Gilets Jaunes-Macron… réfléchissons, discutons, agissons et nous verrons !
Étude critique d’un texte intitulé Gilets Jaunes 1-Macron 0 écrit par une Gilet Jaune de Montpellier
*
Nous entendons ici dire notre accord global mais aussi nos divergences par rapport à un texte intéressant intitulé Gilets Jaunes 1 – Macron 0 écrit par une ‘Gilet Jaune’ de Montpellier. Il y a eu beaucoup d’écrit SUR les Gilets Jaunes ; cependant, peu de textes émanant des Gilets Jaunes eux-mêmes essaient comme celui-ci d’avoir une vue globale du mouvement, il faut donc en premier lieu reconnaître la valeur de celui-ci.
Ceci étant,… des précisions sur notre article qui suit.
GJ = Gilets Jaunes (non pas le vêtement mais ceux qui le portent avec sa signification politique)
l’auteur = l’auteur du texte de la GJ de Montpellier que l’on peut lire sur : http://bit.ly/2p6EnEp
Les citations du texte initial en question sont « en italique et entre guillemets. » Les autres citations ne sont pas en italique.
La critique qui suit peut évidemment se lire sans avoir lu le texte de départ ; mais il est conseillé de lire les deux.
***
Le texte Gilets Jaunes 1 – Macron 0 dit très bien que ce mouvement des GJ a été un éveil des couches populaires aux problèmes de la Cité (c’est à dire aux ‘problèmes politiques’). Une prise de conscience inattendue, soudaine – et tenace puisqu’elle a duré plus de six mois (bien plus que mai-juin 68 et que n’importe quel autre mouvement d’ampleur ). Le mouvement a ébranlé le pouvoir. C’est le moins qu’on puisse dire. Il suffit de penser à l’attitude de Macron en décembre à la télé, les mains posées à plat sur la table, alors qu’il ne savait – ni lui ni aucun autre politicien – comment faire cesser cette colère qui semblait ne jamais vouloir se calmer malgré les nombreux blessés déjà occasionnés parmi les manifestants GJ. Le retentissement fut international. On a vu des gilets jaunes sortir des coffres de voiture et des gens manifester avec ceux-ci sur le dos dans les rues de Belgique, d’Allemagne (pour siffler Macron et Merkel), etc jusqu’à l’Irak et au bout du monde.
Quand le texte nous parle de cette « première explosion » « mère de toutes les révoltes à venir » nous mettons en avant une première divergence de méthode sur l’analyse. Est-il obligatoire qu’il y ait une suite au mouvement des GJ, comme il est dit ? Celle-ci reste possible, bien sûr, mais le ton prophétique sur l’avenir dont est gros le présent ne nous semble pas de bon augure. Il y a tout au long de ce texte une espèce de messianisme assez contestable. Ça ne se fera pas …parce que c’est écrit ! Parce que la théorie, la foi, ou autre chose nous dit que ça se fera. Ça se fera surtout si nous le voulons, si nous le pouvons, et si nous sommes suffisamment nombreux et déterminés à le vouloir. L’Histoire n’est pas un long fleuve tranquille …ni surtout prévisible.(1)
Cette idée que le mouvement est inévitablement amené à revenir n’est pas qu’un indice d’optimisme exagéré : « cette première étape d’un mouvement qui n’est pas terminé », nous sommes en octobre 2019 et je ne vois pas – je ne suis pas le seul dans ce cas – un mouvement qui n’est pas terminé. Au contraire, l’irruption flamboyante et spontanée d’une partie des classes populaires dans l’Histoire, sa prise de conscience de sa position de subordination et, surtout, le passage à l’acte, tout ça n’est plus à l’ordre du jour ! Aujourd’hui, il est question d’autre chose : organiser, trouver des objectifs nouveaux, etc. De nombreux GJ de la première heure nous demandent de revenir sur les ronds points, rejouer le 17 novembre. Cela a même été tenté. Et, bien entendu, le nombre, la détermination ne sont plus partagés à l’échelle du biterrois que par quelques dizaines de personnes avec lesquels il n’est plus possible de refaire ce qui a été fait. Rappelons qu’au mois de novembre 2018 nous étions aux mêmes endroits plusieurs centaines. Qu’on nous comprenne bien, l’Histoire ne repasse pas les plats. Ce qui ‘reviendra’, si quelque chose ‘revient’, ne sera certainement pas ce qui a déjà été.
(1) André Prudhommeaux, un anarchiste français méconnu, soulignait que « l’affirmation d’une liberté en dehors de tout déterminisme, et la physiocratie, c’est à dire la reconnaissance du ‘pouvoir des choses’ et de limites à notre action, constituent deux pôles nécessaires de la pensée émancipatrice qui doivent constamment être associés et mis en tension. » Rester dans le déterminisme qui nous incite à croire que, de toute façon, le mouvement de l’Histoire est avec nous et que nous allons vers la réalisation du Bien, de l’égalité, de la société sans classe a été et reste néfaste pour les mouvements d’émancipation. Il conduit à penser qu’il y a un sens de l’Histoire indépendamment de la volonté des Hommes.
La gauche, les syndicats et l’unité.
Certains GJ ont « ouvert des perspectives d’unité avec les syndicalistes, les marcheurs du climat, jeunes et moins jeunes. » Certainement, ce qui prouve que les choses ont évolué par rapport au tout début ! Nul ne peut le nier : les GJ ne se sont pas arrêtés aux premières revendications sur le prix des carburants. Rapidement, il a fallu élargir notre horizon. Ce changement a reçu un bon accueil parfois : comme le RIC, qui faisait écho à l’horizontalité du mouvement. Par contre, certaines revendications tardives, loin de remporter l’unanimité, ont effrayé beaucoup de gens. Si l’attention à l’écologie n’a pas éveillé de réaction de rejet notable, elle n’en est pas moins restée derrière les revendications premières. Sous le slogan « on ne choisit pas entre fin de mois et fin du monde », il y a plus une défense contre les accusations du gouvernement et des classes dominantes qui montraient du doigt ceux qui refusaient de …porter (presque) tout le poids de la dite ‘transition énergétique’. Une défense plutôt qu’une revendication positive d’un combat écolo. Aujourd’hui, les choses sont plus engagées, certains groupes de GJ font de la récup, des jardins partagés, organisent des circuits courts de distribution de fruits et légumes. Le questionnement est réel et prolonge – et surtout donne des réponses à… – un questionnement général dans la société toute entière.
À partir du mois de mai, les troupes s’amenuisant, le poids de la gauche devient de plus en plus important. Parfois majeur voire exclusif dans certaines villes. L’auteur a devant lui ce qui s’est passé à Montpellier mais c’est à l’opposé du ressenti d’un GJ de Bédarieux (village de 6000 habitants dans l’Hérault) qui, dans une réunion récente, a expliqué qu’après que des syndicalistes de la CGT sont venus à une réunion de GJ pour parler avec eux et se mêler à eux, la majorité de ceux-ci a déserté le combat. Il y avait incompatibilité, semble-t-il.
A Béziers, on a vu que la (fameuse) convergence était possible avec la base syndicale et pas du tout avec les permanents qui, pour les plus honnêtes, défendent leurs convictions et, pour ceux qui le sont moins, simplement leur …« gamelle », comme dit Juan Branco (2). Après l’AG que nous, les GJ de Béziers, avons faite avec les syndicalistes de la CGT (cheminots notamment) et des enseignants syndiqués de base, et l’incursion dans la réunion de section LREM de Béziers qui a suivi à laquelle ont participé des syndicalistes, on n’en a plus vus beaucoup avec les GJ.
« Dans cette course à la veulerie, les politiciens de la gauche dite « de gouvernement » ont particulièrement brillé. Encombrés par leur étiquette « gauche », ils ont redoublé d’efforts pour montrer qu’ils sont capables, sans état d’âme, de casser le code du travail, de privatiser, de nous étrangler lentement, comme l’a fait le gouvernement Hollande. » On entre dans le vif du sujet : la gauche a été trahie ! Leit motiv habituel. L’ennui, c’est que cette critique ‘interne’ de la gauche – …qui n’est plus (aujourd’hui) ce qu’elle était (hier) ! – implique le renoncement à aller jusqu’à une critique réelle et radicale des actes de cette gauche puisqu’elle invite à revenir à l’état antérieur, plus vrai, plus sain de sorte que la vérité enfin retrouvée de la gauche serait restituée. Brandir une critique qui déclare que l’action politique (vraiment) de gauche, finalement, c’est bien, est largement insuffisant. C’est ce que nous pensons et nous y reviendrons.
D’où viennent les GJ ?
« C’est ce long processus de rupture, d’accumulation d’insatisfactions, de dégoût, de révolte, de colère : voilà d’où nous venons. », dit le texte et nous sommes d’accord avec ce constat. Il y a bien une digue qui a sauté. C’est bien cette ‘accumulation’ qui a débouché sur les GJ. Cependant ça ne s’est pas manifesté sur des revendications de gauche mais plutôt sur un refus des taxes sur les carburants. Certains commentateurs ont bien sûr mis en avant qu’il s’agissait d’un type de revendications ordinairement portées par la ‘droite’. Ce qui a pu provoquer des réactions de sympathie de la droite (le ridicule achevé de Wauquiez avec le gilet jaune en est une illustration !) et d’autres assez ou très hostiles des gens de gauche. On se souvient de la déclaration de Martinez, par exemple. À part Mélenchon qui a opté pour un ralliement conditionnel la gauche s’est tenu à l’écart, dubitative. Au départ du mouvement, bien sûr. C’est dire le peu de cas fait devant la réalité dans laquelle vivent les gens. Le peuple est là en mouvement et vu que celui-ci ne répond pas aux attentes idéologiques de la gauche alors on lui accorde un frileux retrait voire un certain dédain. Moi-même, j’ai été surpris par cette irruption inattendue. Il faut dire que, n’étant pas un adepte de fessebouc, je n’avais pas eu d’échos précis de cette colère qui couvait, se manifestait, s’entretenait et prenait forme sur la toile. J’ai pu constater l’état de la mobilisation le samedi 17 novembre 2018 sur le rond point de Béziers Ouest.
Nous partageons le constat que « ce fut un melting-pot, un mélange du large éventail que compte notre paysage politique, surtout depuis quelques années, avec la fin du traditionnel clivage bipartite. » Là où nous divergeons, c’est dans celui-ci : « plus de la moitié se qualifiait de « gauche ». » Les décomptes de ce type dépendent de la composition sociologique, comme l’ont dit certains analystes, il y a les GJ des ronds points et ceux des centre villes et si ces derniers sont sans doute de gauche, ceux des ronds points qui sont largement plus nombreux ne l’étaient certainement pas, beaucoup plus abstentionnistes voire FN (au moment de la magnificence du mouvement bien entendu, aujourd’hui il en est tout autrement, les gens de gauche sont majoritaires à rester dans le combat qui prend la forme d’une lutte de gauche avec pétitions, revendications, analyses politiques, AG, etc). Ce n’est pas pencher vers le FN que de dire ce qui est (ou fut) !
Pareil pour l’âge moyen, beaucoup ont remarqué le nombre très important de retraités à Béziers. Qu’en est-il nationalement ? Y a-t-il des variations importantes entre les divers rond-points, les manifestations ? Nous ne saurions le dire…
Autre aspect des participants sur laquelle on peut donner des précisions sans pouvoir généraliser : « Beaucoup avaient déjà participé à des manifestations, environ les trois quarts. » Là encore, ce n’est pas ce qu’on voit à Béziers même aujourd’hui. Sondage a été fait, cet été, dans notre AG, une bonne moitié n’avait jamais été en manif avant les GJ !
On reprochera donc à l’auteur d’accorder une trop grande importance aux urbains qu’elle a sous les yeux et à l’idéologie de gauche qui y prédomine. Cela déforme assez sensiblement la réalité (…pour se conformer à la ‘théorie’ ?). Nous avons, par contre, été ravi de lire : « dans les tracts avec écriture inclusive qui gênent la lecture et n’apportent rien à part une bonne conscience. » Un des moments du texte où la bonne conscience de gauche que l’auteur affiche si souvent s’efface au profit de l’authenticité ! Il est à noter que dans beaucoup de milieux de gauche l’écriture dite ‘inclusive’ est incontournable. J’ajouterais même : tout ce qui se réclame d’un quelconque progressisme en use et incite à en user. Y compris et surtout dans la parole officielle. Oserions-nous dire que cette prise de distance par rapport à ce phénomène dérisoire nous fait du bien… ? On respire.
L’auteur évoque une anecdote évocatrice : un GJ de son groupe clamait : « y en a trop marre d’avoir trop rien, on veut trop tout ! » C’était bien ça, la revendication, pour nous aussi – revendication qui n’en est, bien sûr, pas vraiment une ! Les gens ont compris qu’il y avait un rapport de force en leur faveur et se sont exprimés d’une façon qui leur est propre et qui a dérouté. « La formidable créativité qui s’est déployée sur ces fameux gilets » comme dans tous les mouvements de révolte authentiques où l’on retrouve la solidarité et la créativité qu’on avait perdues dans le monde d’avant la révolte. On disait la même chose après mai 68…
Mais comme les choses ont beaucoup évolué depuis le 17 novembre 2018 l’auteur remarque ensuite que « s‘y mêlent des revendications où l’on sent poindre l’influence (positive) de militants associatifs (Attac) ou syndicaux : la fin du CICE, pas de retraites à points, la solidarité, pas plus de 25 élèves par classes… » Certains parlaient bien du CICE dès décembre, mais parce que cela relevait du brigandage opéré par les gouvernements avec le souci premier des GJ : l’incapacité de vivre avec leurs trop maigres revenus. Étendre les revendications grâce au savoir des militants insérés dans le mouvement est une arme à double tranchant qui en a fait fuir plus d’un ! (voir plus haut) Au fur et à mesure que le mouvement se rétrécissait, la gauche et l’extrême gauche ont pris de l’importance. Ce sont bien la majorité …de ceux qui sont restés. Ainsi, étant roués aux processus revendicatifs, ils ont amené des thèmes comme la retraite, le referendum pour ADP, etc. Ceci s’est manifesté à la suite du relatif (suivant les régions et les localités) effondrement du mouvement en été.
Mais il ne faut pas oublier l’essentiel, à savoir que « nos revendications ou nos objectifs premiers étaient : faire parler de nous, bousculer l’ordre établi, reprendre notre sort en main, montrer qu’il fallait changer les règles d’un jeu biaisé, c’est à dire transformer de fond en comble l’organisation de la société, jeter à la face du monde la nécessité de rompre, même si « que mettre après ? » n’a pas été totalement tranché. Remettre le peuple au cœur de toutes les préoccupations : n’y sommes nous pas arrivés ? » Nous avons le sentiment en tous cas que c’est ainsi que la situation a évolué mais, de toute évidence, non, le peuple n’est pas au centre du jeu puisque aucune perspective de changement global n’est envisagé, qu’il s’agit toujours de revendications dans le cadre de la société actuelle. Quant aux préoccupations du pouvoir, le peuple est regardé avec plus de méfiance – chat échaudé craint l’eau chaude ! – Macron a déclaré à ses complices ministres après le calme de l’été, que la révolte est toujours là. Il a raison d’avoir peur.
La présence du FN, la démocratie
« Oui, il y avait des électeurs du RN dans les manifestations. Et alors ? Comment pourrait-il en être autrement, quand, pendant des années, l’électorat ouvrier, populaire, a été à ce point délaissé ou utilisé par ceux qui ensuite nous écrasaient, nous humiliaient ? » Le RN a été la bouée de secours pour ceux qui se sont sentis ‘trahis’ par la gauche, c’est une réalité incontournable ! Il faut l’analyser et trouver les moyens pour que les gens du peuple s’en défassent. Soit. Et rajoutons : pas pour retourner vers la gauche avec toutes ses tares, comme s’il n’y avait qu’une alternative, gauche ou droite. Il faut donner confiance afin que les classes populaires retrouvent de l’autonomie : qu’elles deviennent capables de se diriger sans recours aux politiciens professionnels et aux syndicalistes stipendiés par l’État.
Aspect important qu’il faut noter : les supporters du FN parmi les GJ ont dû être refroidis par leur égérie. « Ironie de l’histoire, celle qui, aux moments les plus critiques, est venue en renfort de Macron, ce fut justement Marine Le Pen, appelant à la défense des institutions de la Cinquième République. » Bien vu. On peut même ajouter que, deux jours avant les élections européennes, elle a déclaré qu’aucune amnistie ne devrait être accordée à ceux qui ont attenté aux flics pendant les manifs GJ. Les choses sont claires, c’est un aspect intéressant du texte qui peut contribuer à rendre visible cette complicité entre ceux qui aspirent au pouvoir et ceux qui y sont !
Mais le plus difficile reste d’amener les gens à s’impliquer dans des formes de lutte assez singulières : certes, l’horizontalité va dans le sens de la démocratie (directe bien sûr) et personne parmi les GJ ne diraient qu’il nous manque un chef (…je ne l’ai jamais entendu) mais il reste à faire le pas pour construire une organisation autonome, ce qui est un grand saut dans l’inconnu après des décennies de stalinisme ou de social démocratie dans les organisations de gauche et d’extrême gauche qui s’étaient approprié la voix des classes populaires. Certes, « le salut du peuple ne viendra que de lui-même. » Mais ça ne doit pas rester une incantation. Il faudrait trouver des moyens concrets pour atteindre cet objectif ambitieux.
La discussion dans le mouvement. La gauche.
Perspectives politiques.
« chacun venant avec sa propre histoire, et parfois même, avec ses préjugés. Vouloir faire un mouvement du peuple qui serait spontanément pur, beau, parfait : voilà qui est illusoire, … » Voilà qui dépeint la réalité sans artifices. Notons quand même que chacun, …TOUT LE MONDE vient TOUJOURS avec ses préjugés, quels qu’ils soient. C’est le mouvement d’ensemble qui est …éducateur !
Ceci est important car il faut bien constater ici que notre auteur n’a, semble-t-il, aucunement l’intention de discuter vraiment avec les lepénistes puisque, a priori, elle pense …qu’ils ne peuvent qu’avoir tort ! Sur tout ? Peut-on discuter dans ces conditions ? Bien entendu, il n’est pas question de renoncer à ses convictions pour pouvoir discuter mais si on postule que, de toute façon, les gens avec qui l’on parle sont totalement et irrémédiablement dans l’erreur alors on est dans un dialogue de sourds plutôt que dans une discussion.
On en revient aux ‘préjugés’ de gauche car c’est bien là que nos divergences de vue se creusent, nécessairement : « qu’en tel endroit un « dehors les immigrés » ait pu être lancé ou qu’un camion transportant des clandestins ait été dénoncé aux forces de l’ordre. Bien entendu, ces faits, bien qu’anecdotiques, doivent être condamnés, et ils l’ont été. Mais aux pères la morale dans leurs fauteuils, posons la question : qui donc dénonce les musulmans à tour de bras, les accusant de tous les torts, du chômage, de la délinquance, du terrorisme ? » Ces faits, bien qu’anecdotiques, doivent être condamnés ? Ça y est, la discussion n’aura donc pas lieu. Circulez, il n’y a rien à voir ! La bonne conscience de gauche remonte en force dans ce passage. Chacun vient avec ses préjugés mais les gens de gauche, eux, n’en ont pas, nous suggère l’auteur. Ils n’ont, eux, aucun besoin de mettre en question leurs prises de position, leurs analyses. Puisque celles-ci sont vraies et ont fait leurs preuves. Ah bon. Quand ? Du temps de Mitterrand, Jospin, Hollande … ? j’en oublie… ? Ou dans le futur quand Mélenchon ou autre arrivera au pouvoir ? Comment ne pas voir que ne se remettre jamais en question sur l’essentiel est précisément la voie de la sclérose qu’a suivi avec obstination la gauche jusqu’à aujourd’hui… et qu’elle continue !
Par ailleurs, il nous est servi un bel exemple de situation où la remise en question eût été nécessaire. Il est écrit dans le texte que « Macron, ancien socialiste, [avait] dit devant des caméras à une femme voilée « il faut rentrer dans votre pays » – je cite ici le texte qui laisse entendre que le voile était l’argument dans cette injonction de rentrer au pays. Il suffit d’aller voir la vidéo que l’auteur elle-même indique pour constater qu’il n’en est rien. Ce n’est pas être macroniste que de rétablir la vérité : Macron lui a dit qu’en France, on soignait ses parents malades, que si elle ne souffrait pas de persécution ou de faits de guerre dans son pays, au Maroc, elle devait y retourner, qu’il n’y avait pas lieu de lui attribuer un statut de réfugié. Pourquoi faut-il sous-entendre que le voile y est pour quelque chose ? Ah oui, l’islamophobie, le racisme ? Mais où y a-t-il de l’islamophobie, du racisme dans cette déclaration ? Il n’est pas possible aujourd’hui de discuter avec les classes populaires en gardant intacts de tels préjugés (de gauche ?) sans se discréditer. Même Macron l’a compris. N’y a-t-il pas contradiction à vouloir que les uns discutent leurs propres ‘préjugés’ alors que les ‘préjugés’ de gauche devraient rester la norme ? La gauche se croit dans le ‘sens de l’Histoire’ (…ne serait-ce pas, précisément là, l’illusion la plus funeste ?) elle ne peut supporter d’avoir à discuter. Sauf à dire que ses représentants ont trahi, bien entendu ! Ce qui signifie qu’il faut revenir à la vérité première de la gauche.
Il est donc assez abusif de dire que « les Gilets Jaunes ont fait de la politique, dans le sens noble du terme : durant des semaines, ils ont discuté, échangé, ils se sont littéralement emparés des affaires de la cité, sans laisser le moindre recoin ». Certes, c’est vrai globalement mais les recoins inexplorés, il en reste quelques-uns où les gens de gauche – mais pas que … car il se pourrait que tous aient évité les sujets qui fâchent – ne veulent pas aller fouiner.
Aujourd’hui (octobre 2019) on peut se poser la question : qui a remis en cause la « reproduction artificielle de l’humain » annoncé par la PMA pour tous (3) ? Sujet évidemment délicat pour les gens de gauche qui réfléchissent et se posent des questions, nous avons pu le constater souvent ; mais pas pour ceux qui, de toute façon, n’ont rien à reprocher aux positions « progressistes » de la macronaille à l’œuvre. Il n’y a rien à discuter, disent ces derniers. À moins d’être un fasciste, diront les plus obtus, ou, au moins, un réac… bien sûr ! Denis Robert (site Le Média) : « Dès que tu sors d’un chemin les mecs te disent : fasciste ! »
(3) https://faut-le-dire.fr/index.php/2019/09/05/progressisme/
Il faut ici apporter une petite information sur le mot « Jaune » (Martinez disait que, eux la CGT, avaient une prédilection pour la couleur rouge suggérant que les gilets jaunes penchaient du coté des syndicats collabos du patronat dont la couleur est jaune. Identifiant les GJ aux briseurs de grève et aux complices du patronat. Il y a eu des syndicats, appelés communément Jaunes en France, en Italie, en Angleterre au début du XX° s. qui se sont constitués avec ces caractéristiques. Ils s’opposaient effectivement aux « Rouges » et ils étaient créés en général par le patronat lui-même. L’historien René-Pierre Parize attribue la dénomination « jaune » à « la couleur du local où [le syndicat jaune du Creusot] tient sa permanence » voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Syndicalisme_jaune Ce ne sont donc pas les ouvriers asiatiques aux États Unis qui ont laissé le souvenir du jaune comme il est dit dans le texte. Ceux-ci n’étaient ni plus ni moins ‘jaunes’ que les autres ouvriers.
L’organisation
La question de l’organisation : « ceux qui espéraient diriger, donner des ordres ont été balayés ou ont fait le vide autour d’eux. » Voilà un signe de maturité du mouvement. Mais …il y a loin de la coupe aux lèvres. Il en a fallu du temps pour que tous se plient à une discipline pourtant simple : dans les réunions la nécessité de parler les uns après les autres, écouter ceux qui avaient pris la parole sans les interrompre, quitte à éprouver de la frustration, à ne pouvoir parler quand on le voudrait. À Béziers, beaucoup de gens sont partis et ne (re)viennent pas aux AG hebdomadaires car …’ça ne fait que parler !’ La volonté de discuter a ses limites. On a là un élément assez marquant des GJ. Et l’éluder n’est pas très sain. Beaucoup de gens sont venus dans l’action et ne sont pas prêts à discuter aujourd’hui alors que, pour d’autres, la nécessité s’en fait rudement sentir. On ne peut pas dire que ce refus de discuter afin d’envisager les formes d’actions appropriées soit, par contre, une preuve de maturité.
À l’opposé, comme l’auteur le dit gravement mais justement : « on ne comble pas la faiblesse des situations par la force des mots résonnants comme des tambours, forts mais creux. » Il est bien gentil ce jeune homme plein de fougue de vouloir donner « tout le pouvoir aux assemblées populaires » mais complètement irréaliste dans les actuels rapports de force. La radicalité des mots ne peut et ne doit pas faire oublier la réalité. Au contraire, la théorie doit aider à comprendre cette réalité plutôt que de faire passer les désirs en premier. Question donc : comment construire un rapport de force sans construction autonome d’une organisation populaire ? On est loin d’avoir construit même « l’embryon » d’un pouvoir populaire.
Terreur sur les classes populaires
La terreur subie par les GJ « fut à la hauteur de la terreur qui s’est emparée du pouvoir, … » On ne le dira jamais assez. On n’avait pas vu un tel déchaînement de violence de la part de l’État depuis des décennies. Même en 68, les manifestations ne firent pas autant de blessés. Ni aussi graves. Bien qu’il y ait eu des morts à la fin du mouvement. Et pourtant, la peur qu’a éprouvé le pouvoir – De Gaulle en premier – pendant le joli mois de mai était bien réelle. N’oublions pas, la plus grande grève de l’Histoire…
La veulerie de Macron et de ses sbires est la cause essentielle de toute cette violence. Contrairement à Maurice Grimaud, préfet de Paris en mai 68, qui encourageaient ses policiers à ne pas exercer de violences gratuites le Castagneur, ministre de l’Intérieur, disait publiquement n’avoir jamais vu – au plus fort des blessures, yeux crevés, mains arrachées, etc – de policiers exerçant des violences. On a cru rêver ; c’était un cauchemar.
« Penser que l’armée sera toujours à la solde d’un Macron, c’est fermer la possibilité d’une rupture forte avec ce que nous connaissons. » Certes, mais le pouvoir récent s’est construit en érigeant une caste de politiciens professionnels, de policiers professionnels hiérarchiquement liés aux premiers et de militaires professionnels aussi. Les Gardes Nationales constituées par des citoyens (jusqu’à la Commune de Paris) n’existent plus et pour une bonne raison : elles ont montré qu’elles n’étaient pas toujours fidèles au Pouvoir et qu’elles savaient dire NON quand elles le trouvaient nécessaire. Même l’armée a parfois refusé de tirer sur la foule, comme sur les viticulteurs à Béziers en 1907. « Braves pioupious, tout le monde vous admire et vous aime », dit la chanson. Qu’a fait, à cette époque, le pouvoir après cet événement ? D’abord, envoyer les conscrits dans des régions qu’ils n’habitaient pas, ensuite construire une troupe expressément formée pour le maintien de l’ordre. On a d’ailleurs souvent entendu : « mais les CRS, ils font leur boulot ! » Certes, on a construit ce corps de militaires à cette fin. Pour qu’ils fassent leur boulot sans rechigner. Pour qu’ils soient des professionnels… Ils l’ont été.
Il est clair que « la violence a d’abord été celle de l’État. » Nous sommes bien d’accord, il faut rappeler ce fait essentiel et ne pas inverser les rôles. « La violence sera nécessaire, mais au dernier moment, quand nous serons tellement nombreux que nous pourrons mettre le dernier coup d’épaule. » On se souvient des images des manifestants le 17 novembre à Paris. Pendant toute la journée ils ont parlé amicalement avec les flics présents dans une ambiance détendue, voulant les convaincre de rejoindre les manifestants. Dès qu’à 17h, ordre a été donné par le gouvernement de dégager les rues, les manifestants hébétés se sont heurtés à la triste réalité. Les professionnels passaient à l’action. Celle pour laquelle ils étaient formés et payés. On n’oubliera pas au passage que ces professionnels ont eu droit à des gratifications salariales. Il n’y a pas de bassesses assez basses pour Macron.
Revenons tout de même sur ceci : on doit éviter la violence si possible mais garder toujours à l’esprit qu’on ne pourra pas toujours l’éviter.
Les syndicats : ils nous ont plus regardés que rejoints …
« … derrière cette possibilité de dialogue et de rapport fraternel [avec les syndicats] se cachait la crainte de la police que ce qui se passait les samedis en manif et la semaine sur les ronds-points puisse s’étendre dans les entreprises. Il fallait à tout prix éviter cela. » La mythologie de gauche a la vie dure. La grève générale prônée par les anarcho-syndicalistes du début du XX° s, alors majoritaires dans la classe ouvrière, c’était le ‘Sésame ouvre-toi’ conduisant à la Révolution. Avec un R majuscule. Aujourd’hui que la classe ouvrière est inerte et intégrée dans les structures institutionnelles de la société de consommation et sans aucune perspective révolutionnaire, on peine à croire que la grève générale ne soit autre chose qu’un lointain souvenir. Il a fallu que le gouvernement satisfasse les camionneurs – quelques miettes, dit notre auteur – pour que ceux-ci renoncent à se joindre au mouvement des Gilets Jaunes alors en plein essor. Alors oui, la possibilité existe mais elle est assez improbable. Et le mouvement des GJ s’est placé dans une tout autre dynamique qu’un mouvement de grève ouvrière (ou de salariés). À chaque fois que cela a été décidé par les syndicats on ne peut pas dire que ceux-ci aient vraiment mobilisé, ce qui prouve que ce n’est pas seulement une discordance entre la base et le sommet des syndicats mais bien un problème de fond concernant la disponibilité de la classe ouvrière qui n’est plus encline à un mouvement subversif pour la société. Les GJ l’étaient-ils ? Là aussi, pas sûr…
« Ceux qui ne voulaient pas entendre parler de la moindre convergence », la fameuse convergence des luttes tant souhaitée. Bien sûr, il faut une convergence mais celle-ci, loin d’être devant nous, est DERRIÈRE nous : quand les ronds points réunissaient des centaines de milliers de gens de tous horizons. Aujourd’hui, le mouvement n’est plus que l’ombre de ce qu’il fut ; on y parle ‘convergence avec les syndicats’ parce que les GJ n’ont plus vraiment de dynamique propre ! Alors, on espère que les autres – les syndicats – vont combler le manque. Comme un rêve qui devrait devenir réalité …juste pour nous faire plaisir.
Les syndicats qui ont si peu faits vont bientôt se réveiller… Par quel miracle ? Et on nous dit que les ouvriers de la RATP, les avocats, etc sont remontés contre la réforme des retraites. C’est encourageant ? Les salariés de la RATP lorgnent après leur régime spécial qu’ils perdraient avec la réforme. Que feront-ils s’ils le conservent ? Les médecins, avocats, etc ont la même préoccupation. Chaque corporation veut garder ses avantages. Quelle capacité aujourd’hui d’envisager un monde souhaitable différent de celui dans lequel nous sommes ? Et la gauche est loin de vouloir quelque émancipation sociale, elle n’a en ligne de mire qu’une espèce de keynésianisme qui relancera (peut-être) l’économie. Le parti de la classe ouvrière pendant cinquante ans, le PCF, n’existe plus qu’à l’état fossile – et ce n’est pas plus mal ! – et surtout, malheureusement, la conscience d’un autre monde possible – autre que dans les incantations – n’existe pas. Tout cela reste encore à réinventer. La hargne contre Macron de beaucoup de GJ ne peut faire oublier qu’il n’y a pas d’idée d’un monde à construire qui courent dans les têtes.
Dire que « Cela se fera tôt ou tard, quelque chose a changé dans le pays » est une réitération bien commode du cantique selon lequel, de toute façon, nous allons vers le Bien. L’Histoire nous mènerait à la réalisation du Bien,… de l’égalité, de la liberté. Permettez de rester sceptique. Cela se fera peut-être mais rien n’est fait d’avance, il n’y a aucun mouvement invisible qui nous pousse dans cette direction sinon la force commune, mais on ne peut rien en dire tant qu’elle n’est pas là ; ou bien nous nous poussons, nous-mêmes, ou bien nous restons immobiles. On touche là à l’essentiel !
« Quand nous étions en position de force, au plus fort de la mobilisation, quand nous débordions de partout, nous avons provoqué beaucoup de réactions dubitatives ou franchement hostiles. Puis, quand nous sommes passés au statut de victimes, ceux qui nous observaient avec réserve sont venus à notre chevet. » L’auteur parle des intellectuels ici ; et la remarque est tout à fait pertinente. Les intellectuels – hormis quelques-uns (Juan Branco, Michel Onfray, Jean-Claude Michéa,… liste non exhaustive) – n’ont guère bronché ; Orwell disait que « Plus une société s’éloigne de la vérité, plus elle hait ceux qui la disent. » Comment la caste intellectuelle dans sa veulerie bien connue pourrait-elle soutenir un mouvement populaire dont elle est aussi éloignée que la Terre de la lune ? Par la suite, quelques uns se sont (un peu) indignés du traitement infligé aux GJ. Ah, l’indignation. Dire qu’un certain étourdi avait basé la possibilité d’une prise de conscience politique là-dessus ! Nietzsche disait qu’ « un homme qui s’indigne est un homme qui ment. » Sur les intellectuels … réécouter Juan Branco (2)
« Branco [qui s’est impliqué complètement] l’a payé cher, car l’appareil répressif sous de multiples visages l’a clairement ciblé. » Mais il faut tout de même ajouter que les milieux gauchistes, les organisateurs des manifs (le syndicat SUD à Toulouse, par exemple) l’ont démonté aussi en dénonçant sa supposée homophobie (en mai) sans parler de Médiapart qui l’a aussi accablé sur ce sujet ; n’oublions pas les divers LGBT qui ne furent pas en reste. Concernant l’homophobie on invitera à se reporter encore aux vidéos sur Le Média où Branco en parle avec Denis Robert (2). Il y évoque aussi le problème des intellectuels (de gauche) qui veulent leur place dans le concert médiatique et auraient risqué gros en défendant les GJ vis à vis des médias. Les gauchistes de Toulouse, par ailleurs, avec lesquels il n’est pas tendre, ont fait passer leur idéologie imbécile avant le mouvement lui-même. Avec ces gens le mouvement ne serait pas allé aussi loin s’ils en avaient pris la tête (des manifestations) dès le début, comme ils le font depuis son déclin.
Le capitalisme en débat, …et la société industrielle ?
« D’emblée, les Gilets Jaunes ont refusé la moindre coloration politique militante : bienvenue à tous, mais respect de la diversité. » Il est vrai que c’était la situation prévalant au début. « Respect des opinions de chacun, garantissant l’unité, et qui n’interdit pas la discussion, … » Mais comme on l’a déjà dit, avec ceux qui pensent que, de toute évidence, ils ont raison et que les autres sont ou bien des manipulateurs ou bien des manipulés, la discussion pourra difficilement s’engager sinon dans des impasses.
Une question bien posée : « Peut-on encore parler de classe ouvrière, comme on pouvait l’entendre encore il y a 30 ou 40 ans ? La technologie s’est développée, mais la misère aussi, comment expliquer ce paradoxe ? Et surtout : doit-on revenir en arrière, diminuer la consommation pour sauver la planète ? » Que la misère ait augmenté en même temps que la technologie – que nous subissons, ne l’oublions pas, personne ne décide des progrès technologiques sinon les firmes qui les produisent …pour avoir plus de bénéfices – ce n’est pas un paradoxe ! celle-ci permet à une élite technocratique de se tailler un monde à sa mesure ; quant à ceux qui ne sont pas de cette élite, ils survivent. Le pouvoir s’occupe de gérer ! Ce qui est malheureux, c’est le manque de pensée sur ce sujet pourtant important. Pour la gauche d’aujourd’hui, le prêt-à-porter idéologique qu’elle affectionne contient les luttes prioritaires contre le sexisme, l’homophobie, l’islamophobie et toute sorte de phobies… ce qui très utile pour considérer comme des ‘malades’ tous ceux qui n’acquiescent pas des deux mains à ses cris de ralliement rituels. La PMA pour tous ? mais c’est l’égalité pour les couples lesbiens et les femmes seules par rapport aux couples hétéros, crient les gens de gauche tous en chœur. Ah ! La question de la reproduction artificielle de l’espèce humaine qui tendra à devenir la norme, que cette reproduction soit donc assujettie à la technologie et à la classe des technocrates qui gouverne ne pose guère de problème aux bonnes conscience de gauche. (3) Une irresponsable, qui était porte-parole du PS a dit en 2014 : « Ne nous leurrons pas, si une avancée technologique est possible quelqu’un la mettra en œuvre, que nos sociétés y soient prêtes ou pas. » et, ajouta-t-elle : « être de gauche, c’est considérer les nouvelles technologies comme des opportunités pour le progrès humain. » (4) C’est tout un programme ; et plus qu’un programme, une lubie morbide. Ce que nous voyons plutôt, c’est que « la civilisation techno-industrielle […] demeure nécessairement antidémocratique (la complexité technologique reposant sur et requérant des structures sociales antidémocratiques, […]). Elle impose toujours une forme de vie détestable. » Prenons garde à tout ça : « on ne fait pas tourner une centrale nucléaire en assemblée générale. » La technologie n’est pas neutre, elle nous asservit. Ceux qui parlent de démocratie dans le contexte d’hypertechnologie galopante qui est le nôtre, devraient y réfléchir à deux fois. Plus la sphère technologique prend de l’ampleur et de l’importance, plus les humains en sont dépendants, incapables de vivre sans. Dans un monde aussi fragile, c’est plus que dangereux ! Mais qui s’en soucie ? À gauche comme à droite et au milieu…
« Les Gilets Jaunes ne se sont pas levés pour combattre un système qui les fait trop consommer, mais qui les pousse au contraire vers la misère, donc vers la baisse de consommation. » Malheur ! La misère serait donc une baisse de la consommation de marchandises. Plus nous avons de kebabs, de smartphones et de marchandises des plus sophistiquées qui plaisent tant aux jeunes générations et plus nous serions riches. Comme l’auteur le dit juste au dessus dans le texte, ce n’est pas la quantité qui fait la richesse – l’obèse n’est pas (toujours) riche ; pourtant, il mange beaucoup de hamburgers dont la qualité est abominable – et ce n’est que tant que nous serons humains que nous pourrons choisir la qualité à la quantité. Dans la société de masse, c’est le quantitatif qui prime. Pour le plus grand bonheur de Benoit Hamon, heureux comme un mangeur de kebab. Mais pour combien de temps encore aurons-nous la possibilité de choisir ce que nous mangeons ?
J’ai conscience que ce que nous venons d’écrire pourrait bien être un charabia incompréhensible pour les ‘gens de gauche’ avec la meilleure conscience …de gauche. Version de Juan Branco : « des petits bourgeois qui cherchent la ‘distinction’ ». Pour le dire autrement, « Les actuels moutons de l’intelligentsia [qui] ne connaissent plus que trois crimes inadmissibles, à l’exclusion de tout le reste : racisme, antimodernisme, homophobie. » Citation de Guy Debord de 1994.
Mais revenons aux GJ : à « ce mouvement atypique et spontané, on ne peut pas demander d’avoir réponse à tout. » Certes, certains le lui reprochent pourtant. Bizarrement d’ailleurs, il faudrait avoir réponse à tout sinon… on n’a réponse à rien, clament les ultras. Quitte à imposer leurs solutions au mouvement et le détruire (ça pourrait bien être en train de se faire !). Quant à nous, nous voulons retenir le soulèvement extrêmement positif contre le pouvoir et ensuite discerner les limites du mouvement pour essayer de les dépasser.
(3) https://faut-le-dire.fr/index.php/2019/09/05/progressisme/
(4) Pièces et main d’Oeuvre _ Manifeste des Chimpanzés du futur contre le transhumanisme. On peut consulter de nombreux articles sur leur site : http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=plan
Où en sommes-nous aujourd’hui ?
« Le match [Macron-Gilets Jaunes] n’est pas terminé. Mais nous avons gagné partiellement, et le gouvernement a perdu partiellement. » C’est sûr. Des rebonds sont possibles. Mais pas du tout certains.
« Le peuple déterminera lui-même le moment où il décidera de s’unir et de franchir une étape de plus. » Le peuple décidera ? L’histoire du peuple est « pleine de bruit et de fureur », la décision ne sera pas prise autour d’une tasse de thé aromatisé assurément. On s’est extasié des bienfaits de la technologie du smartphone qui a permis à tant de gens de se retrouver sur les ronds points. Soit. Mais n’oublions pas que ceux qui se retrouvaient dans la Commune de Paris en 1871 n’avaient pas de smartphone, qu’ils se parlaient beaucoup, eux aussi, et même, ils allèrent plus vite à l’essentiel. Peut-être précisément parce qu’ils n’en avaient pas et n’avaient pas grand-chose à perdre. Aujourd’hui, on a peur de perdre son smartphone et beaucoup d’autres choses. La Commune de Paris fut un haut moment car l’enjeu était celui d’un monde nouveau à créer ! Perspective dont on est loin aujourd’hui et ceux qui croient que raconter les salades postmodernes (néoféminisme, idéologie LGBT, indigénisme, et j’en passe,…) de la gauche en pleine déliquescence aura permis de pousser la conscience des gens, je les invite à regarder l’état de nos forces depuis qu’ils ont noyauté ce mouvement qui, au départ, leur échappait complètement. Ils comprendront qu’ils sont en train de le détruire. Au cas où ils sont encore capables de voir …ce qu’ils ont devant les yeux !
Est-il loisible d’espérer – espérer quoi ? – du fait que « plusieurs syndicats appellent à une grève illimitée à partir du 5 décembre », comme nous le dit l’auteur. Ce serait une formidable marche arrière d’attendre que les syndicats fassent le premier pas. De toute façon, pourquoi sortiraient-ils de leur ornière ? Mais il se pourrait que nous en soyons là. « Des scénarios que personne ne peut prévoir » nous attendent de toute façon. De pied ferme…
« L’essentiel ne réside pas dans nos projections hasardeuses sur ce que l’avenir nous réserve mais dans la façon dont nous essayons d’avoir une position juste au présent. » Olivier REY
*******
*******
« Policiers, suicidez-vous ? » 22 / 04 / 2019
Nous pouvons entendre et lire dans les médias après la manifestation des Gilets Jaunes Acte XXIII de samedi 20 avril 2019 que des politiciens et, au-delà, des gilets jaunes eux-mêmes trouvent inadmissibles de tenir de tels propos.
Depuis le début du mouvement, sur un panneau bien en évidence dans un rond point à l’entrée de l’autoroute, on peut lire en très grosses lettres : « Macron enculé ». Voilà qui n’a rencontré au début du mouvement des GJ, aucune réprobation. L’inscription est toujours là (été 2019). Dans les manifestations on peut ouïr encore très souvent : « Emmanuel Macron, ô tête de con, on va te chercher chez toi, etc » Là non plus, aucune réaction vis à vis de cet acte de lèse-majesté. Il se trouve que nous ne sommes plus au mois de novembre 2018 ; aujourd’hui la moindre anecdote est passible d’amende voire d’emprisonnement, en tous cas de l’indignation (très sélective ! ) des bien pensants.
En attendant la suite de cette ténébreuse affaire, on peut constater les actions des défenseurs de l’ordre. Plus autant de flash balls – les autorités auraient-elles infléchi leur politique répressive depuis la condamnation de la part de la Commission européenne et de l’ONU ? – mais tout autant de répression physique des manifestants. C’est maintenant le bal des motards qui tournent autour et cueillent les personnes dans les manifestations. Comment s’étonner donc après 23 semaines de manifestations que les esprits ne soient échauffés ? même les GJ Rodriguès et Ludovski sont capables de comprendre ça. On a quand même du mal à comprendre les raisons qui les poussent à condamner leurs camarades qui entonnaient le « Policiers, suicidez-vous ! » samedi dernier. A croire que l’eau a coulé sous les ponts et qu’il leur fallait afficher un profil plus ‘présentable’ face aux autorités. Le mouvement des Gilets Jaunes qui, jusqu’à présent, avait montré un visage d’une liberté surprenante comparée aux stéréotypes des moutons de l’intelligentsia (1) boboïste est sur la mauvaise pente. Ceci est vrai au moins pour certains de ses ‘chefs’…
Rodriguès dira lui-même qu’un policier lui avait demandé s’il lui crevait l’autre œil. Là aussi un humour assez noir de la part d’un ‘fonctionnaire de l’ordre public’. Et combien d’autres du même genre n’a-t-on pas dû endurer ! On peut être surpris qu’aucun des ‘moutons’ qui s’insurgeaient à la suite de cette manifestation contre le « suicidez-vous ! » n’aient trouvé à redire par rapport à ces provocations répétées de la part des soldats de l’Ordre.
Et il faut bien dire qu’une fois de plus, les mêmes ‘moutons’ nous ont resservi la fable des GJ se comportant comme des ‘émeutiers’ et non comme des manifestants. Voilà qui est bien étonnant : des milliers de blessés du coté des ‘émeutiers’ et du coté des forces dites de l’ordre on attend toujours le décompte et la gravité des blessures occasionnées. Jusqu’à présent, ceux qui tiraient des projectiles, lançaient des grenades, donnaient des coups de matraque, ce n’étaient pas les émeutiers mais les policiers et autres CRS. Drôle d’émeutiers donc qui sont incapables de commettre des blessures, cela ne correspond en rien au statut que leur attribuent les ‘moutons’. Mais les ‘moutons’ ont tant d’imagination…
On remarquera que ces pseudo émeutiers se sont fait prendre pour la énième fois dans la nasse de la place de la République à Paris. Vraiment, la stratégie n’est pas leur fort ! Toute cette blague des émeutiers prêterait bien à sourire si tant de spectateurs et autres déglingués du cerveau n’y croyaient pas. En fait, le sérieux le plus élémentaire inviterait à penser qu’il s’agit d’une révolte. Qui a pu conduire à des violences comme toute révolte – ne serait-ce qu’en réponse aux violences policières ! – Mais dans laquelle la stratégie n’a quasiment aucune place. Même dans l’histoire de l’engin qui a défoncé le portail d’un ministère il n’y avait aucune intention de pendre le sinistre qui y logeait, seule la mauvaise foi permet de penser autrement. L’occasion (…de trouver l’engin près de la porte en question ) a fin le larron, voilà tout. Et la porte tombée tout était terminé. Belle émeute !
Il s’est déroulé autre chose de ‘remarquable’ ce samedi à Paris et qui n’a pas échappé à quiconque s’intéresse au mouvement des GJ mais à coté duquel les ‘moutons’ sont complètement passés. La police macronienne s’intéresse maintenant de près à la presse. On savait que les pouvoirs n’aiment rien moins que leur larcins aient quelque publicité auprès du grand public. Mais le pouvoir macronien est largement au dessus de ce qui a été dans ce domaine ces dernières années. Imaginez que s’il n’y avait pas eu la presse on n’aurait peut-être pas su que Benalla, le chouchou du président, jouait les gros bras dans les manifestations en lynchant des jeunes gens. Tiens, tiens, à cette époque déjà, on aimait la castagne ! Il est étrange que nos beaux esprits : les Ciotti, Estrosi et autres maniaques de l’Ordre (mettons-y une majuscule car il s’agit là d’une divinité importante dans leur panthéon) n’aient pas trouvé d’indignation pour tout ça. Nous en sommes là.
Difficile de croire, en conséquence, qu’il n’y a pas une gradation dans les moyens recherchés contre ces satanés GJ qui sont toujours là après 23 semaines. On ne peut plus gouverner tranquillement, quoi ! On s’attaque aux manifestants dans une répression qui n’a eu aucune commune mesure avec tout ce qui fut fait pendant ces dernières décennies. Comme tout ça ne rentre pas dans l’Ordre (osons encore la majuscule) on devient conciliant. On fait un discours auquel personne ne croit. On lance un débat auquel personne ne croit mis à part les tenants du système qui y participent. On fait ensuite des lois qui renforcent les capacités répressives en siphonnant le parti de droite en pleine dépression. Que faire maintenant ? Eh bien, attaquons-nous à la presse (2) qui dévoile les vérités que les spectateurs de la presse-relais-du-pouvoir ne veulent pas voir (on ne peut pas dire que la télé a mis l’accent sur les policiers tabassant des manifestants. Cela évidemment donne la possibilité à un Castaner de dire, avec un aplomb stupéfiant, qu’il n’a pas connaissance de policiers agressant des manifestants ! ) Comme le dit Aldous Huxley, « les faits ne cessent pas d’exister parce qu’on les ignore. » et on voit que malheureusement, pour beaucoup de ceux qui veulent obstinément croire ce qu’on leur raconte (parce que ça les arrange ; ça conforte leur inactivité, leur volonté de s’enterrer dans leur quotidien vasouillard), la réalité est ce qu’ils voient… jusqu’au moment où les choses changent ! Il est donc urgent de faire en sorte que ça change.
(1) « Les actuels moutons de l’intelligentsia […] ne connaissent plus que trois crimes inadmissibles, à l’exclusion de tout le reste : racisme, anti modernisme, homophobie. » Dernière en date : l’islamophobie.
Guy Debord, « Lettre à Michel Bounan du 21 avril 1993 », Correspondance, vol. 7, Fayard, 2008, p. 407.
(2) » Après avoir décidé de son placement en garde à vue pendant tout un week-end, l’empêchant ainsi de diffuser les images de son travail lors de cette manifestation, le procureur a requis l’interdiction à Gaspard Glanz de paraître à Paris d’ici son procès qui aura lieu le 18 octobre… Depuis le début du mouvement des Gilets jaunes, un grand nombre de manifestants étaient toutes les semaines interdits de se rendre à Paris, les empêchant d’exercer leur liberté fondamentale de manifester. Aujourd’hui, l’institution judiciaire veut en plus interdire à un journaliste de faire son travail. Ce n’est pas une peine, c’est un contrôle judiciaire. Ce qui le justifie, je ne sais pas, parce que cette décision n’est pas motivée. » dit l’avocat du journaliste Gaspard Glanz de l’agence Taranis News. Note ajouté le 22/04 au soir.
<<<>>>
Le malin Ménard 05 / 02 / 2019
Lundi 4 février avait lieu au palais des congrès de Béziers un débat organisé par son maire, le célèbre Robert Ménard. Il est évident qu’un débat organisé d’en haut comme celui-là ne peut que poser beaucoup de problèmes. Nous y reviendrons. Ce ne sont pas ceux qui étaient sur les ronds points qui l’avaient organisé mais ce maire qui avait défilé avec les Gilets Jaunes pendant la manif de Béziers du 1° décembre mais qu’on n’avait plus vu depuis. Depuis que les choses s’étaient considérablement gâtées dans les manifestations, depuis que le gouvernement a sorti ses gros bras et ses flashballs, ses flics et ses magistrats à la botte. La position devenant délicate pour un élu de la République plus soucieux de sauvegarder sa réputation que sa fidélité aux luttes des Gilets Jaunes. Il n’a d’ailleurs fait aucune déclaration pour condamner ces abominables violences policières.
Tout ça ne l’a pas empêché de se réclamer des GJ dès le début de ce débat.
La salle était comble, on a même rajouté des chaises et beaucoup de personnes ont dû rester debout. Certains arboraient fièrement leurs gilets jaunes. Mais la majorité n’en portaient pas qu’ils fussent avec les Gilets Jaunes ou pas.
M. Ménard annonça vite la couleur. Sur l’affiche il était indiqué que le débat était ouvert à tous. Et il rajouta qu’on pouvait tout dire. Un petit air de liberté soufflait dans la salle. Ça n’allait pas durer. Il introduisit très habilement le débat en indiquant qu’il avait laissé en mairie un cahier pour les doléances des biterrois – les allusions à la révolution française abondent ! – Les dites doléances avaient été dépouillées et une synthèse en avait été faite par ses services. Il en montra sur un immense écran le résultat. Évidemment ce sont ses services qui avaient tout classé en rubriques : gouvernement, fiscalité (taxes et impôts), retraites, citoyenneté, etc sans oublier l’immigration bien entendu.
Cette synthèse aurait pu n’être que purement indicative des doléances déjà écrites. Sauf que celui-ci, avec une certaine habileté encore, s’en est servi pour canaliser le débat avec les thèmes que lui-même avaient délimités. On pouvait donc tout dire MAIS …en restant dans les thèmes décidés par l’édile habile. Ceci passa comme si de rien n’était. Les premières interventions furent faites par des GJ qui proposaient rien moins que d’instaurer la démocratie directe. On se demande si certains comprenaient bien de quoi il s’agissait et surtout tout ce que ça impliquait, en quoi celle-ci contredisait complètement le système politique en vigueur. Cette incompatibilité totale avec les structures politiques actuelles ainsi qu’avec l’économie de marché mondialisée était incontestablement sous estimée. lire https://faut-le-dire.fr/index.php/2016/08/26/democratie-critique/
Une intervention fut particulièrement applaudie, d’un GJ qui mit en avant tout ce qui, à notre sens, devait l’être. « le débat qui a lieu aujourd’hui, comme les autres débats, ont été organisés PARCE QUE le mouvement des GJ avait ébranlé le ronron politicien. Le pouvoir a été contraint à ces débats. D’autre part, dit-il, beaucoup de gens adhèrent à l’idée de ce mouvement mais restent douillettement à la maison, il est temps de venir grossir les rangs des GJ et à chacun d’apporter au mouvement son grain de sel. »
Voilà qui était bien dit et, à notre sens, on pouvait se passer du reste de la séance.
La suite a donc donné lieu aux éternelles litanies : on refait le monde mais dans le cadre préétabli par les autorités. Dans les débats organisés par l’État – que Ménard n’a pas ménagé de ses critiques, il fallait bien qu’il mette en avant son image d’ « antisystème » ! – le carcan est sévère. Mais le maire de Béziers procéda avec tact pour manipuler son sujet. Le cadre qu’il avait fixé dans les thématiques opérait discrètement un formatage des interventions. Les accusations fusaient contre les députés, sénateurs et autres politiciens de tous côtés. Et quand certains se plaignent des hauts (voire très hauts) revenus et des avantages de ceux-ci Mme Ménard – dont nous rappelons qu’elle est députée – défendit sa paroisse avec vigueur… Un GJ demanda à M. Ménard combien il touche d’indemnité en plus de son ‘salaire’ de maire. Quelques remous, faibles mais audibles dans l’assemblée, montrèrent que certains – curieusement pas parmi les Gilets Jaunes – n’appréciaient pas que le père Ménard soit attaqué ou mis en demeure. Le GJ se défend et rappela qu’on pouvait tout dire dans cette assemblée. L’autre répond qu’il n’en touche ‘aucune’ en dehors des 3500€.
Tout aura été cousu et bien cousu par la famille Ménard. Les employés de la place ne passèrent le micro qu’à ceux qui étaient désignés par le patron des lieux, la consigne leur en avait préalablement été donnée par le chef, m’a confessé une des pourvoyeuses de micro. Quand on ajoute que les thèmes abordés étaient les siens on a l’étendue de la manipulation. Ce qui était assez prévisible quand on connaît les politiciens. La différence avec les débats du gouvernement étant que M. Ménard fut plus habile, beaucoup plus que notre gouvernement dont on rappellera qu’ils n’ont même pas su passer la patate chaude à la CNDP qui avait, elle, l’habitude de se faire taxer de manipulatrice ( on se souviendra des débats en 2009 sur les nanotechnologies http://faut-le-dire.over-blog.com/pages/une_manipulation_de_plus_les_debats_sur_les_nanotechnologies-8646735.html ). Ils n’ont su qu’organiser des assemblées complètement corsetées sans le moindre débat tant avec les maires et autres élus locaux triés sur le volet. Doit-on rappeler que pour qu’il y ait débat il faut un aller retour dans la parole et non pas des questions et réponses. Si manifestement truqués furent les débats gouvernementaux que, mis à part les partisans macronistes et autres névrosés du statu quo, personne ne pouvait y croire.
On peut tirer toutefois quelques enseignements sur la façon dont ce débat s’est déroulé. Et il faut dire que, si Ménard avait plus d’un tour dans son sac, les GJ nous ont paru bien naïfs.
Ensuite, il y eut beaucoup de personnes pour dénoncer les gabegies et dysfonctionnements de l’État mais très peu pour pointer la domination économique des grosses entreprises qui corsètent les politiques aussi bien de gauche que de droite. M. Ménard a beau regretter – il l’a dit dans son long préambule – qu’une poignée de milliardaires possédaient autant que la moitié de l’humanité, il ne dit jamais – pas plus, d’ailleurs, que les GJ – comment sortir de cette situation aberrante. Car nous voyons chaque jour à quel point cette domination des multinationales entraîne baisses de salaires, destruction d’une protection sociale pour les plus humbles, etc. Ce qui fait partie des préoccupations des GJ tout de même. La mondialisation de l’économie est la voie royale pour l’expression de cette domination. Par ailleurs, la politique de la Commission Européenne – non élue – est là pour canaliser dans le sens de cette mondialisation les politiques des États qui ont (encore) quelques (petits) comptes à rendre aux électeurs.
Il y a donc nécessité d’engager la réflexion sur ce sujet dans le débat instillé par les GJ. Et on pourrait se désoler que ce ne fût pas dans les tablettes de l’édile biterrois mais… est-il vraiment souhaitable de parler de ce genre de choses – éminemment sérieuses – devant (ou avec) des gens comme Ménard ? On peut, par contre, regretter que nos GJ biterrois n’aient pas ce genre de préoccupations. (1)
Le ‘débat’ allait donc s’enliser et s’éterniser autour de propositions de détails sans intérêt …sauf pour les politiciens qui adapteront tout ce qu’ils voudront retenir à leur principe de réalité. Car nous voyons tous les jours que, pour l’actuelle classe dominante ( comprenant autant de politiciens que de patrons qui, comme Macron passe de la banque Rothschild au gouvernement ou Sarkhozy qui alla dans l’autre sens après sa prestation présidentielle) le débat n’oppose plus le capital et le travail, les riches et les pauvres, les dominants et les dominés, ou que sais-je ? mais les défenseurs de la vérité, rebaptisée « réel » ou « modernité », et les partisans des « archaïsmes » ou, tout simplement, de « l’erreur ». C’est bien là, le discours des macronistes sur le monde, sur eux-mêmes et sur ceux qui luttent contre ce monde.
Nous avons donc quitté la salle avec soulagement car tout cela semblait bien lourd et bien long.
*
1_
Dans d’autres endroits, d’autres villes, le problème se pose différemment et il m’a été rapporté que les problèmes évoqués ici n’existent pas uniformément sur tout le territoire français. Les débats du gouvernement sont clairement dénoncés comme falsificateurs et réducteurs et la racine économique des politiques macronistes est comme une évidence pour une majorité de GJ à ces endroits-là. On ne s’attarde donc pas à la critique du salaire des sénateurs mais à décortiquer la façon dont les « élites » adhèrent au libéralisme économique qui fait notre malheur.
<<<<<>>>>>
<<<<<>>>>>
Lettre à des camarades de la CNT 12/12/2018
Il aura été difficile pour des révolutionnaires ‘purs et durs’ de trouver quelque chose d’intéressant à ce mouvement des ‘gilets jaunes’. Du haut de leur ‘science’ révolutionnaire ils ont jaugé trop à droite, trop populiste, trop raciste, etc ce mouvement qui échappait aux normes préétablies de la contestation politique. Au bout de quelques semaines de cette mobilisation, on commence à penser qu’il pourrait y avoir quelques aspects positifs parce que celui-ci a amené à « se mobiliser toute une partie de la population jusque-là absente des mouvements sociaux ». Dixit la CNT 34 (Hérault). Enfin ! pourrait-on se dire, on cesse de regarder le doigt qui montre la lune… Et ce syndicat va comprendre que le peuple est là et qu’en tant que révolutionnaire on ne peut pas être ailleurs.
Eh bien non, la CNT est loin d’en avoir fini avec le nombrilisme gauchiste. Au lieu de voir cette mobilisation pour aller au contact des couches populaires révoltées, l’appel de la CNT, au moment de la quatrième semaine de conflit, daté de décembre 2018, mentionne une manifestation pour le climat, les manifestations lycéennes et, bien sûr, les sempiternelles manifs de soutien aux migrants. La semaine dernière, c’était la manif avec les pseudo féministes de ‘Osez le féminisme’ à laquelle ils appelaient sans évoquer même le mouvement des gilets jaunes qui, à leurs yeux, ne devait revêtir aucune importance.
Peut-on parler d’aveuglement quand on voit ce syndicat se réclamant de l’anarchisme considérer avec hauteur la populace et lui préférer, telle une vulgaire Hilary Clinton, la sphère bien plus gratifiante des gens éclairés qui fréquentent les manifestations de la pseudo élite intellectuelle (1). Cette caste qui fait l’analyse ‘politique correcte’ du monde actuel. Écologie parfois mais pseudo féminisme et pseudo antiracisme tout le temps.
Après avoir cassé du sucre sur le dos des ‘gilets jaunes’ qu’ils ne pouvaient penser que comme des beaufs (à la façon de B.H. Lévy (2) et autres radoteurs), ils en viennent à y voir quelque attrait suite aux affrontements récents et violents avec le pouvoir et aux revendications qui prennent un tour plus acceptable …pour la ‘gauche’. Eh oui, le peuple est là et vous, vous regardez de loin avec un air dédaigneux, tentés d’y voir le résultat d’une idéologie populiste voire raciste. Oui raciste. Puisqu’on n’y parle ni de migrants ni des ‘racisés’. Détail révélateur de l’idéologie de ‘gauche’ à l’œuvre : le journal gauchiste Médiapart, relatant la manif du 1° décembre, mettait en avant une banderole portée par deux personnes mentionnant : ‘les tapettes sont dans la rue’, prouvant ainsi à ceux qui pensaient autrement que, finalement, si on y rencontre même les ‘tapettes’ en son sein, alors ce mouvement des ‘gilets jaunes’ n’est pas si beauf que ça, il devient fréquentable !
Revenons à la CNT qui n’en est pas encore tout à fait au stade de Médiapart. Que propose-t-elle après ce constat finalement optimiste ? Aller aux manifs des gilets jaunes ? Non, rassurez-vous car il y a bien mieux : ‘La marche pour le climat’ du samedi 8 décembre à 14h30. Au moins là, on n’aura pas des relents de populace, on restera entre nous, avec tous les canons de ceux qui pensent… comme il faut. Tout le monde sera d’accord et c’est bien là l’essentiel à préserver, n’est-ce pas ? La semaine dernière, c’était l’invitation à participer à la manif de ‘Osez le féminisme’ et pas un mot sur le mouvement des ‘gilets jaunes’. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les événements se bousculent mais le réflexe gauchiste de rester dans sa tour d’ivoire à l’abri de tout ce qui souille sa propre pureté doctrinale demeure. Et dans quelques jours, ce sera la journée internationale des migrants… à laquelle bien sûr ils appellent déjà avec insistance.
On peut se demander si les manifs squelettiques auxquelles ils participent finiront un jour par les questionner. Mais force est de constater que le moment n’est pas encore venu. On continue à manifester comme d’habitude, à agiter les drapeaux et les slogans habituels. Comme dans cette manif CGTiste de Toulouse rejointe par les gilets jaunes voulant fraterniser. Les gens de la CGT continuaient bêtement à scander les slogans syndicaux alors que les autres étaient devant eux et voulaient simplement montrer leur solidarité, leur taper sur l’épaule. L’accord n’a pas eu lieu car les syndicalistes sont sur une autre planète : ils ont leur stratégie, leur agenda, comme ils disent et n’en démordront pas.
Évitons les malentendus. ( On sait que, dans le milieu gauchiste, la moindre déviance est très vite considérée comme une opposition ‘réactionnaire’, souvent même ‘fasciste’. Et on vilipende le stalinisme ! Comme disait Pasolini : « le fascisme des antifascistes ».) Le sexisme donc est une bien mauvaise chose qu’il faut dénoncer. Et le racisme aussi. Il n’empêche que ‘Osez le féminisme’ avec ses tics victimaires ne fait qu’enfermer les femmes (et les hommes) dans une spirale identitaire qui est à l’opposé de l’émancipation. (3) Pour les migrants que nous ne voulons aucunement voir sombrer dans les eaux froides de la Méditerranée, et qu’il est digne de soutenir, la problématique des soi disant soutiens de ‘Migrants Bienvenue’ – …la corde soutient bien le pendu. – est encore plus aberrante. La CNT comme les autres officines gauchistes associées ( qui y voient un moyen d’attirer du monde et de faire consensus.) s’intéressent fort à ceux qui émigrent mais refusent de voir les pays qu’ils quittent se déliter, vidés de leurs médecins, leurs professeurs, leurs techniciens, etc. (4) Ceux qui n’ont pas le regard focalisé sur l’arrivée jugée ‘inéluctable’ des migrants ne peuvent être que des beaufs racistes poussés par la haine de l’Autre. Racisme sournois bien sûr car le racisme est censé toujours avancer masqué, pensent les gauchistes. Alors, on préfère aller manifester avec Bouteldja dont chacun sait qu’elle au moins, n’est pas raciste. (5) Bien sûr. C’est juste qu’elle n’aime pas les Blancs ni les Juifs …sauf s’ils se rangent à ses idées ‘indigènes’. Et derrière les ‘racisés’, bien sûr. Elle n’aime pas non plus les ‘tarlouzes’. Etc. Etc.
Enfin, le PIR est une bien meilleure fréquentation que les gilets jaunes, pensent-ils. Ces derniers ont de gros godillots, ils parlent avec l’accent du terroir, et ils regardent « facebook qui leur dit tout », « avec lequel on sait tout ». Ils font parfois des vannes racistes et quand les hommes voient une femme à leur goût, ils peuvent même s’extasier, c’est dire à quel point ils sont aliénés par leur condition de mâle blanc dominant. C’en est trop pour l’odorat délicat de nos élites révolutionnaires pour qui « il est gênant d’être à coté de ses gens-là ». Nos élites ne peuvent pas supporter les gens tels qu’ils sont. Avec leur mauvais goût, leur manque de finesse et leur racisme qui ne les a pas encore fait tous passer le cap de voter Le Pen mais ça pourrait venir tant ils se voient délaissés par le ‘camp du bien’. Les révolutionnaires savent quelle est la voie juste et savent que la révolution viendra quand leurs idées seront dans toutes les têtes. Le miracle, c’est pour quand ? Il suffirait donc que ces bougres de ‘gilets jaunes’ soient comme eux et le peuple serait enfin sauvé de ses errements. Comment ceux-ci ne comprennent-ils pas des choses aussi simples ?
Soyons encore plus précis : Le peuple n’est pas animé de bons sentiments. Il défend ses intérêts. On pourrait rajouter ‘intérêts immédiats’, ce serait juste mais pas totalement. Les intérêts qu’ils défendent sont certainement moins immédiats qu’on le dit car, avec la lutte qui avance, certaines opacités s’éclaircissent. Et ce ne sont pas les syndicalistes de la CNT qui auront joué un grand rôle dans cet éclaircissement. L’intérêt du peuple est chose dont la CNT et autres pseudo anarchistes a bien quelque idée : Vous voulez des augmentations de salaires ? Vivre plus décemment ? C’est bien normal. Alors laissez les gilets jaunes et …venez à la manif de soutien aux migrants la semaine prochaine.
Il n’est pas étonnant à ce titre qu’une des rares manifs où l’on a vu un nombre non négligeable de ‘gilets jaunes’ soit la manif ‘pour le climat’. On aurait pu penser que cet aspect des choses passait complètement au dessus de la tête de cette engeance populaire mais, en fait, remplir son réservoir n’a, pour la plupart d’entre eux, rien d’une vocation. Alors qu’on sait que les gauchistes, même quand ils remplissent leur réservoir, sont politiquement corrects. Les ‘gilets jaunes’ ne le font que par nécessité et ne pensent pas, le plus souvent, que détruire précocement de vieilles voitures pour les remplacer par des neuves – même électriques – soit vraiment économique et contribue à la préservation du climat. Quand ils se posent la question bien entendu. Ni que le fait de payer le gaz oil (…et l’essence) plus cher leur fera moins utiliser la voiture car ils l’utilisent essentiellement par nécessité.
Chers camarades de la CNT et d’autres chapelles gauchistes que nous fréquentons depuis des décennies, il nous semble préférable que vous descendiez de votre sphère (in)confortable et de prendre place parmi cette populace qui ne pense et n’agit pas toujours aussi bien que l’on aimerait mais qui aujourd’hui montre une voie pour remettre en cause le monde tel qu’il est. Voie à laquelle chacun peut apporter sa lanterne. Il y a là le peuple réel. On le déplore parfois mais l’appel de Commercy (6) montre à quel point les gens peuvent être – parfois ! – lucides. Encore faut-il les entendre, leur parler, discuter.
(1) On se souvient du mépris avec laquelle elle a traité les couches populaires qui avaient voté Trump en disant d’elles qu’elles étaient ‘déplorables’. La ‘gauche caviar’ serait-elle un modèle pour la CNT ? Comme elle, en tous cas, il n’y a pas la moindre mise en cause de son propre fonctionnement. Alors que celui-ci pourrait avoir conduit, dans le cas de Clinton au vote Trump. Dans le cas de la CNT à la désaffection des mouvements révolutionnaires dont ils voient bien qu’ils ne s’adressent pas à eux.
(2) toujours égal à lui-même le libéral BHL nous sort avec son aplomb habituel : « Poujadisme des #GiletsJaunes. Échec d’un mouvement qu’on nous annonçait massif. Irresponsabilité des chaînes d’info qui attisent et dramatisent. Soutien à #Macron, à son combat contre les populismes et à la fiscalité écolo. »
(3) pour de plus amples considérations sur le féminisme à la Caroline De Haas on pourra lire https://faut-le-dire.fr/index.php/2018/06/10/un-certain-feminisme/ …
(4) Il y a plus de médecins béninois en île de France qu’au Bénin. À croire qu’au Bénin on n’a pas besoin de médecins…
(5) La « marche de la dignité » en gros sur les banderoles et « contre le racisme » en tout petit, à laquelle ont participé aussi les ‘libertaires’ de la CNT et d’ Alternative Libertaire. La marche était évidemment organisée par les comparses de Bouteldja, la parti des indigènes de la république. À propos de celle-ci, on peut lire https://faut-le-dire.fr/index.php/2016/12/16/houria-bouteldja-et-le-pir/
(6) voir https://manif-est.info/L-appel-des-gilets-jaunes-de-Commercy-853.html …