23/09/2020

Le progressisme ‘systémique’.

« Bien sûr nous aussi voulons une autre société mais pas n’importe laquelle ! venant de la gauche antitotalitaire, […] nous savons que la terreur peut sourire, et parler notre langage, s’habiller de beaux sentiments. »

Lieux Communs, La Décroissance, été 2020,

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En 1998, Alan Sokal et Jean Bricmont définissaient le postmodernisme comme « un courant intellectuel caractérisé par un rejet plus ou moins explicite de la tradition rationaliste des Lumières, par des discours théoriques déconnectés de tout empirisme et par un relativisme cognitif et culturel qui ne voit dans la science qu’une “narration”, un “mythe” ou une construction sociale parmi d’autres. » La suite leur a donné amplement raison. Mais nous préférons ici parler de progressisme car celui-ci – tout en englobant et excédant le postmodernisme – est au cœur de cette idéologie qui a fait son trou dans les universités américaines au point d’y devenir hégémonique et maintenant tente d’en faire de même en France et en Europe. La croyance forte que le progrès est inévitable se manifeste par des phrases comme celle-ci : « nous avons un droit qui est vraiment en retard par rapport à ces nouvelles familles. » Déclaration d’un avocat de Montpellier qui défendait le ‘droit’ d’un père biologique, qui, ayant obtenu le droit d’être considéré légalement comme femme, tenait à être déclaré …‘mère’ de son enfant. Autre exemple : la députée LFI, D. Obono a déclaré que « à partir du moment où la technique qui la rend possible existe, il est à la fois juste et normal de l’autoriser. » La PMA pour les femmes lesbiennes, dont elle parle ici, mais aussi les femmes seules, n’avaient donc pas lieu d’être discutée puisque …la technique qui la rend possible existe.

Ce qui compte, ce qui est valorisé, c’est la nouveauté. Et on voit le rôle important de la technologie …qui avance, qui rend possible ! Il n’est pas question de discuter le bien fondé ni les raisons d’être de la demande de maternité d’un couple de lesbiennes ou d’une femme seule. Ni de la demande d’être considéré comme femme bien que père biologique d’un enfant. Prendre le moyen de la réflexion vis à vis de pratiques ‘nouvelles’ est devenu quasiment impossible. Puisque ça existe ça doit être légalisé. Les supporters des dites nouveautés vous taxeront illico de réactionnaires, de racistes ou de fascistes selon le cas. Et, bien sûr, refuseront toute discussion avec les abominables personnes que vous êtes. « Plus une société s’éloigne de la vérité, plus elle déteste ceux qui disent la vérité. » (G. Orwell) Voilà où nous en sommes et ce dont il serait urgent, premièrement, de prendre clairement conscience et, deuxièmement, de sortir.

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On pourrait dire que les progressistes s’ingénient à enfoncer des portes ouvertes, c’est ce qu’une observation – même hâtive – permet de constater. La condition féminine n’est nulle part aussi avantageuse pour les femmes que dans les pays occidentaux et pourtant De Haas affirme comme une évidence que les deux tiers des hommes y sont des violeurs. Ce sont les pays européens qui ont aboli la traite et l’esclavage partout où ils le pouvaient et ils sont pourtant les seules cibles des ‘décoloniaux’. On n’a pas entendu les décoloniaux dénoncer Boko Haram qui enlèvent des femmes et les réduit en esclavage. Ni les gens de l’État Islamique qui asservissent les filles yézidis. Et De Haas s’empresse de défendre les agresseurs des femmes de Cologne …parce que ces attaques contre les agresseurs ‘racisés’ seraient racistes ! Elle dira aussi que les trottoirs de Paris sont trop étroits, raison pour laquelle les migrants du XX° ont les mains baladeuses avec les passantes. Là encore, voir l’évidence est bien trop compliqué pour elle. Et donc analyser la réalité est tout à fait exclu. Comme pour tous ces intersectionnels qui se doivent de mentir plutôt que d’ouvrir les yeux sur une réalité qui contredit leur idéologie. Prenons garde, Voltaire disait : « si nous croyons des absurdités, nous allons commettre des atrocités. » Avertissement plein de sens ! Mais comme Voltaire avait des actions chez les négriers alors tout ce qu’il a écrit sera déclaré nul et non avenu par les décoloniaux.

Annette Davis Collectif afro féministe MWASI

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Marx avait brillamment montré en son temps le caractère très ‘évolutif’ de la société capitaliste. Que devrait-on dire aujourd’hui où il faut absolument et constamment …« s’adapter à un monde qui bouge » ? Bien sûr le monde a changé plus dans ces cinquante dernières années que dans les cinq cents qui précédaient. Et force est de constater que : « Le capitalisme technologique, qu’on le nomme société du Spectacle, société de consommation, société post-industrielle, post-moderne, est tout sauf raciste, sexiste, xénophobe, homophobe, etc. C’est au contraire une condition de sa prospérité que d’être aussi inclusif, ouvert, égalitaire que possible envers les identités de genre, de sexe, d’ethnie, de religion. » (PMO, ceci n’est pas une femme). Ce n’est pas le milliardaire G. Soros ou les pédégés des GAFA qui nous contrediraient !

À l’affirmation totalement gratuite de la délirante Virginie Despentes – délirante mais pourtant si présente dans des médias considérés comme sérieux, à Libération comme dans ‘le Monde’ ! – qui suggère aujourd’hui que « toutes les femmes seraient lesbiennes sans injonction sociale à l’hétérosexualité », répond par anticipation en 1840 A. de Tocqueville : « Il y a des gens en Europe qui, confondant les attributs divers des sexes, prétendent faire de l’homme et de la femme des êtres non seulement égaux mais semblables. » Le problème était déjà posé et bien posé à cette époque …mais pas résolu. Et plus les acquis de cette égalité s’accumulent avec le temps plus la hargne voire la fureur des (néo)féministes, des (néo)antiracistes, des intersectionalistes de tous poils enfle démesurément. Et, dans leur ‘combat’, plus aucun argument raisonnable n’étayera leurs propos ; on n’invoquera plus que les ‘offenses’, les ‘discriminations’, le racisme ‘systématique’, le sexisme qui l’est tout autant, etc qu’on a de plus en plus de mal à identifier – en France ! – tant les offenses et les discriminations qui existent encore ne sont plus que résiduelles. Comme on voit encore une étoile lointaine qui est morte depuis longtemps on critiquera des ségrégations passées pendant encore longtemps avec d’autant plus de fougue qu’on n’a rien d’autre à reprocher au monde capitaliste existant aujourd’hui. Debord avait vu que « les actuels moutons de l’intelligentsia […] ne connaissent plus que trois crimes inadmissibles, à l’exclusion de tout le reste : racisme, anti modernisme, homophobie. » « Plus que… à l’exclusion de tout autre… », dit-il. Bien sûr, les progressistes sont essentiellement des technocrates, des bobos et pour une bonne part issus de la jeunesse universitaire. Quand les Gilets Jaunes mettent le doigt sur leurs propres conditions de vie, ceux-là affichent leurs fantasmes. « J’ai horreur des gens dont les professions de foi libertaires naissent non point d’une analyse sociologique, mais de failles psychologiques secrètes. Si les jeunes reprochent, à juste titre, à certains disciples de Freud de chercher à les ‘ajuster’ à une société malade, l’opération contraire par laquelle on veut ajuster la société à son psychisme malade ne me paraît pas une solution non plus. » dixit Romain Gary, il y a déjà quelques décennies. Cela s’applique remarquablement à la situation d’aujourd’hui.

Pour finir sur ce thème, citons Jean-Claude Michéa. Nul n’a mieux décrit que lui et expliqué la situation : « … au fur et à mesure que le développement de la logique libérale – ou, dans le langage de la gauche moderne, l’ ‘évolution naturelle des mœurs’ – conduit inexorablement à dissoudre toutes les formes de tradition et de vie commune dans le bain d’acide de la ‘neutralité axiologique’ (business is business), ce sont donc bien, en réalité, toutes les valeurs morales et culturelles encore communes qui se retrouvent inévitablement condamnées à se voir ‘déconstruites’ comme autant de ‘stéréotypes’ arbitraires visant à ‘stigmatiser’ le mode de vie de telle ou telle frange de la population. Processus de libéralisation des mœurs qui n’en est clairement qu’à ses débuts (il suffit d’observer les États-Unis) mais dont le terme logique ne peut être que cette ‘désagrégation de l’humanité en monades, dont chacune a un principe de vie particulier et une fin particulière’ dans laquelle Engels voyait déjà, en 1845, le prélude inévitable d’une nouvelle ‘guerre de tous contre tous’. »

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Les progressistes ne se doutent pas que l’Histoire n’a aucun sens obligatoire et qui va de soi. Seule l’action des Humains constitue, induit le déroulement historique. Aujourd’hui, et depuis l’avènement du capitalisme, les sociétés humaines, contrairement à celles qui ont précédé pour lesquelles tout changement était malvenu, ne cessent d’évoluer d’une façon mécanique selon les besoins du capitalisme et les humains acceptant cette logique (en s’adaptant à ce monde qui change …!) sont entraînés dans cette histoire. C’est bien le capitalisme qui tourne la roue de l’Histoire. Il est de plus en plus visible que la recherche de l’innovation est son essence même, comme l’avait déjà clairement indiqué Marx au XIX°s. Les sociétés ‘modernes’ n’ont rien de figées ; elles sont, au contraire, bâties sur le mouvement nécessaire au Capital. Cette évolution cependant dépend des échanges marchands, des avancées technologiques et de la gestion qui en est faite par les politiciens en charge de ces tâches. Bien entendu, c’est l’apathie des forces révolutionnaires qui entraîne non pas l’immobilité de nos sociétés mais leur caractère fortement évolutif en fonction des nécessités du système capitaliste.

Ce que les progressistes prennent donc pour le sens d’une histoire qui va vers le Bien, est plutôt le développement capitaliste et technologique qui, lui, avance à pas de plus en plus grands et dont l’évolution à court terme est assez prévisible. En se trompant de cours des choses, ils plaquent sur le monde des humains le cours de l’évolution d’un système qui arrime les humains à l’accumulation des choses, des marchandises et l’ ‘amélioration’ des techniques. Ils inversent la représentation en faisant comme si les humains avaient pris les rennes alors que nous sommes plutôt à la remorque du système dont l’évolution est mécanique et suit sa propre logique. Évidemment, l’évolution des choses dépend de l’acceptation des hommes et ceci n’est pas acquis d’avance ; on a bien lutté contre le nucléaire, les OGM, les nanotechnologies, etc ; beaucoup de combats perdus et, par les temps qui courent, la tendance est à se résigner et à subir le cours des choses.

Ainsi ce progressisme abusé pour lequel : « à partir du moment où la technique qui la rend possible existe, il est à la fois juste et normal de l’autoriser » comme le dit cette misérable députée supposée insoumise et si soumise à la logique du capitalisme, va dans le sens de l’Histoire…du capitalisme. La PMA pour toutes qu’elle défendait était le cheval de bataille de la ‘pseudo’ gauche progressiste. On pourrait dire comme certains que le gauchisme n’est plus tant la maladie infantile du communisme que la maladie sénile du capitalisme.

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Mais, diront les progressistes, regardez comme « les masses » adhèrent à la contestation Black Lives Matter (BLM). C’est bien le signe qu’après des siècles de résignation et de défaites, la lutte des Noirs va dans le …bon sens ! Argument massue car ces gens adorent se sentir dans le sens du vent. Voir qu’ils ont quelque écho dans la société les plonge dans une joie intense.

Tout d’abord, disons qu’il y a une réaction bien normale aux meurtres de Noirs par la police américaine qui s’accumulent depuis … toujours, dans ce pays ! Autant cette réaction est donc légitime autant les délires auxquels on a droit comme discours explicatifs ne le sont pas. Et encore moins en France où la situation est bien différente !

Car on a dit la même chose avec le mouvement Justice pour Adama (Traoré) en France. La pasionaria Aïssa Traoré nous raconte qu’en France, il y aurait un racisme …’systémique’ ! Cette systémicité est le lapin sorti du chapeau par les magiciens de l’idéologie. Et pour bien montrer que c’est vrai de vrai ce qu’ils disent, ils arguent du nombre de manifestants qu’ils ont réuni. « La cause était légitime » nous dit aussi sec le ministre Castaner – qui avait bombardé les Gilets Jaunes pendant un an avec opiniâtreté ! Et bien que toute manifestation soit interdite il autorisera celle-là. Le macronisme peut bien accepter de donner un écho à des revendications minoritaires délirantes. Pas à des revendications qui ont l’assentiment de 70% des français !

Revenons donc sur le caractère ‘massif’ de ces manifestations. Et demandons-nous en quoi celui-ci, en admettant qu’il le fut vraiment, est vraiment un argument pour démontrer la vérité de ces arguments. Rappelons ici que les classes ouvrières européennes se sont ralliées assez massivement pendant des décennies au stalinisme soviétique. À ce moment-là il était censé aussi aller dans le sens de l’Histoire. Les écrivains et intellectuels n’étaient pas en reste : « Le marxisme est l’horizon indépassable de notre temps », écrivait Sartre, le ‘compagnon de route’ du PCF dans les années 50. « Horizon indépassable ! » Qui donc était plus habilité qu’eux pour reconnaître la fameuse ‘bonne direction’ de l’Histoire ? Et il a pu y avoir du découragement devant cette incompréhensible réalité du stalinisme triomphant chez les révolutionnaires les plus lucides. Comme aujourd’hui avec les mouvements postmodernes mais à un tout autre niveau bien sûr ! Car ils sont bien loin d’être aussi massifs que le soutien qui était donné au régime soviétique pendant soixante dix ans. Cependant, la baudruche stalinienne s’est dégonflée avec le temps (trop long assurément). Ce fait jette une lumière crue sur l’adhésion des foules à une ‘erreur’ historique sous couvert d’aller dans le sens de l’Histoire. Le progressisme n’a pas toujours raison, c’est le moins qu’on puisse dire. Ces errements n’ont – malheureusement ! – rien de nouveau. Et, pour inquiétants qu’ils soient, ça n’empêche pas de tenir le cap de la critique du capitalisme.

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On peut légitimement se demander à quoi jouent les « progressistes » ; mais une chose est claire : en France, ils voteront Macron pour éviter Le Pen et, aux EU, Biden pour éviter Trump, etc. Dans les deux cas, le parti choisi est celui du capitalisme international.

En France, on connaît ça depuis 2002 quand il fallait barrer la route de l’extrême droite en votant Chirac. Et cela avec la légèreté de la plume qui se laisse pousser par la première bise venue.

Ces mouvements du politiquement correct aux EU sont alimentés financièrement par l’élite de la bourgeoisie qui y voit bien son intérêt (…les GAFA – facebook, Google, etc – en sont des soutiens indéfectibles … le capitalisme fait son choix ! ) (1). Et cette situation n’est pas nouvelle car « la Fondation Ford aux EU aida beaucoup par ses financements, … » déjà à une époque assez reculée. N’oublions pas que le milliardaire G. Soros, grand pourvoyeur de fond pour la promotion de sa « société ouverte » entretient des organisations nombreuses à coup de centaines de millions (2).

Ces mouvements se sont constitués massivement au sein d’une jeunesse universitaire particulièrement dépolitisée. Malgré le verbiage gauchiste toujours au rendez-vous. Faut-il vraiment dire : « malgré le verbiage gauchiste » ? Celui-ci apparaît plutôt – et de plus en plus – comme l’ingrédient nécessaire à toute cette bouillie conceptuelle. Il en constitue le liant indispensable car nos fins limiers de la théorie des races ou des genres, etc nous parlent aussi d’un objectif final révolutionnaire de la lutte antiraciste mais aussi féministe et intersectionnelle. Ça ne date d’ailleurs pas d’hier : aux États Unis Saul Alinski déclarait dans Playboy en 1972 déjà : « celui qui vous dit qu’il était engagé dans les causes progressistes de cette époque et n’a jamais travaillé avec les rouges est un sacré menteur. » Dans notre monde à évolution rapide il est tout naturel de vouloir la révolution. La révolution est …permanente ! et une valeur sûre. Pour certains jeunes esprits fraîchement et (trop) rapidement éduqués, elle est même un devoir civique ! ( Macron aussi parle de sa …révolution nécessaire !). En France, nous avons en plus droit à « l’amour révolutionnaire » de la PIR H. Bouteldja. Par conséquent, l’extrême gauche ayant l’oreille dressée à tout ce qui se dit révolutionnaire rallie avec enthousiasme ces mobilisations …quand elle n’en est pas à l’initiative. Ces étourdis y voient (…pour de vrai !) une révolution en marche.

Comme le fait encore remarquer le collectif Lieux Communs, « la chute des sociétés occidentales ontologiquement diaboliques ( le mâle blanc de plus de 50 ans, etc (3)) […] ne pourrait que donner naissance magiquement à un monde idyllique … ce schéma infantile, millénariste, totalement religieux et même apocalyptique, messianique, hante beaucoup de milieux militants. C’est en tout cas la seule manière de comprendre ces alliances apparemment contre nature entre gauchistes et indigénistes, LGBT et islamistes, vegans ou antispécistes et technophiles, néo féministes et racialistes, etc. »

1) Eux qui reprochent à la critique révolutionnaire d’être parfois d’accord avec des libéraux ou des réactionnaires avérés sur des points de détails ne se sentent pas du tout gênés aux entournures de se trouver converger avec le capital international d’une façon aussi globale.

2) « Le soft power mondial de Georges Soros » – Front Populaire automne 2020.

3) Comme Emmanuel Goldstein, qui est l’opposant à Big Brother dans 1984 d’Orwell, le mâle blanc hétérosexuel existe pour être haï. Mais celui-ci a droit à bien plus qu’aux « deux minutes de la haine » chaque jour de celui-là.

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Il faut tout de même ajouter un mot sur les composantes politiques de ces mouvements alimentant le ‘politiquement correct’ : outre les trotskistes de la LCR (puis NPA) qui s’allieraient avec n’importe qui pour acquérir un milligramme d’audience (ils ont bien déroulé le tapis rouge à T. Ramadan !) on peut faire remarquer que l’anarchisme s’exprime aujourd’hui pour une part non négligeable à travers des sectes d’extrême gauche comme les autres qui s’en réclament, c’est ce que disait J-Cl. Michéa il y a quelques années déjà. Lire Paris Luttes, c’est faire le tour de toutes les lubies modernistes en quelques clics. Sous forme d’interminables logorrhées. Dans la revue Réfractions on a pu lire dans le n° 39 un article de I. Pereira de l’ex Alternative Libertaire qui en dit long sur ce que peut être la trajectoire adoptée par certains …libertaires !

L’anarchisme bien plus authentique de G. Landauer survit malgré tout mais bien loin de tous ces courants. Des initiatives de ruptures avec le capitalisme sous son aspect technologique continuent à voir le jour. Le réveil de certaines franges populaires avec les Gilets Jaunes peut rassurer. Mais le spectacle de la révolte initié par la mouvance postmoderne, qui fait tache d’huile parmi la jeunesse déboussolée – mais pas seulement ! – ne peut qu’inciter à toujours plus de réflexion et de circonspection. Comme le dit encore le collectif Lieux Communs il faut « se défier systématiquement de tout ce qui se présente comme un progrès indiscutable, qu’il soit moral, social, politique ou technique, et particulièrement lorsqu’il vient de notre propre camp. » En d’autres termes, ne pas perdre la boussole !

 

 

 

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8/03/2020

Commentaires sur la ‘nouvelle censure’.

« La liberté seulement pour les partisans  du gouvernement, pour les membres d’un parti, aussi nombreux soient-ils, ce n’est pas la liberté. La liberté, c’est toujours la liberté de celui qui pense autrement. »

Rosa Luxembourg

« Les gens qui sont prêts à perdre leur liberté d’expression au nom de leur sécurité vont perdre les deux. »

Waleed al husseini

« Je suis si touchée de vos paroles que je ne saurais croire qu’elles soient menteuses. »

Molière – L’école des femmes

Le vendredi 7 février 2020, le Centre Ascaso Durruti ( CAD ) invitait le groupe Pièces et Main d’œuvre ( abrégé en PMO ) de Grenoble, bien connu pour ses positions anti industrielles, à tenir une conférence sur la Reproduction Artificielle, les manipulations génétiques et contre l’eugénisme technologique… et à débattre avec les participants. L’information ayant circulé, un retour n’ayant malheureusement rien de surprenant, est parvenu au CAD. Il était demandé à celui-ci par un groupe politique constitué de ‘ne pas donner de tribune’ à PMO ! Au prétexte qu’ils étaient homophobes et transphobes. Antiféministes et masculinistes. Évidemment, cela a donné lieu à quelques réflexions sur le sujet.

En préambule et pour éviter toute confusion, commençons par dire que nous sommes partisans de la lutte contre les inégalités entre les hommes et les femmes. Que cette lutte est incontournable et qu’il y a encore des choses à faire dans ce domaine. De la même façon, nous pensons que PMO n’a rien à voir avec la façon dont ces groupes de pression les décrivent. Qu’ils ne sont en rien homophobes ni transphobes. Ni sexistes ni masculinistes.

Revenons à nos contestataires. La méthode d’abord. Sachant qu’on peut comprendre un refus de discuter avec des gens avec lesquels on est en opposition frontale sur tous les sujets, avec lesquels on n’a rien de commun, on pouvait donc se poser la question de savoir en quoi les dires de PMO étaient si mal vus par certains.

Clairement, il faut, pour pouvoir trancher, lire les analyses du groupe grenoblois et connaître leurs positionnements (1). Afin de se faire un avis éclairé. Le moins qu’on puisse dire, c’est que beaucoup de ceux qui les repoussent avec véhémence n’ont souvent pas pris le temps de savoir de quoi il retournait. Ce qui pose déjà un fameux problème. « S[i ce milieu qui conteste PMO] se prétend ‘radical’, c’est pour son verbe haut, son esthétique et ses postures ‘déterminées’, son goût du coup de poing. Rarement pour ses idées. » En d’autres termes, ce qui a de la valeur aux yeux des « nouveaux censeurs », ce n’est pas le discours tenu, ils chercheraient plutôt à adopter une posture. Exprimant qu’on est un opposant déterminé. Opposant mais sans bien savoir à quoi… du moins au départ. D’une certaine manière, c’est le symptôme d’une dépolitisation que l’on a vu s’opérer depuis quelques décennies. La critique du capitalisme s’est peu à peu effondrée et a été remplacée par un discours et des postures d’opposition qui, pour être parfois assez extrémistes avec violences verbales, violences physiques parfois, manquent singulièrement de substance. Comme si les carences dans le fond devaient être compensées, pour ceux-là, par la fermeté et l’inflexibilité dans la forme.

La marque de cette dépolitisation se constate au regard de l’adhésion au progressisme. Pour lequel il y a la gauche, la voie du progrès et donc de l’émancipation (l’avenir ne peut pas …ne pas être plus souriant et le passé ne peut être qu’infâme et ‘obscur’ ; l’avenir a ceci de préférable qu’il n’est pas encore là et l’humanité ne pourra que le construire à l’image de ses aspirations les plus nobles, …croient-ils) et la droite, la voie de la stagnation, de la défense du statu quo ou du retour aux valeurs du passé (forcément obscurantistes et/ou nauséabondes).

L’ignorance est bien la source de cette dépolitisation et de ce progressisme diffus mais bien ancré dans les rangs de ceux qui ‘devraient’ avoir l’œil un peu plus aiguisé envers le capitalisme [ qui n’est en aucun cas – faut-il le rappeler ? – un système immobile mais bien un mouvement vers l’avant, vers l’inconnu, il doit découvrir des marchés, innover dans les techniques, abandonner de vieilles idéologies pour s’en fabriquer de neuves, …en d’autres termes : changer le monde ! Ceci est même pour lui une nécessité vitale ]. Ces pseudo révolutionnaires modernes s’alignent sur les présupposés progressistes, à la façon des féministes et antiracistes de nouvelle génération et autres intersectionnalistes, qui le voient comme un ‘système figé’, ne changeant que sous la contrainte des élites éclairées (woke, c’est à dire ‘éveillé’, dit-on chez leurs maîtres à penser américains) dont ils sont la partie la plus consciente. Bien entendu. Il semble que la possibilité que leur positionnement soit un avatar du ‘vieux monde’ qu’il dénonce ne leur vienne pas à l’esprit.

Comment se fait-il, par exemple, que l’on entende dire qu’il est bon d’assister à un mouvement comme « metoo » parce que …ça va dans le bon sens ! – même si, s’empressent-ils d’ajouter, il y a aussi là dedans des aberrations. Le problème est bien que ceux-là seraient dans une acceptation béate si d’autres – plus enclins à voir la réalité en face – ne leur signalaient pas les dites aberrations. Et n’y verraient pas grand-chose à redire. Le réflexe d’accepter tout ce qui va …’dans le bon sens’ est l’axe autour duquel tournent toutes les prises de position. En fait, il s’agit bien d’un affaissement de la politisation. Les questions politiques sont abordées sous l’angle le plus « simplet » de la lutte entre la gauche progressiste et de la droite conservatrice ou réactionnaire. Ils auront à cœur de débattre pour savoir qui est dans l’un ou l’autre camp mais la conviction qu’il n’existe que ces deux camps, et surtout ces deux seuls, est bien ancrée. Il y a, certes, des différences entre ceux qui veulent aller vite vers …une « émancipation » qui devient de plus en plus étrange (2) (les plus ardents, qui se diront révolutionnaires) d’autres qui seraient plus prudents (plus réalistes devant le poids de l’Histoire, diraient-ils, et donc plus modérés). Entre eux, il n’y a, dans beaucoup de domaines, qu’un curseur …quantitatif !

De leur point de vue, metoo va dans le bon sens puisqu’il se construit contre le vieux monde de la suprématie masculine. Mais promeut-il l’émancipation ? Il est pour les progressistes interdit d’en douter. Il faudra obligatoirement passer par ce stade comme il a fallu, pour Lénine et ses amis, passer par le stade de l’élimination de la paysannerie (3). Sans parler de la dictature.  De l’industrialisation à marche forcée. On a vu les catastrophes produites par cette Marche En (En Marche) avant   …après !

L’ennui, c’est que les progressistes ne peuvent pas supporter que nous puissions analyser leur façon de se positionner politiquement comme cela vient d’être énoncé. N’ayant guère de repères pour juger de la validité d’une critique, canalisés par l’idée progressiste, ils n’y voient qu’un sectarisme de plus – on voit les autres à son image ! – qu’ils situent forcément … « à droite » !

Bien évidemment, il faut répéter que nous sommes pour la lutte contre les inégalités entre les sexes. Reste encore à penser la situation correctement. Pour agir dans le sens de l’émancipation.

Ceci étant, pour revenir à leur demande de ne pas inviter PMO, les « nouveaux censeurs » admettent que ces derniers suscitent des échos dans le milieu libertaire. On n’est donc pas dans le cas où des gens n’ont rien en commun avec les organisateurs ! Et c’est là un élément important. Il eût été judicieux qu’ils se demandent pourquoi PMO a ces échos dans le milieu libertaire ! Mais ce ‘milieu’ gauchiste opposé à PMO (entre autres) possède des ‘défenses immunitaires’ à l’égal de beaucoup de ‘partis’ dans lesquels certaines questions ne se posent pas, ne doivent pas être posées. Contrairement à ce qu’écrivait le groupe de Perpignan de la Coordination des Groupes Anarchistes ( CGA ) avant de quitter la dite coordination : « Une organisation libertaire digne de ce nom accepte le débat sans rechigner. » On ne peut pas s’étonner que ces derniers aient quitté une organisation qui avait du mal à accepter le débat sur certaines questions paraissant pourtant le mériter. Tout le problème est bien que, faute de débat, les ‘réponses’ aux questions que les gens se posent sont …toutes faites, déjà là. Et …on ne doit pas douter des réponses toutes faites !

Qu’y a-t-il donc d’ennuyeux à ce que certains libertaires (…ou pas) qui ont trouvé dans la lecture des textes de PMO des idées intéressantes et cohérentes en discutent ? Pourquoi faut-il qu’une ‘norme’ soit imposée (par qui ? avec quelle légitimité ?) sans discussion pour établir avec qui on peut discuter ? Pourquoi les croire sur paroles quand ils nous disent que ces gens sont homophobes, transphobes, etc ?

Ce qu’on peut dire d’emblée, c’est que l’attitude des censeurs tient plutôt du stalinisme que de l’anarchisme dont ils se réclament, surtout quand ces interventions se répètent et ressemblent – à s’y méprendre – au harcèlement qu’ils dénoncent, par ailleurs, bien souvent. Et ce n’est pas seulement un petit problème car le constat que font beaucoup de gens est là : ils voient dans ce type de comportement une des raisons (…une déraison ?) pour lesquelles l’audience du discours ‘révolutionnaire’ est si faible malgré toutes les révoltes en cours.

Le dogmatisme qui règne dans le milieu gauchiste dit « radical » est déjà en soi malsain, nous l’avons dit, mais, en plus – et c’est encore un autre gros problème – le discours qu’ils tiennent défiant le bon sens du commun des mortels ne permet pas d’être entendus, encore moins acceptés.

Pour en venir maintenant au fond du problème tel qu’ils l’ont posé, il faudrait faire remarquer quelque chose qui ne semble pas effleurer certains esprits, à savoir que « Il est très diffèrent de s’attaquer à des personnes à cause de leur orientation sexuelle particulière et de s’attaquer à des théories comme le queer, transgenre, etc à cause de leur prétendu potentiel émancipateur ; le premier est inacceptable, le deuxième fait parti du débat, un débat ouvert à tout le monde, par ailleurs. » La critique des idées est une chose, le dénigrement des personnes en est une autre. Il n’est pas inutile de le rappeler ici. Ça permet d’éviter des procès en sorcellerie et des textes de condamnation péremptoires. Il faut dire qu’aujourd’hui l’idée se répand à vive allure dans ce milieu gauchiste qu’il n’y a aucune différence entre les deux. Dénoncer les idées de quelqu’un équivaudrait à dénigrer la personne. Encore une preuve de l’effondrement de la critique sociale.

En demandant de renoncer à accueillir PMO, ils ont tout de même fourni quelques textes censés dissuader de produire cette conférence. C’est encore là que le bât blesse le plus. Car ces gens qui accusent le groupe grenoblois d’être confusionniste (terme extrêmement à la mode dans le ‘milieu radical’) ne se rendent pas compte à quel point les discours tenus par leurs théoriciens sont fumeux et indigestes. On y fait dix mille tours avant d’attaquer son sujet, on s’abrite derrière le jargon jargonnant pour évoquer des choses parfois simples. Difficile de voir dans ces théorisations un exemple de clarté ! (4) Comme Molière le dit si joliment, « C’est un parleur étrange, et qui trouve toujours, l’art de ne vous rien dire, avec de grands discours. »

On s’attarde maintenant sur les méthodes dont ils usent pour discréditer (dans ce cas) PMO (mais qui valent pour tout ce qui ne rentre pas dans leur moule). Ceux-ci sont qualifiés d’homophobes, transphobes, par exemple. « Parlons, pourrait dire PMO, d’eugénisme technologique ? – Non, nous ne pouvons pas car vous êtes homophobes, transphobes, masculinistes. – Parlons donc de la reproduction artificielle de l’humain ? – Non, nous ne pouvons pas car vous êtes homophobes, etc… » Et ainsi de suite. La réaction et le rejet sont obsessionnels et ritualisés. On voit bien que, selon ces gens, si l’on veut « éviter de leur donner une tribune » il ne s’agit pas de les empêcher de parler de ceci ou cela mais de les empêcher de parler …tout court !

Dans cette démarche d’exclusion, le premier pas consiste à préalablement construire des ‘péchés capitaux’ : homophobie, transphobie, etc, objets de toutes les détestations. Véritables lignes rouges. Le matériau est déjà là. N’a pas été construit par le milieu ‘radical’ mais bien ailleurs : dans des universités. Américaines le plus souvent. Quoique les universités françaises depuis quelques années s’y mettent aussi avec ardeur. « Il est des idées d’une telle absurdité que seuls les intellectuels peuvent y croire. » faisait remarquer Orwell. Constat toujours actuel. Il faut des énoncés ‘choc’ et simples, évidents. Devant lesquels personne ne pense …à amorcer de débat !

Postulat : il existe une « haine » des homosexuels, des trans. Voire des femmes. Un fait qui parle à beaucoup de gens, bien évidemment. Ces faits existent, bien entendu. À partir de ces faits reconnus, il suffit de glisser « PMO » dans le moule de ceshaines’ qui servent d’épouvantails. Comme dans toute inquisition qui se respecte : quand on est accusé, c’est qu’on est déjà peu ou prou coupable ! (5) On ne peut pas dire que ces gens soient des inquisiteurs. Nous n’en sommes pas (encore) là. Ils n’en ont pas (toujours) les moyens. Mais le climat qu’ils font régner par leurs sempiternelles dénonciations rend nécessaire, pour de nombreuses personnes, de se conformer au discours dominant si l’on ne veut pas subir leurs hargneuses et constantes diatribes. Cela s’appelle de l’intimidation. Bien au-delà du milieu dit ‘radical’ (ce qui d’ailleurs devrait les inquiéter, mais non… qu’ils soient sur la même ligne que les macronistes et autre ‘gauche en cravate’ ne leur pose apparemment pas trop de problèmes). Cette nécessaire conformité est telle que la dénonciation vaut – dépolitisation aidant – comme une condamnation ! Répétons-le l’objectif est de marginaliser, rendre inaudible. Rendre son propre auditoire captif, tel est le but recherché. Plus personne ne doit s’aviser à réfléchir à ce que PMO dit ou écrit.

Et quand les gens abreuvés auprès de ces sources gauchistes osent poser les yeux sur les textes interdits, ils s’arrêtent bien vite car le manque de bienveillance dans la lecture suscité par les interventions des ‘censeurs’ est tel que rapidement on trouve de quoi les condamner. S’attachant à un mot qui peut paraître excessif ou déplacé. Et délaissant tout le reste qui est l’essentiel (6). Littéralement, ‘on ne cherche pas à comprendre’, comme on dit dans la langue courante. On condamne ! Ceux qui parlent haut et fort et qui, de plus, en faisant meute, dénoncent d’une façon véhémente, ne peuvent qu’avoir raison sur ceux qui réfléchissent, c’est un credo souvent inconscient dans un milieu ultra gauchiste. Et très partagé. Résultat : dès que vient en tête l’idée de « PMO », suivent immédiatement les qualificatifs d’homophobes, transphobes, … et ce réflexe conditionné [ …donc acquis ! ] provoque ainsi – avant la moindre réflexion – un profond dégoût.

Comme dans les universités américaines, pour ces censeurs, il est admis de ‘discuter’ (les guillemets sont ici indispensables) mais à condition de ne pas mettre en cause des positions intouchables. Surtout ne pas ‘juger’, ne pas critiquer certaines idées – la transgression a des limites ! – ce serait là faire preuve d’hostilité, de dénigrement et enfin – stade suprême ! – de discrimination envers ceux qui les exposent. Notez bien qu’il ne s’agit pas de mettre en cause comme on l’a déjà dit – des gens pour ce qu’ils sont …mais les positions qu’ils ont ! Ce qui signifie tout simplement qu’il est exclu de discuter… sauf si on est d’accord ! Cela conduit à une très singulière conception de la discussion ! Le corollaire étant, évidemment, que si quelqu’un s’avise à transgresser ces frontières de ce qu’on est autorisé (…par qui ?) à dire alors il doit être dénoncé, harcelé et poursuivi. Parfois pire ! Un peu comme dans les plenum du PCUS aux temps de Staline, on peut discuter à condition d’être dans l’étroit sillage indiqué par la direction du parti. Sinon …gare !

Cette posture relève de l’art de l’exclusion et de la manipulation plutôt que de l’étude critique.

On peut se demander si Censurer et interdire’ ne devient pas un principe fondamental du gauchisme contemporain. Car c’est une chose de dire : « nous pensons qu’ils sont homophobes et nous discuterons afin de convaincre le plus grand nombre avec nos arguments » (attitude qui est bien sûr tout à fait permise ! Quand on pense qu’il y a nécessité de débat, il faut débattre) et c’en est une autre de dire : « ces gens-là sont homophobes, etc… et nous ferons les pressions nécessaires afin qu’ils n’aient pas de tribune pour s’exprimer. » Dans ce second cas, on refuse tout débat. Nous répétons qu’il est licite d’éviter de débattre avec des gens envers qui on a de l’hostilité, c’est entendu. Mais pourquoi ne pas laisser les autres débattre puisqu’on admet qu’ils ont « un écho dans le milieu libertaire » ?

Ce qui commence à devenir dramatique avec les comportements ‘exclusifs’ (= d’exclusion) du ‘milieu radical’, c’est précisément que le principe du débat, de la discussion contradictoire a maintenant du mal à être admis. Cela ne va plus de soi. (7) L’horizon politique devient …la foule desmonades’, individus isolés tous persuadés d’être dans la juste voie et convaincus que les autres ne peuvent que se tromper lamentablement !

On comprend bien qu’on laisse alors sur le carreau beaucoup de gens – révoltés par le monde tel qu’il va – qui seraient tout disposés à entendre des arguments mais pas à s’en laisser imposer. « Tout homme veut comprendre ; personne qui n’ait ce désir. Mais nous ne voulons pas tous croire. » écrivait Saint Augustin qui s’y connaissait dans ce domaine. L’exemple des Gilets Jaunes est à cet égard exemplaire. Le sectarisme des groupuscules gauchistes joue un rôle inhibiteur sur le mouvement social. Et ce n’est pas son moindre défaut !

Pour beaucoup de détracteurs de PMO, être ‘recevable’ signifie être d’une pureté idéologique exemplaire, immaculée. (Doit-on préciser qu’il s’agit de leur idéologie ?) Pureté acquise comment ?… Spontanément ? Telle la Grâce divine tombant du Ciel ! De cette façon, ils peuvent penser qu’il n’est plus utile de débattre ni de convaincre, il suffit d’interdire à ceux qui ne sont pas d’accord de s’exprimer et (éventuellement) de les expulser manu militari. (7) Jusqu’à avoir place nette. Qu’importe s’ils ne restent au bout du compte …qu’eux-mêmes, une poignée de purs !

(1) http://www.piecesetmaindoeuvre.com/

(2) On lira par exemple dans a revue de la Coordination des Groupes Anarchistes que « l’abolition du genre est une perspective anarchiste ». En marche ! En avant !

(3)C’est une autre histoire, tout aussi pénible, pas sans lien avec la nôtre, à laquelle on pourrait consacrer un article ou même un livre entier. D’ailleurs, on peut lire sur ce thème : Lénine face aux moujiks [1], par Chantal de Crisenoy, édition de la lenteur.

(4) « On constate que, dans les centres occidentaux de la gestion globale, des discours critiquant le dit « système », se développent, au fil du processus capitaliste de crise. Un discours écologiste dit « radical », ou « intégral », ou même « décroissant », pourra développer cette critique. Mais précisément, le développement et l’aggravation de la dissociation-valeur, comme on l’a vu, produit aussi progressivement le refoulement de cette dissociation. Dans le même temps où ses structures assignantes et réifiantes radicalisent la scission, cette scission devient toujours moins consciente pour les individus. C’est ainsi qu’une certaine pseudo-critique du système, totalement hébétée, insérée pleinement dans la religion fétichiste-marchande du quotidien, pourra prétendre « remettre en cause » la modernité, dans le même temps où elle s’appropriera pleinement et absolument ses catégories les plus explicitement destructives et morbides. » ou encore « C’est seulement par l’abolition du droit formel capitaliste, incluant l’abolition de la dissociation sexuelle-patriarcale de la valeur, que cette égalité réelle se laisse envisager. » Que voilà des clartés bien obscures ! Ceci est un extrait d’un texte dont la lecture tendrait à prouver (entre autres) l’homophobie de PMO !

http://benoitbohybunel.over-blog.com/2016/11/une-ecologie-naturaliste-tendanciellement-patriarcale-homophobe-et-transphobe-pierre-rabhi-pieces-et-main-d-oeuvre-thierry-jacaud.ht

(5) Il est des crimes si énormes qu’il est hors de question de prendre le temps de prouver la culpabilité de ceux qui en sont accusés. Telle semble être la logique implacable qui anime la gauche contemporaine. Entre l’extrême gauche ‘anarchiste’ et les plus ‘modérés’ il n’y a que des différences de degrés. Et même au-delà de la gauche, on pratique cet art de l’accusation et de la persécution puisqu’on voit bien des gens animés par ce genre de mouvement délirant. Parmi les macronistes notamment. Haro sur le baudet !

(6) Dans un texte de PMO intitulé « Ceci n’est pas une femme » certains commentateurs se sont horrifiés de lire à maintes reprises l’expression : « les tordus queer », et y trouvent une insulte ‘ personnelle adressée à ceux-là. Une lecture plus attentive leur aurait permis de se rendre compte qu’il ne s’agissait pas de ça. L’inversion du stigmate (comme utiliser le mot ‘nègre’ dans la lutte antiraciste, par exemple par les écrivains de la négritude : Senghor, Césaire,…) est une réalité chez les ‘queer’ car ‘queer’ signifie bien ‘bizarre’, ‘étrange’ ; et ‘tordu’ est en fait de la même racine étymologique que ‘queer’. C’est ce qui est expliqué dans le texte. Dans la même veine, qui clamerait que ‘punk’ est une insulte si l’on sait que cela signifie ‘voyou’, ‘ minable’ !

(7) On rappelle la destruction de l’étal de la revue ‘la Décroissance’ à Bure lors d’un rassemblement anti nucléaire par des gens qui les qualifiaient – toujours même son de cloche ! – d’homophobes, transphobes, etc. Il y eut aussi d’autres hauts faits de ces contempteurs du débat : entre autres, à Lyon où une troupe de fiers à bras a empêché Alexis Escudéro de présenter son livre sur la Reproduction Artificielle de l’Humain.

saccage du stand de « la Décroissance » à Bure

 

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Nous avons le plaisir de recevoir Le groupe Pièces et Main d’œuvre le

Samedi 28 mars 2020 à 17h 30 au café le Cristal (angle des allées Paul Riquet et place Jean Jaurès) à Béziers.

Reproduction artificielle, manipulations génétiques

Contre l’eugénisme technologique

Conférence & débat avec Pièces et main d’œuvre

En novembre 2018, le chercheur chinois He Jiankui annonçait avoir produit deux enfants génétiquement modifiés. En Russie, son collègue Denis Rebrikov attend l’autorisation du ministère de la santé pour l’imiter. (Cf. Le Monde 8 janvier 2020) Dans le monde entier, les laboratoires de génétique travaillent plus ou moins discrètement, à l’avènement du surhomme génétiquement modifié ; dans l’attente d’une énième loi de « bioéthique » pour « encadrer », c’est-à-dire légaliser, le fait accompli. Aussi Le Monde diplomatique de janvier 2020 est-il contraint d’alerter ses lecteurs dans une page consacrée aux « riches génétiquement modifiés », sur l’émergence d’une disparité entre les « nantis », dotés d’un génome sain (voire « amélioré »), et des « ensembles régionaux, culturels et socio-économiques – généralement les plus fragiles. » La solution pour les techno-progressistes du Monde diplomatique réside évidemment dans la prise en charge par les assurances sociales de la reproduction artificielle de l’humain (tests et FIV) : c’est-à-dire l’eugénisme pour tous et toutes.

Qui dit produit, dit contrôle qualité, amélioration du produit et des procédés de production. Diagnostic pré-implantatoire, tri des gamètes et des embryons, séquençage génétique à haut débit, puis production de gamètes artificiels et d’embryons génétiquement modifiés – toutes ces innovations figurent dans la loi de « bioéthique » en cours d’examen. Remplacer le hasard de l’engendrement par le choix des caractéristiques de l’individu à venir, tel est le projet du transhumanisme qui en a fait un slogan – From chance to choice – et de l’eugénisme, son vrai nom.

Ainsi, le « darwinisme social » dénoncé jadis par la gauche au nom de l’égalité, s’actualise grâce au « darwinisme technologique » qu’elle réclame au nom d’une fausse égalité. Comme établi par l’historien André Pichot (Cf. La société pure. De Darwin à Hitler. Flammarion, 2000), loin que l’eugénisme menace les technologies de ses « dérives » funestes, il en est au contraire le mobile et le moteur. C’est l’eugénisme, un racisme issu des laboratoires, qui suscite les recherches en génétique et « procréatique » afin d’accomplir ses projets de « race pure » et « supérieure ».

Ce crime contre l’humanité, que ses promoteurs travestissent en pseudo-égalitarisme et en émancipation, s’accomplit au moyen de son artificialisation et de la production d’enfants en laboratoire. Mais la rançon de l’émancipation du vivant et des contraintes naturelles, c’est la soumission aux contraintes techniques du monde-machine, et au pouvoir des machinistes.

Qui veut défendre l’espèce humaine doit refuser l’appropriation par les biocrates experts, du droit naturel à la reproduction sexuée, libre et gratuite, ainsi que la sélection et la modification génétique de l’humain.

C’est de quoi il sera question dans le débat qui suivra l’exposé.

Publications récentes de Pièces et main d’œuvre :

Alertez les bébés ! Objections aux progrès de l’eugénisme et de l’artificialisation de l’espèce humaine (2019), sur www.piecesetmaindoeuvre.com

Manifeste des Chimpanzés du futur contre le transhumanisme (Ed. Service compris, 2017)

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printemps 2020   

« Ce qu’il y a de plus difficile à apprécier et à comprendre, c’est ce qui se passe sous nos yeux. » 

Tocqueville

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…la PMA pour toutes.

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En quelques années et après la loi l’autorisant, le mariage pour les homosexuels s’est imposé, a recueilli l’assentiment de beaucoup de gens. Et maintenant la voie est ouverte à la Procréation Médicalement Assistée (PMA) pour toutes et, pour plus tard, la Grossesse Pour Autrui (GPA) au ‘bénéfice’ de tous les couples.

On se fait croire que, sous couvert d’égalité entre couples hétérosexuels – qui ont légalement droit à la PMA en cas d’infertilité – et couples homosexuels qui sont par nature infertiles, il faudrait légaliser cette dernière pour toutes les femmes. Et on oublie, avec une grande désinvolture, que ce ne sont évidemment pas les couples homosexuels qui deviennent par miracle fertiles mais la biotechnologie qui fabrique des enfants qui ne sont pas ceux des parents officiellement reconnus comme tels, c’est à dire les femmes qui les ont voulus – mais d’autres dont les spermatozoïdes auront servi à cette opération. En quelque sorte, en un tour de passe-passe digne d’un bon prestidigitateur on fait passer les enfants d’un homme et d’une femme pour les enfants de deux femmes. Et ce, pour légitimer le désir d’enfant de deux femmes homosexuelles. Car le désir d’un individu doit passer avant toute autre considération dans le monde qui est devenu le nôtre. Comme le dit Marie-Jo Bonnet (Les gouines rouges, FHAR) : « La société est devenue un agrégat de consommateurs dont certains ont assez d’argent pour se payer l’impossible : avoir un enfant sans l’autre sexe. »

Par quel miracle un tel délire s’installe dans tant de têtes. Qui plus est, d’une façon irrémédiable. Car tout ceci est posé comme obligatoire puisqu’il s’agit du sens même de l’Histoire, nous dit-on. Et la « roue crantée du progrès » ne permet plus de retour en arrière. On peut certes revenir sur les ‘trente cinq heures’, l’âge et les modalités de la retraite mais pas sur le « mariage pour tous » ni sur la « procréation médicale assistée pour toutes » ! il y va du sens de l’histoire, attention ! Celle-ci ne saurait opérer de retour en arrière. On nous le dit si souvent, cette idée est si ancrée dans les têtes malléables dans nos temps cramoisis qu’on voit mal comment s’exprimer encore pour susciter un peu la réflexion de la foule progressiste …‘en marche’ !

Pour éviter une ambiguïté toujours possible, précisons que ce qui est gênant au plus haut point ici est la dissolution du réel dans un charabia idéologique des plus inconséquent.

Il n’y a pas – pour nous – une Nature intouchable de toute éternité qu’il faudrait respecter à tout prix et la ‘vilaine’ technologie qui contribue à la détruire. La technique a toujours été présente dans l’aventure humaine. Mais dire aujourd’hui que deux femmes homosexuelles sont (seulement) socialement infertiles, comme le disent certaines néoféministes, et pas biologiquement infertiles est un discours mensonger (volontairement ou involontairement, selon les cas) ; la réalité est qu’elles ne peuvent enfanter que grâce à la technologie et au Droit qui légalise l’apport technologique sans lequel rien de cela ne serait imaginable. Le fait d’en venir à instaurer une fertilité imaginaire entre deux femmes porte atteinte à des constructions mentales ayant cours depuis des millénaires comme le lien entre la différence des sexes et l’enfantement. Et cette atteinte est d’autant plus grave qu’on [les néoféministes, les LGBT, le gouvernement Macron et une part importante de la population résignée aux avancées progressistes, et qui a abouti à se dire : « finalement, pourquoi pas ?… » ] clame que si ‘la PMA pour toutes’ restait interdite ce serait une atteinte à un ordre qui va de soi. Cet ordre étant – qui plus est – tout à faitscientifique’, selon le mot de B.P. Preciado.

« Dans cette nouvelle conception de la lutte contre les inégalités, les différences sexuelles dans le processus de procréation, le fait de pouvoir ou non porter et mettre au monde un enfant peuvent être considérés comme une inégalité fondamentale entre les femmes et les hommes, entre les lesbiennes et les homosexuels, sans parler des «trans» et des «bi». À la limite, certains pourraient penser qu’une procréation, une gestation et une naissance qui seraient totalement désincarnées mettraient tout le monde sur un même plan d’égalité. » écrit Jean-Pierre Le Goff. Celui-ci voit plus loin que la plupart des partisans de la PMA pour toutes. Il s’agit bien de cela à terme : trouver une solution technologique aboutissant à l’abolition des sexes : gamètes unisexes et utérus artificiel.

« Je ne viens pas de ta côte mais tu viens de mon utérus » signé : Chatte

Le rêve pourrait donc se transformer en réalité, les thuriféraires de la PMA pour toutes ne supportant pas que la réalité contredise l’idéologie. Quand on lit de la plume de Béatriz (Paul) Preciado (1), que « en terme biologique, affirmer que l’agencement sexuel d’un homme et d’une femme est nécessaire pour déclencher un processus de reproduction sexuelle est aussi peu scientifique que l’étaient autrefois des affirmations selon lesquelles la reproduction ne pouvait avoir lieu qu’entre deux sujets partageant la même religion, la même couleur de peau ou le même statut social » on ne peut que tomber de sa chaise. Les billevesées les plus extravagantes passent aujourd’hui, et dans des milieux de plus en plus vastes, pour des originalités brillantes pourvu qu’elles aillent dans le sens de l’Histoire proclamé par certains. « Il est des idées d’une telle absurdité que seuls des intellectuels peuvent y croire. » écrivait Orwell. Tant il est vrai que ce sont des intellectuels qui ont été les premiers touchés par la grâce de ces très fumeuses théories. N’y aura-t-il aucun petit enfant qui, entendant ces flots d’absurdités, dira : « …le roi est nu ! », confondant ainsi la foule des idolâtres ? Mais « de tous les conformismes, le conformisme du non-conformisme est le plus hypocrite et le plus répandu aujourd’hui » disait Vladimir Jankélévitch en 1987. On peut dire qu’aujourd’hui en matière de non conformisme on crève le plafond et le peuple est nombreux à bêler en troupeau pour donner son accord rebelle, passionné et surtout …bien pensant ! « C’est tellement plus ‘fun’, n’est-ce pas ? » disent-ils (illes, faudrait-il écrire pour être dans le vent) tous en cœur.

Pourquoi donc serions-nous avec la PMA pour toutes les femmes (1) dans le fameux sens de l’Histoire ? C’est une question qu’on peut se poser puisque c’est la réponse et le sentiment les plus fréquents que l’on a chez ceux qui acquiescent à cette plongée dans l’inconnu.

La direction avait été donnée il y a déjà longtemps avec la pilule anticonceptionnelle qui autorisait une dissociation entre l’acte sexuel et l’enfantement. Bien entendu, rapidement, l’opposition fit rage entre ceux qui criaient au progrès – toujours prétendu inévitable (comme aujourd’hui) – ouvert par la technologie des moyens contraceptifs et ceux qui vociféraient contre l’effondrement de l’ancien mode de vie. Du moins, c’est ce que ces derniers clamaient. Car, comme les plus avisés le faisaient remarquer à l’époque, d’une manière très naturelle, les rapports sexuels n’impliquent pas toujours l’enfantement. S’il faut un rapport pour avoir un enfant, le fait est que les rapports sexuels ne sont pas toujours fertiles. Et loin s’en faut. Le plaisir sexuel est indépendant de l’enfantement, il n’y pas de lien entre la fécondité et le plaisir. C’est ainsi chez les humains ; apparemment pas chez les autres animaux pour lesquels un processus pousse souvent le mâle à la copulation au moment seulement où la femelle est féconde (2). La pilule ne fait finalement que se mouler dans cette dissociation en diminuant le taux de rapports féconds ; ça allait finalement dans le sens voulu mais ne contredisait pas radicalement un processus selon lequel les hommes et les femmes recherchent le plaisir sexuel. Dans toutes les civilisations on savait ce que la sexualité avait de particulièrement jouissif. C’est précisément pour cette raison que certaines religions ont voulu canaliser cette pulsion qui poussent les femmes et les hommes à l’accouplement. En sorte que ceux qui, à l’époque, s’opposaient – et ceux qui s’opposent toujours – à la contraception se basent essentiellement sur des postulats de nature religieuse. Ou au moins morale. Les religions monothéistes issues du judaïsme, par exemple, ont particulièrement réprimé la sexualité pour n’en retenir que la procréation à laquelle elle donnait lieu. Le mariage, selon ces conceptions, donne droit à la copulation (3) et la copulation doit se faire seulement dans ce but d’aboutir à l’enfantement.

Qu’avons-nous avec les féministes, les LGBT et les progressistes d’aujourd’hui ? Les constructions sont totalement arbitraires chez eux puisque le but est que les couples de femmes homosexuelles soient amenés à la fertilité. Ce qui n’a évidemment jamais été le cas et ne l’est toujours pas. On admire les distorsions de langage pour ne pas dévoiler le pot aux roses. Non, ce n’est pas l’enfant de ces femmes,biologiquement mais …d’intention. Ah, l’intention suffit pour enfanter ! On se gausse de mots. Ce n’est pas seulement l’intention, c’est surtout la biotechnologie qui permet ce qui est en train de se faire, à savoir la possibilité d’une grossesse à un couple de femmes homosexuelles ou à une femme seule alors que cet enfant a été conçu – non pas le plus naturellement du monde, certes – mais …à partir d’un gamète mâle et d’un gamète femelle. Et non pas de deux femmes ! De même pour les femmes seules auxquelles il sera loisible d’avoir un enfant …toute seule, elles vont devoir croire que l’enfant n’a pas de père alors que celui-ci existe bel et bien mais il est enlevé, gommé purement et simplement de la réalité sociale manipulée par ces croyants au ‘Meilleur des Mondes’.

Il faut noter ici un aspect important que l’on n’a pas encore évoqué. Le problème de l’eugénisme. Certains – parmi lesquels des médecins – disent que les couples d’homosexuelles ne demandent en rien l’eugénisme. Ils ne demandent pas des enfants selon leurs goûts mais seulement des enfants. Ce qui devrait rassurer ceux qui, au contraire, y voient une évolution, une porte ouverte dans ce sens de l’eugénisme. Et c’est sans doute vrai. Mais ce qui pose problème, et que ces médecins ‘compatissants’ ne veulent pas voir, c’est que, dans les pays les plus avancés, les plus libéraux, on en est déjà à l’eugénisme puisqu’on peut choisir un enfant comme ci ou comme ça, presque à la carte en fouillant dans l’ADN. La voie est donc tracée si l’on en croit ceux qui sont partisans de la PMA pour toutes sous prétexte que …ça se fait ailleurs ! Et c’est ce refus de voir que la porte est ouverte dans ce sens-là qui constitue de l’aveuglement. Le professeur Testard confie que : « La PMA est intrinsèquement liée à la sélection et donc à l’eugénisme : dès lors qu’on choisit un donneur, il faudrait vraiment être idiot pour retenir un alcoolique ou un homme ayant des antécédents familiaux chargés. » Et ceci n’est qu’un premier pas car il ajoute : « Si la PMA est ouverte en dehors des indications médicales [et c’est l’objectif aujourd’hui], les gens voudront la PMA non plus seulement pour avoir un enfant, ce qu’ils peuvent faire naturellement, mais pour avoir tel enfant : garçon ou fille, comme aux Etats-Unis, ou avec un certain QI comme en Chine. La PMA non thérapeutique signifie donc la sélection des individus et, comme on choisit toujours bien entendu les meilleurs, l’eugénisme. » On en est réduit par la logique qui nous amène toujours plus loin à aller vers l’eugénisme. Beaucoup ne veulent pas voir mais – ce qui est encore moins rassurant – d’autres en sont conscients et n’y voient pas de problème.

Autre question pour terminer : Est-ce que tout le monde dans le camp des partisans de la PMA pour toutes est dupe ? Soyons sûrs que NON. Évidemment, il y a les abuseurs abusés que sont les militants pour la Cause qui se feraient croire n’importe quoi pourvu que ça corresponde à leurs désirs. Il faut dire que le refus de considérer que les processus naturels existent – pensée qui est le B A BA de la politique du féminisme le plus moderne – est la porte ouverte à tous les délires. Rien à voir avec ces féministes qui, réunies en Congrès Mondial en 1987, refusaient avec insistance, les considérant comme des aliénations majeures, le recours aux techniques de la PMA et de la GPA (4). Comme le dit Matthiew Crawford : « Le progressisme devient alors une guerre contre le concept même de réalité – ce qui n’est pas choisi et qui existe indépendamment de nos désirs et je pense que c’est au cœur de la politique du genre. » Bien sûr, si ‘on ne naît pas femme et [qu’]on le devient’phrase de S. De Beauvoir que les néoféministes à la Judith Butler ont attrapée au vol et usée jusqu’à la cordealors on peut admettre que le sexe des individus est arbitraire et donc peut être choisi. Ce qui nous amène encore plus loin avec les transgenres qui, eux aussi, se font croire qu’ils ont vraiment changé de sexe. À suivre.

Mais revenons aux abuseurs qui, eux, ont toujours les pieds sur terre : tous nos politiciens libéraux – Macron et les macronistes en tête – savent bien que tout l’intérêt de ces gesticulations mentales (5) réside, entre autres, dans le rapatriement en France des opérations qui se font dans les cliniques belges, espagnoles, etc. Le cynisme est de rigueur ! Tout ceci « coïncide avec la domination de l’idéologie ultralibérale qui pose que la nature et le rythme des sociétés doivent se plier aux lois absurdes autant que nihilistes du changement pour le changement, de l’économie de profit (bouger pour survivre, muter pour bouffer l’autre) » (6). En ce sens, de juteux profits sont prévisibles par la promotion des idéologies néoféministes et transidentitaires. Pourquoi se priver ? Les libéraux n’ont rien à perdre : seuls quelques vagues ‘conservateurs’ voudront lutter contre la loi. Mais l’air du temps n’est pas chez ceux-là. Le progressisme règne en maître et a imposé sa marque. Sauf que sous le progrès sociétal c’est …la régression sociale, humaine. Et on est loin de la question primordiale que se posait Orwell : «  il faudrait se demander : ‘cela me rend-il plus humain ou moins humain ?’ » Aujourd’hui l’humain est superflu si l’on en croit les adulateurs de ce néoféminisme, alors… ! La PMA pour toutes, c’est le progrès proclamé incontournable pour tous – de la droite libérale aux pseudo anarchistes (7) – en passant par tout l’éventail de la gauche abusée (8). Pendant ce temps, les promoteurs se frottent les mains sur les bénéfices et la ‘croissance’ qui se trouve au bout de la mise en place de ces lois sur la PMA – d’où suivront bientôt celles sur la GPA. Et évidemment, en toile de fond, les initiatives transhumanistes qui montrent le bout du nez. Sarko nous a fait déjà le coup avec le fameux « gisement de croissance » qui résidait selon lui dans la défense de l’environnement. Ah, la croissance, les libéraux n’ont même plus à y faire allusion aujourd’hui : la PMA pour toutes – et tout le reste qui suivra – c’est bon pour la croissance. Mais …ni la croissance ni la PMA pour toutes ne sont bonnes pour les humains.

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Note1 : transsexuelle, femme devenue homme et apologiste de la ‘fluidité de genre’ (gender fluid). Faiseuse d’articles dans le quotidien ‘Libération’ qui ne mérite en rien son nom. Considérée dans Le Monde comme la « Galilée de la sexualité ». Galilée doit se retourner dans sa tombe !

En fait, la loi est faite pour répondre à la demande des lesbiennes et des femmes seules qui la demandent. Certaines d’entre elles allant en Espagne ou en Belgique tenter une PMA autorisée là bas.

Note2 : Peut-être est-ce bien là une spécificité humaine… ou des primates – car on dit les chimpanzés et surtout les bonobos particulièrement enclins à la copulation. Pour le plaisir.

Note 3 : Mais sans qu’on s’abandonne …à la chair ! Bien entendu.

Note 4 : Voir la revue « Inventaire » n° 7. Ou bien directement en anglais : Réseau féministe international de résistance aux techniques de reproduction et à l’ingénierie génétique, déclaration de Comilla, Bengla Desh, 1989. http://ubinig.org/index.php/campaign/printaerticle/23/english

Note 5 : « La régression infantile, politique et infra éthique, où le bonheur consistera à consommer la réalisation des pensées magiques et des délires narcissiques sous la forme de produits marchands bien emballés. » Fabien Ollier « L’homme artefact »

Note 6 : Fabien Ollier « L’homme artefact »

Note 7 : « Quant aux traqueurs de la ‘domination sous toutes ses formes’, équipés de détecteurs d’homophobie, de racisme, de sexisme, de fascisme et de toutes sortes d’infamies dont ils accablent leurs contradicteurs, ils ignorent la domination la plus massive et la plus universelle de l’époque, celle de la technocratie, sans doute trop puissante pour être captée par leurs radars ‘micro-politiques’ » Pièces et Main d’œuvre, Manifeste des chimpanzés du futur contre le transhumanisme. 

Note 8 : voir l’excellent livre d’Alexis Escudero : « La Reproduction Artificielle de l’Humain ».

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