « il n’y a plus de classe en lutte mais une société de masse à la dérive  » car « aujourd’hui l’ouvrier est la base du capital et non sa négation » dit Miquel Amoros. Et donc dénoncer sans concessions les religions à chaque fois qu’elles veulent imposer leurs valeurs. Là est la question. A notre sens.

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http://faut-le-dire.over-blog.com/religion-et-emancipation.html

RELIGION ET ÉMANCIPATION

1 octobre 2015

« Parler de liberté n’a de sens qu’à condition

que ce soit la liberté de dire aux gens

ce qu’ils n’ont pas envie d’entendre. »

Georges Orwell

Qui parle ?

Il est clair que le point de vue qui est le nôtre – et qui peut paraître à certains bien fumeux – est qu’il convient de critiquer la religion …à partir de l’émancipation que l’on a en point de mire. Il ne s’agira donc pas d’opposer le christianisme censé être « tolérant » et « émancipateur » à l’islam qui serait par essence « rétrograde ». La raison en est simple : ce sont les Lumières et tout ce qui a été fait en Europe contre la religion chrétienne – et certainement pas avec la religion – qui a donné ce relatif air de liberté qui a cours aujourd’hui. Ce serait une folie de s’inscrire dans ce fameux « choc des civilisations ». Cela équivaudrait à s’inscrire dans la lignée d’un christianisme – moribond depuis longtemps – qui est la négation même de l’émancipation souhaitée. Même des choses aussi évidentes que celles-ci semblent être négligées aujourd’hui – y compris par certains de ceux qui se réclament de cette émancipation.

Il ne s’agit pas non plus d’opposer à l’ « obscurantisme » religieux cette autre religion bien plus moderne qu’est le citoyennisme, c’est à dire la reconnaissance de la « République » ou la « démocratie » comme horizon indépassable de notre monde. Et le système social qui va avec bien sûr. Aux antipodes du système représentatif (comme le nommait B. Constant qui ne parle d’ailleurs jamais de démocratie pour désigner le système représentatif dont il fait l’éloge et justifie le bien fondé.) la recherche de l’autonomie est l’axe autour duquel tourne l’émancipation à laquelle on peut aspirer. Contre la représentation par quelques uns à qui on va déléguer la conduite de la vie sociale et, bien entendu, contre toute espèce de confiscation du pouvoir par une caste d’illuminés (religieux ou pas) qui vont guider les décisions par leur savoir autoritaire. Autant dire que le mot « émancipation » n’a pas le même sens dans notre bouche et dans celle des gens de gauche qui en tartinent leurs discours parfois quand ils ont envie de se donner une image « de gauche » ou (vraiment) « socialiste ».

Parmi ceux qui répètent les ‘vérités’ de la république de gauche il y a ceux qui veulent se cliver des politiciens en cravates et en utilisent les idées mais – clivage oblige !– avec un vocabulaire hargneux et des tournures plus agressives. C’est le propre du gauchisme que de n’avoir rien de plus à dire que les sociaux démocrates mais dans un grand besoin de s’en démarquer (à gauche) d’user de toute la hargne possible pour faire entendre que, eux, vont quand même …plus loin. Un exemple en préambule : Quand ils ont besoin de quelqu’un pour illustrer leur pauvre credo ils ne trouvent pas mieux que justement les intellectuels de gauche dont en temps normal ils voulaient se démarquer. Et pourquoi pas Edward Saïd ? Conspuant « la longue histoire d’intervention impérialiste de l’Occident dans le monde islamique, de l’assaut continu contre sa culture et ses traditions… » celui-ci ajoute que cela « constitue un élément normal du discours universitaire et populaire… ». Et nos pseudo révolutionnaires d’en conclure que « Assumée ou dissimulée, cette structure de pensée [l’islamophobie] gangrène une vaste partie du champ politique progressiste ». On a pourtant pu constater exactement le contraire : plus on est à gauche et plus on s’extasie devant sa radicalité qui nous conduit à pourfendre tout ce qui ne défend pas les opprimés quelque soit leur état d’aliénation assumée et leurs initiatives destructrices de l’humanité. On aurait cru que se situer dans l’objectif de l’émancipation aurait conduit à plus de clairvoyance et de discernement mais il faut bien reconnaître que ça ne suffit pas !

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Où se situer ?

Entre un individu de droite et un autre de gauche la différence est que le dernier (issu très majoritairement de la classe moyenne aujourd’hui ) se fera parfois le défenseur des pauvres et des opprimés. Il ne fait pas ça parce que, lui aussi, se sent opprimé ou pauvre, bien sûr, car il ne voit pas trop ce que ce monde a de si dérangeant hormis bien sûr les discriminations qu’en bon progressiste il va dénicher dans les coins les plus reculés du corps social. Ce sont donc les autres : immigrants, ouvriers, chômeurs, etc… qui sont discriminés et exclus de ce si désirable état de grâce – le confort des classes moyennes – que les progressistes voudraient attribuer à tous… sans discrimination. L’essentiel pour lui est qu’il n’a pas grand chose à reprocher au système qui lui convient dans ses grandes lignes. Quand celui-ci ne fonctionne pas très bien alors il convient que l’État entreprenne quelques ajustements. Pour avoir la même chose …mais en mieux ! La généralisation de la condition de la bourgeoisie intello bobo, c’est l’horizon indépassable de leur politique de gauche.

Dans ce cadre de pensée la défense des musulmans qui subissent la vindicte populaire est une seconde nature pour l’homme de gauche. Il invoquera dans ses motivations l’internationalisme prolétarien s’il est un peu au fait la tradition ouvriériste ou la bonne morale s’il est un peu catho ; bref une idée à laquelle tout le monde, ou presque, pourrait souscrire.

En aucun cas, il ne peut tourner la tête et regarder ce qui se passe dans la réalité. Il défend les homosexuels en France parce qu’ils sont, eux aussi, des réprouvés qui aspirent à des droits. Très bien mais il ne fera pas le lien avec la situation vécue par ceux-ci dans les pays musulmans. (Ce serait avoir une vision politique qu’il n’a aucune envie d’avoir) Pas plus avec celle que leur font subir en France les musulmans bon teint (voir les réactions d’organisations musulmanes contre le mariage gai et …l’enseignement de la théorie du genre) ; l’homme de gauche défend aussi les revendications ‘sociales‘ car ce sont celles des pauvres sans voir que dans les pays musulmans, c’est l’islam – comme ce fut le cas jadis du catholicisme en France (…ou en Espagne …ou ailleurs) – qui sert d’étendard à la classe dirigeante pour conserver son pouvoir et mâter les rébellions. Voir le Maroc ou la Turquie actuels.

Que des laissés pour compte du capitalisme puissent défendre mordicus un point de vue qui soit particulièrement odieux est incompréhensible pour un individu de gauche. Il préfère ne rien entendre et ne rien voir. Parce que, comme le clame volontiers E.Todd, républicain de gauche et figure de prou dans cette position, il est immoral d’attaquer « …la religion des faibles… ». Le rôle de la gauche est de défendre ces « faibles » quelque soit la situation et, dans la foulée, de défendre toutes leurs revendications, même les plus aberrantes.

En somme, la gauche a perdu – si toutefois elle l’avait un jour – les objectifs de l’émancipation pour ne conserver qu’une défense de la veuve et de l’orphelin ; cette attitude ayant toujours existé (à plus ou moins haute dose) même dans les régimes monarchiques ou très oppressifs. Pendant les siècles de charité chrétienne agissante les fondations de bienfaisance n’ont jamais mis fin aux souffrances des populations qui en ont bénéficié. Cette charité et cette empathie ne sont évidemment pas mauvaises en soi, bien au contraire, mais cela ne pourra jamais être suffisant parce qu’elles sont, par manque de vision politique, aveugles et sourdes, parce qu’elles procèdent d’un sentiment bien humain de compassion qui est loin d’être suffisant pour agir en ce monde et peut même, par manque de cohérence, aboutir à des abominations.

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« Aucun homme public ne croit que la Bible veut dire ce qu’elle veut dire,

dit Bernard SHAW,mais il est toujours convaincu

qu’elle dit ce que lui veut dire »

cité par Hamid ZANAZ dans « L’impasse islamique »

Vérité révélée et retour aux sources :

Chacun peut trouver (à peu près) ce qu’il voudra dans sa lecture de la Bible ou du Coran. Comme dans toute religion il y a (à peu près) tout et son contraire. On a fait maintes fois remarquer que la religion chrétienne – qui s’était annoncée comme une religion de paix et d’amour a très vite tourné en religion aussi guerrière que le paganisme qu’elle avait combattu ; elle a même persécuté les païens et tenté de détruire les coutumes païennes (ruinant les temples, interdisant les manifestations païennes publiques et le théâtre populaire) dès qu’elle est arrivée au pouvoir avec le premier empereur : Constantin, qui l’a érigée en religion d’État – c’est à dire dès qu’elle a eu les moyens de le faire.

Aujourd’hui en France, les autorités religieuses catholiques survivent et s’accommodent d’une situation de ‘marginalité’ qui date d’un siècle. La lutte contre un pouvoir que l’Église ne voulait pas lâcher a été âpre mais s’est terminée par une mise à l’écart de celle-ci. La papauté reste aujourd’hui en Europe comme un archaïsme (comme la royauté en Angleterre par exemple). On la regarde parfois avec un brin de sympathie parce que, finalement, c’était la voix des temps anciens que l’on veut voir comme révolus. Le catholicisme est parfois vu comme la croyance des attardés du village…qui ne peuvent plus faire grand mal. (1)

Il est donc ressenti comme révoltant qu’une religion comme l’islam gagne en vigueur et arrive à trouver des partisans tout en terrorisant ceux qui s’opposent à elle. Et ceux que, en tant que musulmans, elle a sous sa coupe – et qu’on oublie souvent – sont les premiers terrorisés. Encore faudrait-il se poser la question : Pourquoi gagne-t-elle des adeptes ? Pourquoi des jeunes gens entrant en contact avec l’islam y trouvent leur compte ? Il est clair qu’un monde prônant la vacuité de la consommation et du plaisir immédiat sur tous les panneaux publicitaires a de quoi dérouter même si on peut aussi constater qu’une majorité s’en contente voire y adhère avec ferveur. Malgré tout certains préfèrent des valeurs religieuses « éternelles » plutôt que le caractère fugace de l’hédonisme capitaliste. L’islam militant montre une opposition énergique à ce monde de la consommation généralisée (les terroristes qui ont abattu des touristes en Tunisie ont qualifié l’hôtel où ils ont tiré sur la foule de « bordel ») Et quand le rejet est fort on peut franchir le pas qui mène à l’islamisme militant. Mais il y a aussi, d’après le juge Trividic, beaucoup de gens (une majorité, selon lui) dont les motivations ne sont pas vraiment religieuses qui se retrouvent dans la lutte armée de l’État Islamique.

Pour un peuple pétri par les Lumières, voire l’anticléricalisme, le choc est rude. On peut donc voir ce retour de la religion comme un retour aux temps les plus ‘obscurs’ de l’autorité qui tombe du ciel. Ce qui vient brouiller l’analyse dans la situation actuelle est l’origine étrangère de cette religion et le fait que celle-ci soit portée par une population marginalisée (au moins pour une partie de celle-ci) et parfois recluse dans des quartiers ghettos.

(1) il faudrait parler du christianisme en dehors de l’Europe ici car le constat ne serait pas le même. Aux États Unis par exemple les sectes protestantes ont un réel pouvoir sur les esprits et un pouvoir politique alimenté par l’argent de riches donateurs. Elles sont, de plus, prosélytes un peu partout dans le monde et parviennent même, dit-on, à la conversion de quelques algériens. Et leur connotation politique est extrêmement réactionnaire, doit-on le rappeler. Comme pour tous les protestants on retourne aux Écritures pour éclairer la situation actuelle.

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Un détour à propos de l’islamophobie ? Vaste sujet :

De quoi s’agit-il ? On sait les militants de gauche pas avares de ce genre de qualificatifs. On sera aussi qualifié d’homophobe, trans-phobe, LGBT-phobe, etc… si on n’entre pas dans le moule (1). On peut penser qu’une phobie est, dans l’usage courant (Petit Robert), « une peur ou aversion instinctive ». (2) La peur exclut d’emblée l’idée de réflexion. On a peur, on sait ou on ne sait pas pourquoi ! Mais on a peur. C’est ce qui fait dire à Marwan Mohammed, sociologue anti islamophobe, que « la peur ne peut pas être condamnable mais c’est le même suffixe qui a été choisi pour xénophobie ou homophobie acceptés comme tel pour désigner le rejet de l’étranger et la haine à l’égard des homosexuels. » (3). Le suffixe phobie signifie donc, selon lui, parfois peur de… d’autres fois rejet de… et même haine envers… voilà bien un concept fourre-tout car avoir peur de quelque chose, ce n’est pas forcément haïr ni rejeter. Et inversement. Il ne met pas de réserve à cet usage assez flou se contentant de dire qu’ « il y a un excès de nominalisme dans les débats autour de l’islamophobie. » Belle façon d’éviter de faire le tri entre les diverses possibilités et d’éluder la difficulté.

Être contre l’Islam, dénoncer la religion comme une aliénation, est une chose. Être islamophobe = avoir (une) peur (instinctive) de l’Islam – voire de la haine – c’en est une autre. D’autant que le sens de phobie en psychologie en rajoute sur le caractère irrationnel de la peur. Qui devient carrément un rejet obsessionnel et même pas motivé (consciemment du moins). C’est bien dans cette ambiguïté que viennent se nicher les attaques contre l’islamophobie prétendue ou assumée des uns et des autres. Être islamophobe (peu le revendiquent mais beaucoup sont accusés de l’être) revient donc dans la bouche de beaucoup de militants de gauche (4) à être un incroyable décervelé primaire, rejetant et haïssant l’Islam sans être capable de justifier son point de vue. Ces anathèmes envers toute critique de l’Islam sont encore plus caricaturaux quand les militants politiques les profèrent, c’est pourquoi nous avons préféré ici choisir les propos d’un sociologue qui a l’avantage d’être, malgré tout, plus précis et plus explicite.

Il y a une grande différence donc entre, d’une part, la critique de l’Islam que l’on fait d’une manière rationnelle, argumentée, logique, après avoir pris connaissance de faits historiques et, d’autre part, le ‘préjugé’ anti musulman qui relève plus du viscéral que du rationnel. Pour faire la différence il suffit d’écouter parler, de lire les écrits ou, mieux, de voir les gens agir. Mais Marwan Mohammed, toujours lui, ne voit rien : « je lis dans la presse, dans les journaux de masse …peu de critiques argumentées, profondes… on est plus dans l’ordre de la dénonciation, du rejet, du mépris. » Il est vrai que les journaux de masse ne brillent pas par la profondeur de leurs analyses. Cependant ça ne veut pas dire que les analyses manquent mais …qu’il faut aller les chercher ailleurs ! [ Ce n’est, du reste, pas seulement pour trouver une critique cohérente et substantielle de l’Islam qu’il faut aller à la pêche ailleurs que dans les médias de masse mais pour la totalité des sujets. ] Il va donc de soi que, dans la perspective d’entretenir la confusion, il est bien commode d’éluder le problème de la critique de l’Islam par ce genre de constat.

Il faut tout de même ajouter que, pour ne pas paraître trop dogmatique, notre sociologue expert en islamophobie précise quand même que « le terme ‘islamophobie’ peut servir à faire taire toute critique des religions » « il peut y avoir un usage malhonnête du terme islamophobie ». Ce en quoi on ne peut qu’être d’accord, on le voit assez souvent ! mais il dit ça en passant, comme si c’était anecdotique. Comme si ça pouvait exister mais seulement …en théorie ! « il peut y avoir … » En pratique, cet ‘usage malhonnête’ n’existe pas ! semble-t-il dire. Il aurait pu prendre en compte concrètement cet usage malhonnête dans l’opposition à l’islamophobie aujourd’hui mais de cela il ne parle pas, son seul objectif, c’est la dénonciation de celle-ci (3). Or, ce n’est pas en taisant tout ce qui pourrait éclairer la situation et en jetant des anathèmes à tire larigot qu’on sortira de la confusion.

Il y a urgence à reprendre la critique des religions. Urgence à la critique de l’Islam militant et triomphant. Et on aura compris qu’il s’agira pour nous d’argumenter à partir du point de vue de la nécessaire et souhaitable émancipation de l’humanité.

(1) Voir la polémique sidérante avec Escudéro, auteur de « La reproduction artificielle de l’humain » provoquée par les thèses exposées dans le livre. https://alexisescudero.wordpress.com/2014/11/23/la-journee-de-lamour-par-annie-gouilleux/

En bien plus dérisoire, les défenseurs de l’automobile comme moyen (relativement) propre diront que les autorités prennent des « mesures autophobes »

(2) Pour le chercheur Michel Rougier, professeur de grec et auteur d’une étude pour le compte de l’Académie française par contre, « l’emploi que la médecine fait du suffixe «– phobie » « a brouillé le sens du terme grec. Il désigne quelque chose que l’on choisit d’appréhender et de considérer comme potentiellement néfaste ou dangereux » mais c’est bien la seule mention de ce sens que j’ai pu trouver… avec laquelle d’autres ‘connaisseurs’ sont en désaccord. Je me fie donc au petit Robert.

http://www.20minutes.fr/culture/1681263-20150907-islamophobie-michel-houellebecq-devrait-reviser-grec-ancien

(3) Marwan Mohammed, sociologue. Voir http://www.lemonde.fr/idees/video/2015/02/26/l-islamophobie-une-specificite-francaise_4584123_323

(4) Comme d’habitude, à l’extrême gauche on dit la même chose que la gauche en cravate mais en des termes plus virulents.

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« les bandes de jeunes délinquants pouvaient en 1968

et dans les années suivantes se rattacher à un mouvement

de contestation générale qui traversait différents secteurs de la société.

Ils pouvaient rencontrer des gens différents porteurs

d’expérience qui leur ouvraient des voies.

Ils se retrouvaient avec d’autres dans des affrontements

de rue contre la police. Alors que les bandes de jeunes de 2005

sont totalement isolées et

…elles ont fini par développer une culture de l’isolement. »

Alessi Dell’Umbria

question importante : que reste-t-il de la révolte ?

Le constat d’Alessi Dell’ Umbria est implacable. Il est vrai que l’isolement dans leur position d’humiliés et de délaissés est aujourd’hui la condition des jeunes (et de moins en moins jeunes) français ou immigrés. Si l’on ajoute que « le retour de la religion est un fait incontournable depuis une vingtaine d’années », on se rend compte à quel point il devient difficile de sortir du ghetto. Car le ghetto matériel, urbain a fini par aboutir à un confinement intellectuel. Le bunker de la religion recouvre un grand nombre d’individus qui n’ont que ça pour se valoriser, faire semblant de réfléchir, offrir un paravent d’existence individuelle. Quand les confrontations d’idées sont confinées (comme aujourd’hui) à débattre sur l’Islam – alors que le débat sur la religion a été abordé et, pour une bonne part tranché, depuis belle lurette en France – on peut se dire qu’on a effectivement fait un grand pas en arrière !

Il faut dire que bien loin de critiquer ce recours à la religion certains militants ‘gauchistes’, ne faisant pas dans la dentelle, en rajoutent, telle la LCR belge qui insère dans son logo une fille voilée. Criant sa révolte sans doute (mais contre quoi ?). On se souvient aussi qu’une femme voilée s’était présentée à une élection sous la bannière du NPA (les cousins de la LCR belge) il n’y a pas si longtemps. La confusion est là à son comble. Au diable (si j’ose dire!) si quelqu’un pense qu’aucun signe de soumission ne peut être mis en avant quand on vise l’émancipation de l’humanité. Or le voile en est un ; s’il s’agit d’une soumission à l’homme auquel se réserve la femme (le fait qu’elle soit individuellement consentante ou pas est ici indifférent, c’est d’un fait social pas d’une initiative individuelle dont il est question) il est aussi soumission à Dieu et à ses préceptes extravagants. « Si j’ai affaire à une musulmane libre et qui a choisi par conviction de se vêtir ainsi par pudeur et devant son créateur en mettant cela au dessus du regard des hommes… » dixit Hani Ramadan. On remarquera que les pires servitudes sont toujours parées des oripeaux de la liberté par ce type de croyants. Mais comme les ‘gauchistes’, pseudo révolutionnaires, doivent recruter ils essaient – là encore – de trouver la révolte où ils peuvent. Et sans grand discernement. Les victimes du capitalisme ne manquent pas. Mais l’ennui, c’est qu’être une victime du capitalisme peut conduire à lutter parfois pour l’émancipation …mais d’autres fois aussi pour un asservissement encore plus complet. Et c’est bien ainsi qu’on peut entendre le recours à la religion musulmane comme solution aux problèmes posés par le capitalisme. La « révolution iranienne » a montré la voie ; contre le régime du Shah qui avait développé le capitalisme dans ce pays mais aussi rogné le pouvoir des religieux chiites. Comme dit le collectif des femmes sans voile : « Ça a commencé avec l’avènement de l’Etat théocratique iranien : quand les islamistes ont pris le pouvoir leur première action a été de voiler les femmes et de rendre leur conception de la religion visible à travers le corps de la femme. » et partout où les islamistes parviennent au pouvoir c’est une de leurs premières initiatives. Il paraît évident que « L’islam qui se manifeste bruyamment aujourd’hui est un ensemble de nouvelles pratiques agressives qu’on peut appeler extrême droite musulmane, néo-islam ou techno-islam. Elles se distinguent clairement de la foi du charbonnier qui prévalait partout jusque dans les années 1980 [et imposent] au fidèle un dogme qui ne peut mener qu’à la sécession, à la ‘désintégration’ des sociétés qui se réclament de la sortie des religions, des Lumières, des mouvements ouvriers, des courants féministes. On passe de la bigoterie traditionnelle vieillissante au projet collectif de domination des âmes, de la famille, du quartier, du pays, visée strictement et absolument incompatible avec les héritages des tenants de l’émancipation. » (collectif Lieux Communs) Cependant nos anti islamophobes ne voient rien de tout ça.

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« Avancer que les musulmans intégristes n’auraient pas compris

le message de l’Islam est une blague qui ne fait rire personne aujourd’hui.

Toute personne moyennement informée sur les choses de l’islam

pourrait comprendre qu’ils ont trop compris l’islam. »

Hamid ZANAZ

l’Islam n’aurait aucun rapport avec l’islamisme terroriste :

Si c’était le cas, si les deux choses étaient vraiment comme la réalité et un simulacre ou bien sa honteuse … caricature comment pourrait-on expliquer les nombreuses réactions du type : « ils l’ont bien cherché ! » adressées à Charlie Hebdo par des musulmans ‘normaux’ ? qui sont certes minoritaires mais tout de même un nombre significatif. On peut certes attribuer cette réaction à une rancœur tenace et légitime contre les tenants du système qui réduit les fils et filles d’immigrés à la ‘vie dans les cités’. Mais voilà, Charlie n’est pas de la bande des tenants du système. Les juifs abattus au hasard de leurs courses au supermarché pas forcément non plus. Et pas plus la victime collatérale qu’est l’homme de ménage de l’immeuble de Charlie ou le flic qu’un des Kouaci a achevé alors qu’il se trouvait au sol. De toute façon, on ne s’est pas attaqué à l’État ni au système qui sont les organisateurs de la misère. Tout cela dépasse l’incapacité à discerner son ennemi, il ne s’agit plus d’y voir de la confusion « La différence entre les révoltés et les têtes brûlées est plutôt tenue, elle tient simplement à la capacité d’identifier ses ennemis et de ne pas se tromper de cible ». (Alessi Dell’Umbria) Dans le cas de Charlie la cible a bien été désignée : les critiques ‘blasphématoires’ de l’Islam. Rien à voir avec les gestionnaires de la misère. Ce n’est pas comme attaquer un commissariat en 2005 – ou même, plus niaisement, un camion de pompier qui vient éteindre le feu mis à des véhicules. Non, il ne s’agissait clairement pas d’attaquer l’État ou le capitalisme. « On a vengé le prophète. Allah o akbar ! » C’est tout. Et les commentateurs élogieux des frères Kouaci et de Coulibaly qui sont issus des banlieues ne démentent pas cela. « Avant d’être un programme politique l’intégrisme est un état d’esprit » ( H.Zanaz) Ils n’ont pas la rhétorique d’un Tarik Ramadan qui tourne autour du pot devant les caméras, ils disent (plus ou moins) haut et (plus ou moins) fort qu’il n’est pas interdit de tuer les blasphémateurs. Si, il fut un temps, certains ‘jeunes de banlieues’ avaient dans l’idée de lutter contre une société oppressive et pour l’émancipation, aujourd’hui l’idéologie qui se diffuse le plus, et Alessi dell’Umbria n’est pas le seul à le penser, c’est l’Islam. Et à sa suite l’islamisme. « …tous les jeunes qui sont affectés par cette dérive obscurantiste et nihiliste ne s’enrôlent pas dans le « Djihad », » [mais] « beaucoup d’entre eux considèrent comme des « héros » ou des « justiciers » ceux qui ont franchi ce pas …» (Révolution Internationale) Contrairement à ce que disent les commentateurs de droite parfois (…ceux qui veulent passer pour humanistes) mais surtout de gauche (…qui sont sûrs de l’être), c’est précisément dans le terreau de la tradition islamique – mais pas seulement, bien sûr ! – que l’on va se nourrir pour élaborer l’islamisme. Jacques Ellul, peu suspect de proférer des jugements à l’emporte pièces, déclarait en 1989 : « Malheureusement, au cours de l’histoire complexe de l’Islam, ce sont toujours les « intégristes », c’est-à-dire les fidèles à la lettre du Coran, qui l’ont emporté sur les courants modérés, sur les mystiques, etc. » Aujourd’hui en Europe on est dans une lutte entre ces divers courants mais la balance est largement du coté de l’intégrisme. (1) En tous cas, la visée de l’émancipation est bien marginale dans les préoccupations de populations qui pourtant devraient et pourraient être intéressées par cette problématique.

(1) « El Baghdadi [ émir de Daesh l’État islamique ] est plus insultant pour Mohammed que la caricature de Charlie, non ? Et donc pourquoi cela ne provoque pas des marches à Alger et au Pakistan ? Pourquoi on ne se sent pas ‘atteint dans sa foi ? Pourquoi il n’y a pas d’islamistes dans les rues qui crient ‘nous sommes Maaz al-Kassasbeh’ [ pilote jordanien mis en cage et brûlé vif par Daesh ] ? » Kamel Daoud.

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« On n’imaginait pas des actions véritablement préparées,

on n’imaginait pas une telle violence,

une telle haine, on n’imaginait pas que des jeunes français

puissent se désolidariser des hommages

rendus aux victimes de la barbarie,

puissent ne pas éprouver de compassion,

puissent au contraire se sentir solidaires des tueurs. »

Jean-Luc Gasnier.

http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-luc-gasnier/180115/avant-les-balles

l’islamisme et son ombre :

Le prétendu racisme de Charlie Hebdo. N’étant qu’un lecteur très occasionnel de ce journal nous nous garderons bien d’émettre un avis tranché sur le sujet qui ne semble pas simple. Au premier coup d’œil, les dénonciations des religions auraient bien notre sympathie. En sorte que nous pourrions dire que « ce qui était frappé [dans les attentats], c’est justement ce qu’ils [Charlie hebdo] avaient de meilleur. »

Beaucoup tirent argument pour dénoncer Charlie H et les soi disant islamophobes du fait qu’on a le droit d’attaquer la religion mais pas ceux qui la pratiquent. Certes, mais, à moins d’être un idéaliste complet, la religion n’existe pas seulement dans le ciel des idées, elle existe aussi et surtout dans l’Histoire des humains. « Il n’y a donc pas d’Islam idéal, coupé des réalités humaines. » (collectif Lieux communs). On ne veut pas faire ici du commentaire théologique. Comment parler du Coran sans parler de la vie de Mohammed en particulier et des musulmans en général ? On est évidemment d’accord avec Zined El Rhazoui sr le fait que « honnir une idée ne doit jamais mener à sa personnification. Critiquer le voile ne revient pas à humilier chaque femme voilée, pas plus que critiquer l’islam ne revient à conspuer chaque musulman ». Mais il est difficile évidemment de faire entendre ça à certains individus qui vivent dans l’obsession du « complot contre l’Islam ». [ On fera remarquer qu’on ne choisit pas toujours ses ennemis. Le jour où un islamiste décide que vous êtes son ennemi et que vous méritez la mort, qui pourra calmement l’en dissuader ? ] On peut critiquer l’Islam tout en côtoyant pacifiquement des femmes voilées et des ‘barbus’. Le problème, c’est bien que critiquer l’Islam a pour eux une signification qui n’est pas celle que l’on peut lui donner lors d’une discussion ouverte. Mettre en question (qui plus est : en cause) une vérité révélée (ou prétendue telle, qui plus est, puisque le voile n’est pas, semble-t-il, un précepte religieux mais une tradition bien ancrée) est pour un croyant une atteinte au sacré. Pour beaucoup de croyants (les plus obtus) discuter leurs croyances, c’est les dénigrer …eux-mêmes ! Même si ça ne finit pas toujours par des horions la discussion n’est pas toujours possible. Quelle attitude donc peut-on vraiment avoir pour ne pas heurter la sensibilité de ceux-là tout en restant lucide et sans taire ses critiques des préceptes islamiques. Reprenons les dires de Zined : on comprend que « les femmes voilées de [sa] famille so[ie]nt moins susceptibles [qu’Olivier Cyran (1)] » On peut comprendre que dans un univers familial il est possible de ne pas cacher son aversion pour le « bout de tissu qu’elles portent sur la tête » tout en faisant en sorte qu’elles [comprennent] que « cela n’enlève rien à l’affection et au respect que [l’on] peut leur témoigner – ou pas – pour des raisons simplement humaines ». Mais, dans une famille, les gens se connaissent et on peut estimer untel ou unetelle pour des vertus ou des défauts que l’on a vues à l’œuvre. Il en va autrement avec des gens que l’on ne connaît pas. Dans bien d’autres cas donc, faute de connaître les personnes la critique de la religion peut être prise pour la critique du croyant même si elle n’est pas adressée à la personne. Et ceux qui ne voient pas cet aspect des choses se méprennent lourdement ou bien encourage le silence. Sachant que « le silence de la raison engendre des monstres » ça ne paraît pas une alternative très prometteuse.

Il est vrai que certains, plus du tout dans le sillage des révolutionnaires du siècle dernier qui voulaient mettre « les églises par terre et l’ bon Dieu dans la merde » (chanson anarchiste), sont aujourd’hui singulièrement tièdes – y compris dans le milieu anarchiste quand il s’agit de dénoncer les religions et, plus particulièrement, l’Islam comme idéologie oppressive (2). La cause étant que l’on ne doit pas humilier ceux qui sont déjà fortement humiliés par ailleurs. Et même de rajouter que « de moins en moins subtilement … on nous suggère que chaque musulman-ne serait un-e « terroriste » potentiel-le. » assurent-ils. On peut se demander qui est ce « on » ? Dans un monde aussi différencié que le nôtre « on » entend aussi bien des gens qui clament cette position que d’autres qui mettent en garde contre le fameux ‘amalgame assimilant les musulmans lambda et les terroristes islamistes‘. Et il nous paraît évident que la deuxième position est la position officielle de l’État français même si elle s’accompagne dans beaucoup de domaines (actions policières notamment) d’une pratique aux antipodes de ces principes. Ceux qui, dans les pays musulmans, défendent leur athéisme ont du mal à comprendre qu’on recule à ce point dans la critique de l’islam en France, pays où la critique de l’aliénation religieuse a été faite depuis longtemps et où on en est arrivé à l’instauration du principe de laïcité. Mais en France on oublie souvent que des gens de culture musulmane peuvent aussi prendre leurs distances par rapport à leur religion d’origine. Ce qui revient à penser bizarrement que les arabes, maghrébins, moyen orientaux,… sont radicalement attachés à cette religion et n’en sortent pas. Il est vrai qu’il est difficile d’en sortir du fait que l’apostasie est punie de mort par l’islam – ce qui est quand même dissuasif. D’autre part, la pression sociale est bien plus forte dans les pays musulmans (où la religion est considérée comme le ciment social) que chez nous – où elle est considérée (aujourd’hui) comme une croyance individuelle. Donc « privés des lois canoniques qui leur servent d’outil de pouvoir dans les pays musulmans, [les islamistes] se ruent sur les lois anti raciales en France pour faire taire les détracteurs de leurs croyances. Ils se tuent alors à vouloir nous faire admettre que critiquer le voile revient à dénier leur dignité à celles qui le portent, et que c’est donc du racisme. Critiquer Mahomet, c’est humilier chaque musulman à titre individuel, et c’est donc du racisme. Voilà leur équation, …» écrit Zined. Hamid Zanaz va plus loin dans l’analyse, lui qui a fui son Algérie natale suite aux persécutions islamistes : « la meilleure façon de se tromper sur la vraie nature de l’intégrisme, c’est de le réduire principalement à ses militants. Voir simplement son côté visible, sans percevoir qu’il est l’expression et le résultat de ce qui est latent, de ce qui travaille en profondeur la société. ». Être attentif à ce qui est latent et dans les profondeurs de la société… alors que pour beaucoup il vaut mieux …se voiler la face. Il faut rappeler que le livre de H. Zanaz a reçu le « Grand Prix Ni Dieu ni maître 2009 ».

(1) auteur d’un article accusant Charlie hebdo de racisme, celui-ci fut très lu et partagé sur Internet. Zined El Rhazoui a répondu à cet article mais (curieusement) sa réponse a, à ma connaissance, beaucoup moins circulé.

(2) Alain Gresh a pu dire, avec la plus grande candeur, que « dénoncer l’islam dans notre société ne comporte pas de danger, si ce n’est de s’acquérir une notoriété facile. » 22 août 2013 [ http://lmsi.net/A-propos-de-l-islamophobie ] On peut être tout de même étonné de ce manque de clairvoyance ; après les attentats de janvier on a vu à quel point c’était …’sans danger’. Comme le dit Zined, Charlie Hebdo a beaucoup plus de procès avec les autorités catholiques (intégristes ou pas) qu’avec les autorités musulmanes. Mais enfin un procès, ce n’est pas une rafale de mitraillette !

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L’islamisme ici et ailleurs :

Comme en 14… les anarchistes sont divisés et certains voudraient lutter contre l’État en ne dénonçant pas clairement et sans voir le risque totalitaire qui se faufile avec l’Islam militant de ces dernières années, cette « dimension nouvelle dans la barbarie » car il s’agit bien de se demander « pourquoi tant de gens […musulmans] se mobilisent quand l’Occident est accusée de porter atteinte à l’islam et que l’on ne fait rien contre Daech qui massacre cette religion, son sens, les siens et son sang ? » (Kamel Daoud journaliste algérien) Voilà bien la question posée : quel avenir nous construit cette mouvance avec ces recours de plus en plus fréquents à une violence abominable ? Difficile de ne pas penser ici aux exactions du Ku Klux Klan ( qui s’appuyaient sur l’acceptation tacite d’une bonne partie des blancs dans les États du Sud des EU ) ou celles des nazis (la passivité plus ou moins contrainte de la majorité des allemands). Ce mépris de la vie devient plus banal que jamais chez cette engeance. Et le triste constat, c’est qu’on glisse de plus en plus dans cette ornière. Que faire ? ‘pas d’amalgame !’ ? certainement. Mais s’il faut s’attaquer à cette excroissance horrible de la religion qu’est l’islamisme il ne faut par pour autant abandonner la critique des religions elles-mêmes. Ne pas dénoncer les islamistes (et ceux qui les soutiennent) est ignoble. D’abord au regard de ceux qu’ils ont tués. Des juifs parce qu’ils étaient juifs, un ouvrier qui passait par là, des flics et Charlie Hebdo à cause des caricatures. Mais c’est aussi ignoble parce qu’on essaie de nous amener à penser qu’écrire et dessiner peut nous mener à la mort si c’est classé dans la catégorie blasphème par une bande de cinglés. « Pourquoi une caricature semble porter atteinte à l’islam aux yeux de certains et pas un ‘Savant’ pédophile en Arabie Saoudite, un vendeur d’esclaves femmes kurdes chez Daech ou un revendeur d’écolières à 20 dollars au profit de Boko haram ? Les raisons, nous les connaissons tous : lâcheté, inculture, mensonges, hypocrisie collective, haine de l’Autre, politiques et populismes. » Kamel Daoud. Gageons que, de renoncement en renoncement, la catégorie des faits et comportements inacceptables par les islamistes risquent de grossir. Il suffit de jeter un œil en Arabie Saoudite (1) où un jeune homme Aahraf Fayadh est fouetté car il « est accusé de ‘harceler les bien-pensants religieux’ et de laisser pousser ses cheveux… ».

(1) Prison et coups de fouet confirmés pour Raïf Badaoui en Arabie saoudite. Dix ans de prison, dix ans d’interdiction de sortie du territoire et mille coups de fouet. La Cour suprême d’Arabie saoudite a confirmé la peine prononcée à l’encontre du blogueur saoudien Raïf Badaoui pour « insulte à l’islam ».Le blogueur a été condamné en novembre 2014. Raïf Badaoui est emprisonné depuis 2012. Farouche défenseur de la liberté d’expression, son site Internet avait demandé la fin de l’influence religieuse dans le royaume saoudien, régi par le wahhabisme, version stricte de l’islam.

http://www.lemonde.fr/arabie-saoudite/article/2015/06/07/prison-et-coups-de-fouet-confirmes-pour-raif-badaoui-en-arabie-saoudite_4649101_1668306.html#bBLdYAqi5GgxrDwT.99

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La religion, l’émancipation et la communauté des croyants :

Y a-t-il des voies vers l’émancipation compatible avec les religions ? C’est une question qu’on ne peut éviter. Pour y répondre on peut se tourner vers le Chiapas qui reste aujourd’hui une des plus importantes initiatives dans le sens de l’autonomie et de la liberté. Ce qui ne paraît certes pas à première vue et que l’on apprend de ceux qui ont fait le voyage et ont côtoyés les zapatistes, c’est que ces derniers sont pour beaucoup des gens très catholiques ! Le catholicisme ne conduirait donc pas comme les autres monothéismes à la ‘tyrannie’ ? Il faut donc y regarder de plus près : les zapatistes sont des gens qui ont des croyances ancestrales (sur la Terre mère par exemple) qui contredisent les préceptes chrétiens. Si la terre est donnée aux hommes par Dieu pour les chrétiens, celle-ci n’est pas pour les religions précolombiennes un panier plein dans lequel on peut puiser à loisir. La Terre est considérée comme une personne (la mère) avec laquelle il faut échanger et qui a ses limites comme toute personne dans ce monde. Rien à voir donc avec la Terre et les animaux qui sont données aux hommes afin que ceux-ci vivent et chantent la gloire de leur créateur. On peut aussi remarquer que la religion n’a aucune place dans la volonté des habitants du Chiapas de propager l’émancipation. Comme pour l’illustrer on remarquera que la promotion sociale de la femme est à la fois contraire à leurs traditions ancestrales et aussi à leur foi catholique. Et cela n’a pas empêché l’intégration des femmes dans les assemblées et de faire en sorte qu’elles jouent un rôle plein et entier. Peu à peu la situation change ; précisément on va à contre courant des préceptes religieux. Ce qui doit être répandu, c’est l’émancipation, et c’est aussi ce qu’ils estiment manifestement avoir de meilleur à donner. Quel sera le statut de la religion d’ici quelques années si cette expérimentation se pérennise et aboutit ? Nous verrons.

Dans les religions monothéistes il existe une notion clé qui est la communauté des croyants (église vient de ekklesia, qui veut dire ‘assemblée’ en grec). La religion, dans ce sens, sert à cliver : ceux qui sont circoncis, qui ne mangent pas de porc, qui portent la croix, etc… Les femmes musulmanes en foulard se situent dans cette optique de différenciation : elles veulent se montrer différentes, elles sont du peuple des croyants, les élues de Dieu, et elles veulent se montrer telles, les autres n’en sont pas.

Michel Piquemal a fait justement remarqué que le « tu ne tueras point » de l’Ancien Testament, des juifs et des chrétiens est en fait à nuancer amplement car il n’a pas, contrairement à ce qu’on peut en penser aujourd’hui, une valeur universelle. De sorte que Moïse incitera au même moment les juifs à tuer leurs amis, leurs parents, leurs frères s’ils abandonnent les lois de Dieu car ils sont partis de la communauté des croyants et ne sont plus couverts par la loi de la communauté. Le commandement « Tu ne tueras point » ne s’adresse par conséquent – et contrairement à ce qu’on nous rabâche depuis toujours – qu’aux croyants et ceux-là ont droit aux égards tel que Dieu les a prescrits, les autres sont à la merci des croyants. Telles sont les religions monothéistes. (1)

Rien de tout ça chez les zapatistes croyants. Leur foi (quand elle existe) ne limite pas leur volonté de construire un monde du ‘buen vivir’. Nulle envie de se déclarer le peuple élu, un peuple ‘à part’. C’est plutôt le contraire : qui que vous soyez vous y êtes invités : « Emancipez vous ! » Non pas en faisant comme nous mais en trouvant votre voie dans le contexte qui est le vôtre mais que vous devez changer pour parvenir à lutter contre le capitalisme et pour l’autonomie, l’émancipation. Ils sont, aux dires de ceux qui les ont fréquentés, toujours prêts à reconnaître les limites de leur expérience et ne veulent pas être des modèles car ils ont compris à quel point chacun doit s’impliquer dans la recherche et l’expérimentation – et pas reproduire ce que les autres ont ‘réussi‘. Leur religion, dans ce cas – que ce soit la religion ancestrale ou le christianisme qui est venu se greffer dessus – n’est pas un obstacle à l’émancipation.

Il faut quand même évoquer toute la richesse que les cultures issues des terres acquises à l’Islam pourraient apporter. Malheureusement, la chose qui importe à nombre de musulmans n’est pas de revenir à ce qu’il y a de meilleur dans leurs traditions – ils en viendraient même à nier leurs racines comme ces égyptiens qui conspuent la civilisation de leurs ancêtres ou veulent interdire la publications des « Mille et une nuits » ou encore ces irakiens qui détruisent les palais antiques. On a l’impression que tout ce qui est antérieur à l’islam ne doit pas exister. Pour beaucoup d’entre eux l’important est d’affirmer partout et toujours leur identité : foulard, mosquée, prières, interdits de toutes sortes (alimentaires, vestimentaires,…) Une identité de plus en plus réduite d’ailleurs (2). Avec des codes si nombreux qu’il n’y a plus grand place pour autre chose que la répétition de ceux-ci. Identité de pacotille, diront certains, tellement elle est en contradiction avec le monde qui les entoure. Dans ces conditions la logique sociale qui les fait agir n’a rien à voir avec l’émancipation, c’est plutôt une régression au degré zéro de la religion.

(1) On peut faire un parallèle avec les différences de castes telles qu’elles sont décrites par Plutarque : le général romain Marcellus, magnanime, recommande à ses soldats de ne pas brutaliser les citoyens libres de la ville de Syracuse qu’il viennent de prendre. Sous entendu : les esclaves qui en bavaient jusque là sous la férule de leurs maîtres syracusains continueront à en baver soumis à de nouveaux maîtres ( alors que, eux, ne sont pour rien dans la guerre qui opposait romains et syracusains ). De même Shakespeare fait dire à Richmond, futur roi d’Angleterre et vainqueur de Richard III, après la bataille qu’il vient de remporter sur celui-ci : « quels hommes ont été tués [dans la bataille] qui aient un nom  ? » C’est bien les seuls morts qui l’intéressent… les autres : ceux qui n’ont pas de nom sont négligeables.

(2) « L’isolement est le seul moyen que j’ai trouvé pour échapper au joug de la société. Il n’y a que cela qui me permette d’avoir un espace d’expression et de liberté. Ma chambre est devenue mon unique oxygène », explique Nidaa Badwan. Le 18 décembre 2013, elle se fait arrêter par la police des mœurs du Hamas à Gaza, alors qu’elle participe à un happening dans la rue. Quand elle tente de leur expliquer sa démarche artistique, elle est battue. Le lendemain, elle s’enferme dans sa chambre pour ne plus en ressortir.

http://www.france24.com/fr/20150510-photographe-nidaa-badwan-recluse-gaza-territoires-palestiniens-cent-exposition-israel-hamas-artiste

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Conclusion :

Non, M. Ménard tous les musulmans ne s’appellent pas Mohammed ou Fatima ; il y a aussi des ‘Olivier’ qui vivent en communautés leur idéologie de la soumission et des ‘Gilles’ qui vont en guerre pour le compte de l’Etat Islamique ( qui porte bien son nom ). Celui-ci prévoyant pour ses adeptes une pureté avec, à la clé, des punitions exemplaires pour ceux qui ne seraient pas conformes aux préceptes de leur gourou. S’il est évident que ces pratiques portent atteinte au ( simple ) bon sens il faut noter que cette fuite dans le vide de la religion est catalysée par le vide de la vie sociale contemporaine. Un monde où la nature est détruite et où les hommes ne cessent de verser leur tribut au capital qui ronge toutes les relations sociales, …est le meilleur propulseur pour s’abriter dans le nid ( pas toujours ) douillet des certitudes religieuses.

A nous de tenir compte de tout cela mais aussi de faire attention à ne pas nous laisser bercer par la mauvaise conscience qui nous ferait accepter l’inacceptable. Le retour du religieux est une horreur dont on n’a pas fini de parler et de constater les dégâts. Il faut dénoncer non seulement l’islamisme avec ses élans meurtriers mais aussi la religion, toutes les religions. Car dans le contexte qui est le nôtre celles-ci n’ont plus grand chose à nous dire sinon à nous ramener à l’obéissance à des dogmes extravagants et nuisibles à toute société qui a pour but l’émancipation telle que le socialisme originel voulait le construire.