Wokisme et transhumanisme
« Ceux qui décideront de rester humains et refuseront de s’améliorer auront un sérieux handicap. Ils constitueront une sous-espèce et formeront les chimpanzés du futur. » Kevin Warwick, transhumaniste.
I. féminisme, néo féminisme, wokisme :
Partons du féminisme « classique » pour commencer car le féminisme des wokes (éveillés) d’aujourd’hui a, entre autres, des origines de ce coté-là, malgré tout. Depuis que la condition des femmes s’est considérablement rapprochée de celle des hommes, le féminisme « traditionnel » a comme objectif que les représentations mentales et les conditions pratiques de vie des unes et des autres s’alignent progressivement. Droit sociaux, droits politiques (droits de vote), égalité de traitement, etc. Mais « le féminisme qui était un mouvement terre-à-terre, pratique, ancré, proche des réalités des femmes, a évolué vers un féminisme universitaire, intellectuel, théorique, conceptuel et idéologique qui a perdu pied avec la réalité. » [1]
Quand Simone de Beauvoir dans les années 1940, écrivait : « on ne naît pas femme, on le devient », elle signifiait que la femme acquérait des manières, des modes de pensée qualifiés de féminins durant son éducation pendant sa jeune vie sociale ainsi que tout au long de sa vie. Elle combattait l’avis très partagé en ce temps que les comportements féminins (= la féminité) était innés (= naturelle = on naît avec) elle suggérait donc que cette féminité ne provenait pas des gènes mais de la société. Cependant, ça ne signifiait aucunement que ce que les néoféministes d’aujourd’hui appellent le « genre » féminin était un choix et n’entretenait aucun rapport avec le sexe biologique comme le clament ces dernières. Elle pensait au contraire que le genre (féminin), = la construction sociale de la femme, s’édifie à partir du donné biologique (féminin).
« Aujourd’hui en France, la sphère des universitaires et des intellectuels « féministes » s’aligne de plus en plus sur [la néo] Judith Butler et définit ce qu’est une femme en fonction de la notion de genre, plus [vraiment] en fonction de la notion de sexe. » [1] * Le genre qui est le sexe « social » y est considéré comme fluide, en tout cas délié du corps. Les néos considèrent que le sexe est « assigné arbitrairement à la naissance ». Qu’il faudrait au contraire que ce soit l‘individu qui décide de son genre, celui-ci étant une sorte de sexe… « spirituel ». Car on est parfois né « dans le mauvais corps », …disent-ils. 00
Une même théorie englobe le féminisme, la lutte homosexuelle et bien d’autres idéologies. Les wokes parlent d’une identité fluide, mouvante qui va de l’avant, vers le progrès. Une liberté, un « droit » (à conquérir) qui est un refus de toute tradition, de toute pensée déjà là, et même de tout corps déjà là. Le féminisme woke rejoint le combat des homosexuels et bien d’autres. L’important étant qu’une femme, un ou une homosexuel(le) font partie des dominés et s’opposent aux hommes et aux hétérosexuels considérés comme dominants.
Cette « décision » d’adhérer à tel ou tel sexe ne relève pas d’une instance comme le libre arbitre, elle est très changeante ! Pour le « queer », incarnation de cet individu à l’identité sexuelle mouvante, tout doit être déconstruit afin de tout reconstruire. De sorte que le néoféminisme woke (lié aux LGBTQIA+) se présente non comme un mouvement de défense des femmes, mais bien plus largement comme un mouvement de contestation politique. Et donc aussi contrairement à l’homosexualité qui est une orientation sexuelle, être queer est avant tout une identité politique. C’est contester ‘l’hétéro-normativité’, la norme cisgenre et hétérosexuelle.
Dans « Il y a deux sexes » publié en 1995, la féministe (ancienne version) Antoinette Fouque explique déjà qu’il est urgent « d’élaborer une théorie de la génitalité avant que la différence des sexes ne disparaisse dans le mouvement queer et l’indifférentialisme féministe ». [1] Prémonitoire ! La génitalité ? L’idée qu’une femme, c’est d’abord un sexe (biologie). L’indifférentialisme féministe, c’est ce que nous côtoyons tous les jours en 2025. La femme, l’homme ? aucune différence puisqu’on a des hommes trans qu’il faut considérer comme femmes sous peine d’être qualifié de transphobe voire d’être poursuivi par les tribunaux, et des femmes trans dont on doit admettre qu’elles sont des hommes pour les mêmes raisons. Il est, par ailleurs, suggéré d’utiliser le pronom « iel » (contraction de il et elle) pour ceux qui se réclament des deux sexes ou d’aucun des deux.
Les féministes et les néo du type Caroline De Haas (qui a fondé « Osez le féminisme »), ou la plupart des américaines ont peu à voir. Distinguer les deux n’est pas pinailler. Il y a clairement dans la cause néo féministe une position qui dépasse largement la cause des femmes. Caroline de Haas, par exemple, refuse de défendre les femmes qui se sont fait agresser à Cologne le jour de l’an 2016 parce que les agresseurs sont des étrangers non européens. Les innombrables néoféministes anglaises n’ont pas levé le petit doigt pour défendre des milliers de fillettes et d’adolescentes anglaises de la classe ouvrière qui ont été prostituées, violées, frappées et massacrées, par des gangs pakistanais en Grande Bretagne. La dimension antiraciste impose aux néos des priorités que les féministes n’avaient pas. Dans un autre registre, les néos combattent ardemment les TERF (= trans exclusionnary radical feminist), entendre celles (et ceux) qui mettent en avant qu’une femme est définie par son sexe et pas par son seul genre. Les néo et trans combattent vigoureusement les féministes (ancienne version) pour cette raison (voir le cas de J.K. Rowling). Les néos veulent obstinément autoriser les trans H>F dans les compétitions féminines, les toilettes, les vestiaires et les prisons pour femmes, etc ; et, au passage, exclure les « déviants » TERF de toute vie sociale (cancel culture) car le wokisme, sous prétexte de chercher à inclure (les minorités), exclut à tour de bras.
Cette contestation globale est incluse dans un corpus qui se veut politique, le wokisme ** : le néoféminisme, dit « intersectionnel », impose la prise en compte d’autres combats – dont la compatibilité est souvent difficile – : antiracisme, décolonialisme, transsexualisme, etc. Nous avons, ici, abordé le wokisme par le néoféminisme mais on aurait pu le faire par l’antiracisme, le décolonialisme,… et d’autres luttes wokes contre les … « dominants » ! la marque même de cette idéologie, c’est l’existence de « dominants » et de « dominés » identifiables et compartimentés. Le type accompli – qui coche toutes les cases ! – du dominant est le mâle blanc, hétérosexuel, de plus de 50 ans. Impardonnable d’être ce qu’il est ! Pour le wokisme, tous les hommes sont des violeurs en puissance, la société occidentale est même une société du viol (dixit Caroline de Haas) ! De même, la société occidentale est raciste (systémique), homophobe, transphobe, validiste, grossophobe, glottophobe, âgiste, etc.
II. Transhumanisme.
Y. N. Harari [2] considère que l’humain n’a pas le libre arbitre qu’il est coutume de lui attribuer – dans la tradition culturelle occidentale, c’est l’instance qui permet de distinguer le Bien du Mal, le Vrai du Faux, et de décider. Il affirme, en évoquant comme source des expériences scientifiques, que ce ne sont que des « déterminismes » qui poussent l’humain dans ses pensées et dans ses actes …et rien d’autre ! Que « le moi n’existe pas ». Cette instance est une illusion, écrit-il. De quoi s’agit-il ? Caricaturons : une épouse jalouse tue son mari. C’est l’émotion avec tous ces processus chimiques organiques qui a accompli le geste [le « sang chaud », l’émotion] et non son libre arbitre [le « sang froid », la réflexion]. Tous les tribunaux savent cela. Rien de neuf. Mais comme nous sommes en permanence exposés à des processus chimiques qui bouillonnent dans nos cerveaux, nos muscles, etc… – mais aussi aux multiples déterminations du milieu où l’on vit : la culture, la propagande, les informations venant de partout, et les manipulations de toutes sortes,… – Harari considère qu’en dehors de ce bouillonnement continuel de processus qui nous dépassent il n’y a rien, que nulle part l’individu reçoit, analyse, choisit, évalue le vrai et le faux, le bon et le mauvais. L’esprit n’est, dès lors, selon lui, qu’une illusion. De tout temps, on savait que les humains étaient poussés par leurs… passions (anciens mots pour …des processus comme les passions amoureuses ou les passions politiques) ! La différence ? Harari admet que l’instance qui délibère, évalue et tranche en optant pour tel ou tel comportement n’existe pas. Pour Harari, « selon le dogme biologique actuel, les émotions et l’intelligence ne sont que des algorithmes. » **. Ce terme, très utilisé en informatique, n’est pas pris au hasard. Dans un algorithme il n’y a aucun choix, aucune réflexion. C’est un processus fait d’un ensemble d’opérations biologiques, chimiques, physiques mais aussi sociales et culturelles qui s’enchaînent « mécaniquement » pour atteindre un résultat.
Avec la technologie, cependant, on peut fabriquer des algorithmes purement informatiques particulièrement bien faits quand nourris de suffisamment de « données » [‘datas’ en anglais] qui permettent finalement, par exemple, d’en savoir même plus sur nous que nous ne le pourrions nous-mêmes directement. Certains s’en réjouiront, d’autres s’en alarmeront. « Remplacer la décision aléatoire et subjective des hommes par celle, rationnelle et objective, des calculateurs : tel est le rêve cybernétique. Gaver la machine de toutes les données disponibles, elle crachera la seule meilleure solution techniquement possible. » [3] Techniquement !
Des ordinateurs ont vaincu les plus grands champions d’échecs ou de jeu de go. Les possibilités de la machine ont dépassé les capacités humaines, même celles des humains les plus capables. Chez les transhumanistes la foi en la technologie est totale et l’idée centrale devient, par conséquent, de fabriquer un « humain …augmenté », hybride homme-machine, car il convient de se référer à ces outils sur-performants plutôt qu’à l’avis des humains bien dépassés …dans tous les domaines.
La cybernétique [de kubernétiké = gouvernail. Science du gouvernement] ne distingue pas entre le non humain et l’humain. Elle est la science de la communication dans les êtres vivants aussi bien que dans les machines. On met sur le même plan humains et machines. Dans le Manifeste cyborg [= cybernetic organism] (de 1985) la féministe américaine Donna Haraway, « critique la politique identitaire du féminisme traditionnel, basée sur une définition binaire et essentialiste du genre, […]. Elle utilise la métaphore du cyborg pour exhorter les féministes à aller au-delà des limites du genre traditionnel, du féminisme et de la politique. » « Je préfère être cyborg que déesse. » clamait-elle. Cette volonté d’aller toujours plus loin, au delà des limites du genre et …du sexe, et même de l’humanité conduit les adeptes à se projeter dans un devenir cyborg, c’est à dire un être vivant composé de parties organiques et d’autres « machiniques ». La frontière entre l’animal humain et la machine devient ainsi une vieillerie dépassée. L’humain s’assimile à une chose (chosification ; en langage plus philosophique : réification).
Toujours plus loin, toujours dépasser les limites, telle est la logique du développement du capital. Ce n’est évidemment pas un hasard.
III. Manipulation, manipulation, tout est manipulation…
On ne sera pas surpris que Yuval Noah Harari écrive que l’humanisme est mourant, que l’homme est maintenant « piratable », c’est à dire qu’il est manipulable à l’infini. L’homme n’a plus rien de ce sanctuaire, siège du libre arbitre ; son intérieur est traversé par ce qu’il appelle des « algorithmes » multiples qui déterminent ses actions et réactions. Et ses décisions sont non pas déclenchées par sa conscience individuelle (qui est une illusion). « L‘idée que vous ayez un seul moi et que vous puissiez donc distinguer vos désirs authentiques des voix étrangères n’est qu’un mythe[…], que la recherche scientifique la plus récente a discrédité. » Le comble étant qu’il est possible de se manipuler soi-même. Exemple : « Vous avez envie de maîtriser le piano, mais chaque fois que l’heure vient d’y travailler vous préférez regarder la télévision ? Pas de problème : mettez un casque [implants cérébraux], installer le bon logiciel et l’envie de jouer du piano vous démangera. » [2] …Pas de problème ? Nous y reviendrons. 00
La recherche en neurosciences s’active : « Grâce à des fréquences particulières d’activation, on peut effacer ou créer une nouvelle mémoire. » On peut vous enlever la mémoire d’éléments traumatisants. « On peut changer la mémoire négative et ça change le sujet bien sûr. Mais c’est pour son bien. » [3] Quand on change ainsi le « vécu » d’un sujet, il se sent tout-à-fait quelqu’un d’autre. Dans la cure psychanalytique, par exemple – chose bien trop humaine pour les technophiles – on ne perd pas sa propre mémoire puisqu’on se soigne en gardant le souvenir des étapes par lesquelles on est passé. Loin de soigner des maux (ce qui peut être le cas en passant), la démarche de ces scientifiques a un tout autre ressort. PMO met ainsi en garde le lecteur : « Une application concrète des recherches en neurosciences, qui prétendent remodeler nos comportements (les ‘reprogrammer’ suivant le langage cybernéticien), en activant certains mécanismes neuronaux et en manipulant les réflexes anthropologiques fondamentaux : mimétisme, empathie, peur du risque, priorité au court terme, etc. » [3]. Le cœur du transhumanisme, ce sont les NBIC = Neurosciences, Biotechnologies, Informatique, sciences Cognitives.
IV. Insuffisance et inadaptation de l’humain à son monde
Ajoutons un problème qui échappe souvent à l’analyse : l’espèce humaine est le résultat de mutations successives qui en ont fait ce qu’elle est aujourd’hui. Cette évolution s’est faite lentement. Les premiers Homos Sapiens sont apparus il y a cent mille ans. Depuis, leur évolution organique n’a pas été grande. Il y a dix mille ans, cependant, nos ancêtres étaient des chasseurs-cueilleurs dont la vie était bien loin des activités quotidiennes d’aujourd’hui. Et, depuis (seulement) deux cents ans, depuis l’avènement d’un monde déterminé par le profit capitaliste, ce monde humain ne cesse de changer à une vitesse de plus en plus grande. « Marx lui-même avait bien vu, dès les débuts de la révolution industrielle, que le capitalisme est une force de bouleversement et non de conservation… ****, qu’il met tout en mouvement, ne laissant rien ni personne en repos, qu’il ébranle les fondements de tout ordre stable, sape les communautés traditionnelles, ruine la morale usuelle. » [Michéa : Marx Le Capital] Et, quand les normes morales tombent, c’est le marché qui grandit ! « Toutes les relations fixes, tous les vieux préjugés sont balayés, les nouvelles structures deviennent archaïques avant même de faire de vieux os. Tout ce qui est solide se dissipe dans l’air. Il n’est pas facile de vivre dans un monde aussi chaotique, … » rajoute Harari [2] Nous y sommes, le constat est que l’humain ne s’adapte pas assez vite à ce monde qui change en permanence … Si ce n’est pas ça l’aliénation, qu’est-ce que c’est ? Voilà l’origine de la notion de cyborg : « l’ambition est de permettre à un être humain de continuer à vivre dans un environnement pour lequel il n’est pas fait. Et c’est de cette manière que le transhumanisme doit aujourd’hui être envisagé non pas comme ce qui nous ferait accéder à une condition supérieure, mais comme ce qui nous permettrait de survivre dans des conditions de plus en plus insupportables aux êtres humains que nous sommes. » [4]. Changement complet de perspective par rapport à ce que clame le transhumaniste. Georges Bernanos avait déjà noté dans les années 30 qu’ « on ne comprend rien à la civilisation moderne, si l’on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute forme de vie intérieure. » Effectivement, plus de libre arbitre, plus d’esprit, …plus d’âme ! Voici donc un humain contraint de s’adapter à son environnement de plus en plus invivable… au point de détruire son libre arbitre qui est la marque de son humanité. Olivier Rey continue ainsi : « ce qu’il faut combattre, ce ne sont pas les perspectives ultimes du transhumanisme – qui sont des leurres ! – mais la façon qu’a le discours transhumaniste de nous habituer à considérer l’être humain comme un chantier technologique afin de nous faire consentir à des évolutions délétères. » Voilà qui est important car, pour l’instant, l’avènement de l’intelligence artificielle et de la reproduction (tout aussi) artificielle sont les deux mamelles du transhumanisme. Et c’est de cela qu’il faut parler avant tout.
V. insuffisance de l’Homme. Nécessité de l’homme augmenté.
Comme l’écrit PMO, après la seconde guerre mondiale, le constat est pessimiste : les humains ont failli et emmené l’humanité dans la terrible aventure mortifère que fut la deuxième guerre mondiale. Traduction dans la langue de Harari : « Homo sapiens est un algorithme obsolète. » Il faut donc trouver de meilleurs moyens de « gouverner ». En laissant de coté ces humains, trop humains et trop peu fiables. Fut élaborée la cybernétique (= gouvernail), et donc la question de trouver un moyen plus fiable de « gouverner » sans laisser faire les trop faillibles humains.
Là encore, on constate que les humains deviennent, dans cette optique, des « objets » gouvernés par des machines. En effet, « Si les organismes sont effectivement dépourvus de libre arbitre, cela implique qu’il est possible de manipuler et même de dominer leurs désirs par des drogues, le génie génétique ou une stimulation cérébrale directe » (Harari) et si, de plus, on pense que les humains sont incapables de se gouverner correctement alors le problème devient : avec quels moyens les manipuler ? Et quelles machines faut-il à cette fin ? Le livre de Harari a pour titre : Homo Deus = l’Homme Dieu. L’homme qui « produit » l’homme.
Au fond du transhumanisme, il y a ce constat que l’homme doit être augmenté afin d’être capable d’habiter ce monde qu’il n’est plus capable de maîtriser sans s’hybrider avec les machines accroissant ses capacités. Ceux qui ne pourront ou ne voudront pas s’hybrider deviendront « les chimpanzés du futur » (Ken Warwick). N’oublions pas que ce n’est pas seulement l’individu qui doit être manipulé (augmenté) mais, à travers la surveillance généralisée, c’est la société humaine dans son ensemble. L’intermède covid a ouvert la voie au « crédit social » à la chinoise en Europe (et surtout en France. Rapport des sénateurs PS et LR en 2022). L’« ordiphone » comme prothèse obligatoire et outil de surveillance et laissez-passer. Sans que ça gène beaucoup les bonnes consciences progressistes, bien entendu.
Cela n’est pas si nouveau : Marx au XIX°s. notait déjà que « le moyen de travail est dès lors un ‘perpétuum mobile’ industriel qui produirait indéfiniment, s’il ne rencontrait une barrière naturelle dans ses auxiliaires humains, dans la faiblesse de leur corps et la force de leur volonté. » (Le Capital)
Pour le wokisme comme pour le transhumanisme, l’homme – tel qu’il est – est insuffisant.
VI. Dégradation de l’humain par la technologie
Voyons le coté obscur de la situation : Robert Kennedy Junior relate la situation désastreuse des enfants américains (mais le problème est grave aussi pour les adultes) leur régime alimentaire est constitué, dit-il, de nourriture transformée – frelatée – que l’organisme n’est pas fait pour absorber. Les aliments chimiquement produits sont le nouveau pain quotidien des américains. Conséquence aux États Unis : la croissance vertigineuse du nombre d’obèses [40%], de diabétiques (50 % sont pré-diabétiques), d’autistes [1 enfant sur 1500 en 2000, 1 sur 36 en 2023 ! et 1 sur 22 en Californie], etc. 70 % des jeunes états-uniens ne peuvent pas entrer dans l’armée par manque de capacités tant intellectuelles que physiques. Nous ne sommes pas mieux lotis en France : « La Fédération Française de Cardiologie a relayé une étude selon laquelle la capacité physique moyenne des adolescents a décru d’un quart en 40 ans. Le QI moyen dans les pays occidentaux décroît depuis 20 ans. » (REY) 00 Détresse psychologique à tout va : 25 % des adolescentes américaines en 2020 ont déjà connu un épisode dépressif majeur, 62 % des 18-24 ans en Europe disent avoir eu des pensées suicidaires en 2022. Mêmes causes, mêmes effets. Ce monde où la technologie est censée avoir remède à tout, détruit manifestement la santé et les capacités physiques et mentales des gens. Le poète (surréaliste puis stalinien) Louis Aragon a eu cependant assez de lucidité pour voir venir un dépérissement des facultés humaines dû à la technologisation du monde : « ce progrès qui me prive d’une fonction peu à peu m’amène à en perdre l’organe. Plus l’ingéniosité de l’homme sera grande, plus l’homme sera démuni des outils physiologiques de l’ingéniosité. Ses esclaves de fer et de fil atteindront une perfection que l’homme de chair n’a jamais connue, tandis que celui-ci progressivement retournera vers l’amibe. Il va s’oublier. »
VII. emprise de la technologie : sexualité et reproduction.
De quelque coté que l’on se tourne le pouvoir présente comme recours aux problèmes posés par la technologie, …la technologie elle-même !
Pour pallier au rayonnement solaire excessif amenant à un réchauffement de la Terre, on a la géo ingénierie ! La PMA avait à l’origine pour but de remédier à l’infertilité. Ainsi que la GPA qui a un autre avantage car les couples homo masculins ont, aujourd’hui et depuis peu, envie d’une progéniture – un fait particulièrement nouveau. En effet, on ne s’imagine pas avoir un enfant quand on sait que c’est impossible ! Et ça l’était avant les progrès récents des biotechnologies. – De nos jours, on sait que la technologie se charge de tout : Marie Jo Bonnet, militante homosexuelle (du groupe Les Gouines Rouges et du Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire après mai 68) déclare un brin sarcastique : « la société est devenue un agrégat de consommateurs dont certains ont assez d’argent pour se payer l’impossible : avoir un enfant sans l’autre sexe. » (Elle est d’une autre époque. Et engagea en tant qu’homosexuelle, dans les années 70, d’autres combats que ceux des LGBTQIA+.) Ces « gays », comme on dit aujourd’hui, n’ont guère d’autre choix que le recours à la GPA… en attendant la mise en service (prévue pour bientôt) de l’utérus artificiel. C’est un fait : « l’artificialisation galopante de la procréation est, à l’heure actuelle, l’aspect le plus saillant du transhumanisme réellement existant. » [4] REY. 00
Silvia Guerini précise ainsi : « Il suffit de suivre les ouvertures progressives des législations nationales des différents pays européens pour observer que, des couples avec des problèmes d’infertilité aux couples fertiles avec des problèmes de maladies génétiques transmissibles, la Procréation Medicalement Assistée s’étend pas à pas à tout le monde. Suivant la logique de la reproduction artificielle, l’embryon devient un produit [= marchandise] et ce qui est produit [par la technologie] peut être soumis à toute expérimentation. Il doit être exempt de défauts et le meilleur possible. La PMA représente le cheval de Troie du transhumanisme car il ouvre la voie à la possibilité de la reproduction artificielle POUR TOUS. La conséquence logique est précisément celle de l’amélioration continuelle du produit [= eugénisme]. Elle sert à ouvrir la voie de la biotechnologie de la reproduction et à créer un environnement dans lequel la reproduction artificielle deviendra LE MOYEN NORMAL de venir au monde. » Notons que, si la croissance de l’infertilité est un problème réel lié aux perturbateurs endocriniens d’après les études *****, parallèlement, pour un certain féminisme, très technophile, la libération des femmes passe par l’indifférenciation sexuelle et donc le refus d’enfanter par des moyens naturels qui sont, pour certaines femmes, de véritables anomalies pénalisantes pour celles-ci (Peggy Sastre). L’artificialisation de la reproduction devient là aussi une espèce de solution.
VIII. Le transhumanisme d’aujourd’hui
On nous reprochera peut-être de ne pas traiter des objectifs les plus radicaux du transhumanisme comme la disparition de la mort. On a là un fantasme infantile (mais séduisant !) de l’extinction de toutes les limites et de l’avènement du paradis sur Terre, bien sensibles à la lecture du livre de Harari ou dans les propos répétés ad nauseam par Laurent Alexandre, pape français du transhumanisme. Comme une start-up étasunienne propose aux parents désireux d’avoir un enfant par procréation artificielle [PMA] d’analyser une centaine d’embryons afin de sélectionner ceux qui seront les plus « intelligents », celui-ci déclare que cette « technologie très clivante » va « se généraliser très vite », si les humains veulent rester « compétitifs face à l’intelligence artificielle ». Au lieu de la fin de la mort, on a droit au traficotage des embryons et au retour de l’eugénisme. À quoi Olivier REY rétorque : « Les promesses les plus spectaculaires des transhumanistes ne [sont] pas réalistes, elles ne [sont] que des leurres destinés à arracher le consentement des populations à une artificialisation toujours plus grande de l’existence » [de la naissance (et même de la conception) à la mort.] » [4] Font écho les « chercheurs Jean Mariani et Danièle Tritsch qui nous invitent à faire la part entre une « économie des promesses » et de réelles avancées scientifiques. » [5] Aussi est-il préférable de parler du transhumanisme « réellement existant » et d’essayer d’en voir les fondements réels ainsi que ses synergies avec les idéologies de notre temps comme le wokisme. C’est l’objet, précisément, de cet exposé.
IX. conclusion.
D’un côté, on a ceux (ou celles) : les wokistes qui veulent transgresser les frontières de leur sexe (sexe fluide) et leur humanité en s’hybridant avec des machines (réassignation de sexe, création prochaine d’un utérus artificiel). Pour ce faire, ils n’ont pas d’autre possibilité que d’utiliser les diverses technologies aujourd’hui mises au point : « les wokistes (transsexuels) récusent la réalité biologique au profit de l’auto-création. C’est un grand pas vers la toute-puissance. Cette vision participe au fantasme transhumaniste… » (Claude Habib, psychanalyste) Ils sont une importante courroie de transmission du transhumanisme, dont ils sont les promoteurs zélés et souvent inconscients.
De l’autre, les transhumanistes veulent « améliorer » les humains. Et font miroiter leur amélioration des prestations humaines (physiques, cérébrales, neurologiques…) par des moyens techniques. Le monde naturel (« nature » a même racine que « naître », c’est ce qui naît et s’oppose à ce qui est produit) doit laisser la place à un monde de plus en plus construit, fabriqué. Et les limites propres à la ‘nature’ doivent s’estomper au profit d’un monde toujours plus artificiel.
L’idéologie woke, qui envahit les classes bourgeoises (qu’elles soient de droite libérale, gauche libérale et aussi beaucoup de l’extrême gauche prétendument anti-libérale ; le spectre complet depuis les multinationales telles Black Rock jusqu’aux antifas) semble maintenant devenir une espèce de ‘pensée officielle’. C’est un des carburants nécessaires pour imposer le transhumanisme car les désirs foisonnants des wokes ne peuvent se satisfaire qu’à coups d’innovations technologiques. D’où ces nouvelles industries performantes et ces nouveaux marchés très juteux : cliniques pour « réassigner » le sexe des gens, pour pratiquer la Procréation Médicalement Assistée, la Fécondation In Vitro, la Grossesse Pour Autrui, mais aussi greffer des systèmes électroniques dans la tête ou le corps (prôné par Schwab et le FEM de Davos mais aussi par Elon Musk = neuralink), sans oublier la cryogénisation, etc.
Pour les wokes comme pour les transhumanistes, l’être humain tel qu’il fut depuis des millénaires doit être remplacé. Il est insuffisant, inadapté au monde nouveau, pour lequel il faut un homme qui aura perdu beaucoup de ses attributs ‘initiaux’ mais gagné d’autres par hybridation avec la machine.
Cependant, contrairement à cet homme nouveau dont avaient rêvé les révolutionnaires du XIX°s, celui qu’envisagent les sectes transhumanistes n’est qu’une ADAPTATION FORCÉE AU MONDE et à la technologie modernes et pas du tout UNE ADAPTATION DU MONDE A L’HOMME TEL QU’IL EST.
« Pour être à la hauteur de ce qui vient, conclut Olivier Rey, ce ne sont pas d’innovations disruptives […] ni d’implants dont nous aurons besoin mais de facultés et de vertus très humaines. » [4 Rey]
[1] Transmania, Dora Moutot – Marguerite Stern
Dora Moutot : ancienne journaliste à Combini (gauche bobo). Militante féministe.
Marguerite Stern : ancienne FEMEN.
* Et il suffit de lire celle-ci pour rendre compte que, comme John Locke l’écrivait : « Il n’y a point de meilleur moyen pour mettre en vogue ou pour défendre des doctrines étranges et absurdes, que de les munir d’une légion de mots obscurs, douteux et indéterminés. » Ce caractère pompeux et grandiloquent est évident dans les théories néoféministes contrairement au féminisme « pré woke ».
[2] Yuval Noah Harari, auteur de Sapiens (2015) et Homo Deus (2018) ; membre (et théoricien) du WEF = Forum Économique Mondial de Davos.
** Wokisme, quelques définitions possibles : 1 pour certains, un mouvement de prise de conscience, d’éveil à l’égard des inégalités liées à la race, au sexe ou à l’identité sexuelle. Contre le patriarcat, le racisme systémique, la culture du viol, la masculinité toxique, et pour l’écriture inclusive. 2 Pour d’autres, c’est une version renouvelée, virulente du « politiquement correct ». 3 Pour les wokistes eux-mêmes, le wokisme n’existe pas, c’est une invention de l’extrême droite. Plus on baigne dans le wokisme plus on est persuadé que l’appareil pseudo conceptuel wokiste est le seul possible. La sociologie universitaire française d’aujourd’hui est gavée de subsides de l’UE et ne peut rien envisager en dehors du cadre conceptuel wokiste sous peine de n’être plus subventionnée. 4 institutionnel : aux États Unis, l’outil du Wokisme est : EDI = equality, diversity, inclusivity. 5 Pour d’autres – dont je fais partie – c’est un élargissement de l’idéologie libérale pour laquelle toute limitation est insupportable ; les changements que celle-ci impose s’approfondissent et sont complètement adéquats au monde hypertechnologisé et financiarisé d’aujourd’hui. Particulièrement, le monde naturel (nature, même racine que naître) doit être remplacé par un monde construit par la technologie.
*** Algorithme : désigne d’abord sous la forme « augorizme » vers 1230 puis « algorisme » au 13e siècle le calcul en chiffres, l’arithmétique. Puis, sous l’influence du latin médiéval, devient algorithme, altération sous l’influence du mot « arithmétique » du nom du grand mathématicien persan Al Huwarizmi. Le mot a d’abord désigné l’arithmétique élémentaire et ses règles. Il s’est spécialisé au 19e siècle au sens de « suite de règles opératoires explicites ». Avec une diffusion importante après 1960, grâce à l’informatique. Dictionnaire historique de la langue française Alain Rey.
Gérard Berry, chercheur en informatique, en donne la définition grand public suivante : « Un algorithme, c’est tout simplement une façon de décrire dans ses moindres détails comment procéder pour faire quelque chose. Il se trouve que beaucoup d’actions mécaniques, toutes probablement, se prêtent bien à une telle décortication. Le but est d’évacuer la pensée du calcul, afin de le rendre exécutable par une machine numérique (ordinateur…). On ne travaille donc qu’avec un reflet numérique du système réel avec qui l’algorithme interagit. »
[3] PMO Manifeste des Chimpanzés du Futur, 2017
**** « Les antifascistes de 2017, pourtant connectés en haut débit, ont oublié de se mettre à jour. Ils traquent pour toujours le fascisme en culotte de cuir, aux cheveux ras et à l’air buté. Transhumanisme ? …Connais pas. Homme augmenté versus homme diminué ? …Dans quel film ? Nul n’a jamais vu ces résistants 2.0 manifester contre l’invasion transhumaniste dans les médias, les universités, les colocs et rendez-vous officiels. L’écume de l’actualité leur dissimule les courants profonds de l’histoire. Ils courent derrière l’événement faute de saisir l’évolution. Être toujours dans l’urgence, c’est être toujours en retard. » PMO
[4] Olivier REY, mathématicien et philosophe.
***** 70 % de spermatozoïdes de moins en 70 ans, d’après la journaliste Corinne Lalo.