Première partie

Lettre à des camarades enseignants (et syndiqués)

20/10/2020

« Nous habitions un certain lieu de paix, d’expérience et de liberté, formé par une réunion de circonstances exceptionnelles. Habitué depuis notre enfance à manier la liberté et à vivre une vie personnelle, comment aurions-nous su que c’était là des acquisitions difficiles, comment aurions-nous appris à engager notre liberté pour la conserver ? nous étions des consciences nues en face du monde. Comment aurions-nous su que cet individualisme et cet universalisme avaient leur place sur la carte ? »

Maurice Merleau-Ponty, sens et non-sens 1996

Depuis l’annonce des manifestations syndicales et de gauche « contre » l’assassinat du professeur le vendredi 16/10, on ne peut être que surpris par la tournure prise par certains discours d’organisations politiques ou syndicales. La déclaration de la FSU à Béziers évoque l’état des personnels enseignants : « sous le choc, bouleversés, horrifiés, sidérés, révoltés et tristes après l’assassinat barbare, lâche et sauvage d’un professeur » sans plus préciser ce qui s’est passé. On le serait à moins bien entendu. Mais enfin, ce drame a-t-il été fomenté par un fou en pleine crise ? Un halluciné des ‘arrières mondes’ ? Un dangereux nihiliste ? Aucune piste n’est mentionnée. On est juste sur l’évocation d’un …drame. Que l’on déplore…

Le positionnement dans le biterrois n’a rien de particulier. Partout les syndicats ( agglutinés ) ont le même type de réponse : tout d’abord, on déplore ! Et on se drape dans la ‘dignité’. Exemple avec le communiqué de la CNT 78 : « nous combattrons sans relâche ces idéologies meurtrières et rétrogrades qui conduisent à de telles violences… » (1) Quelles idéologies ? aucune mention de l’assaillant ! Les mystérieux assassins ne sont-ils pas identifiables ?

Il serait tout de même légitime de se demander pourquoi la nature du crime n’est pas évoquée, pourquoi est-il aussi tabou – peut-être indécent ? – de dire qu’il s’agit d’un attentat islamiste… tout simplement ! D’autant que l’inévitable discours politique arrive tout de même en fin de partie après les déplorations habituelles et consensuelles.

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On apprendra dans la déclaration de la FSU ensuite que « face à ce drame horrible, chacun devra se montrer à la hauteur. » Se montrer à la hauteur ? De quoi s’agit-il puisqu’on n’a pas pu apprendre de leur bouche qui est celui qui a tué cet enseignant ? Évidemment et heureusement, nous savons d’après la presse qu’il s’agit d’un attentat islamiste. Que le terroriste faisait payer de sa vie à cet enseignant le fait d’avoir « sali » Mohammed, le prophète de la religion musulmane. Après avoir menacé des passants il s’est, après l’assassinat du professeur, rué avec son couteau sur les policiers qui voulaient l’appréhender avant d’être abattu. Il apparaît en cela qu’au delà du professeur il en voulait particulièrement au monde de celui-ci. Une façon de dire : « contre l’enseignant et son monde. » Ceci toutefois a été évacué par les syndicalistes.

Les auteurs de la déclaration s’en sont tenus à la déploration de l’horreur commise. Mais pourquoi donc jamais on ne parla de l’affrontement dans lequel – qu’on le veuille ou non – nous sommes entrés… depuis longtemps avec un ‘parti’ islamiste (en fait, plusieurs…) et le monde environnant ? Pourquoi donc ce silence sur cet affrontement si largement ressenti par la population.

On obtient la réponse à ce questionnement quand on apprend ce que signifie « se montrer à la hauteur ». Au delà de « l’appel à s’abstenir de toute récupération, […] et à respecter le deuil d’une profession meurtrie », on apprend que, selon la FSU, les « politiciens […] profitent de l’occasion pour avancer des discours de haine ou continuent sur la route du choc des civilisations, de l’affrontement communautaire, de la division… » En d’autres termes, contrairement à ce que beaucoup de gens croient, ce sont nos politiciens – ceux au pouvoir ? les autres aussi ? – qui dispensent leur haine et favorisent le choc des civilisations ! Et pas du tout les terroristes islamistes qui, finalement, avec leurs attentats, ne font probablement que se défendre de la haine dont ils sont l’objet. C’est en tous cas ce qu’on pourrait imaginer eu égard aux omissions et aux raccourcis faits dans le discours. Il est même indiqué que les politiciens sont, eux, offensifs et « prépareraient le terrain à des affrontements. »

On comprend à quel point le discours permet d’éviter d’évoquer les problèmes posés par l’islamisme que la grande majorité des gens ressentent en France comme un des plus graves problèmes posés par la société d’aujourd’hui mais que, précisément, les syndicats et les politiciens la main dans la main veulent faire passer sous le tapis. Voulant obstinément éviter de faire des vagues – comme la hiérarchie de l’Éducation Nationale ! – ils retournent la réalité qu’il ne leur plaît pas d’analyser vraiment.

Quand il est précisé que « défendre l’école, c’est refuser l’ensemble des discours de haine, de stigmatisation ou de division qui crée un climat de guerre civile et d’incidents » on est renvoyé à la haine des politiciens puisqu’il n’est jamais question d’une haine venant d’ailleurs. Ils ne précisent pas à qui est destinée cette haine mais nous allons le deviner.

Est-ce qu’il faut voir là un oubli malencontreux ? Ou bien une maladresse de la part de ces syndicats ? Bien évidemment, on a plutôt affaire à une stratégie qui consiste à éviter de nommer les islamistes et en même temps à ne trouver de cible valable que chez certains politiciens qui, avec leurs propos haineux, seraient coupables de tout. Pour les nommer : l’extrême droite, RN en tête. Mais aussi au passage, il y a bien sûr tous ceux qui, n’étant pas dans ces catégories, sont malgré tout coupables d’avoir parlé de l’islamisme comme l’extrême droite. Ou… presque comme l’extrême droite. Ou… qui ressemble à un discours presque d’extrême droite ! Etc, etc.

D’une certaine façon, pour eux, s’il n’y avait pas d’extrême droite il n’y aurait pas d’islamisme ! seraient-ils tentés de dire. Or, on peut constater que, dans un pays comme l’Allemagne où il n’y avait pas d’extrême droite significative, ce sont précisément les attentats dans le pays et au-delà qui ont entraîné l’arrivée de celle-ci. De même dans d’autres pays du Nord de l’Europe. On peut – pour sortir de l’Europe – se demander quelle extrême droite existant au Nigéria, en Somalie, au Kénya, etc a pu provoquer la naissance du terrorisme islamiste là bas ?

( lire https://faut-le-dire.fr/index.php/2016/03/30/laicite-et-critique-de-la-religion/ )

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On pourrait se demander si les syndicalistes et gens de gauche qui prennent ces positions ne sont pas ultra minoritaires et surtout coupés du simple bon sens. Cependant, et comme toujours, il faut malheureusement constater que, s’ils le sont sans doute, ils ne sont pas si isolés que cela et qu’ils sont relayés complaisamment par beaucoup de médias. Au point que, quand on entend un professeur de base se plaindre de la situation dans l’Éducation Nationale, on est tenté de penser que celui-ci y va un peu fort, qu’il exagère ses problèmes : « Quand vous rapportez à votre syndicat que votre classe était au bord de l’émeute, entre insultes à la République et propos homophobes, et qu’on vous répond que vous n’auriez pas dû offenser leur croyance, que voulez-vous faire ? » (2)

On n’imagine pas toujours qu’en dehors de France il en va de même. Pire sans doute dans les pays anglo-saxons. Par exemple, dans le New York Times : « La police française abat un homme après une attaque mortelle au couteau dans la rue. » Une ‘banale’ « attaque mortelle » ? La première chose qui apparaît dans ce titre d’un article d’un des journaux les plus lus au monde est que la police française a tué quelqu’un ! Fait divers ?

Le Syndicat national de l’éducation britannique, compatit à la douleur des enseignants français sans évoquer non plus le crime lui-même. Tué par qui ? Pour quoi ? Aucune indication.

Au delà même de la gauche, la présidente de la Commission Européenne, la très ‘centriste’ (CDU allemande, quand même) Ursule von der Leyen qui se contente d’adresser ses « condoléances à sa famille [du professeur] et aux Français » sans évoquer les circonstances de sa mort. Manifestement, pour beaucoup de gens, il est indécent de mentionner l’islamisme comme l’agresseur et le coupable de ces forfaits. Mentionner l’islamisme serait-il islamophobe ?

Lire l’article  https://faut-le-dire.fr/index.php/2019/01/22/islamophobie_glossaire/ sur ce site.

Les partis de droite qui s’expriment de façon assez véhémente en dénonçant les assassins ne pourront aujourd’hui faire oublier qu’ils participent depuis des décennies à la complaisance avec les islamistes. Autant au sommet de l’État – complètement inactifs au pouvoir malgré le verbe martial de Sarkozy par exemple – qu’à la base dans les compromissions des maires avec les associations sur lesquelles ils comptent pour être élus.

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Revenons sur Terre. La haine la plus tenace, celle qui produit des massacres et des « assassinats barbares, lâches », comme dit le communiqué de la FSU de Béziers, ne vient pas principalement des « islamophobes » mais des assaillants de Charlie Hebdo, de l’Hyper cacher, du Bataclan, de la promenade des Anglais, etc (…on aurait du mal à tous les citer tant il y en a aujourd’hui !) cette haine devrait-elle s’éteindre d’elle-même quand on cesserait de la dénoncer comme s’il lui manquait du carburant pour continuer à exister ? Ne rêvons pas car « que répondre à un homme qui vous dit qu’il aime mieux obéir à Dieu qu’aux hommes, et qui, en conséquence, est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant ? » (Voltaire) il faudra bien admettre ce que la grande majorité des gens ont déjà compris depuis des lustres, à savoir que vis-à-vis des islamistes, on commence à peine, dans les sphères du pouvoir, à oser réagir ...

Ce qui frappe, c’est qu’une frange d’illuminés nous clame régulièrement que la moindre dénonciation des attaques islamistes met à bas la … « dignité des musulmans » dans leur ensemble ! Ceux qui ont défendu l’incroyable Tariq Ramadan au temps de sa splendeur sont des spécialistes de ce ‘sport national’ qu’est l’anti islamophobie. Celle-ci fleurit surtout – mais pas exclusivement – dans les rangs de la gauche. Qu’elle soit extrême (Besancenot,…), plus ‘mesurée’ (Mélenchon,…) ou centriste ( Taché de LAREM,…). Et la manifestation de Paris du dimanche 18/10 a montré que les syndicalistes de l’UNEF par exemple ont été traités de collabos (3) par une partie de la foule indiquant que le vent avait peut-être changé de direction. Comme dit Richard Malka, avocat de Charlie Hebdo et de la jeune Mila, on ne peut plus « être Obono et en même temps Charlie Hebdo. » Il ajoute que « l’indignation et l’émotion de certains [lui] sont insupportables » et déclare qu’il n’en peut plus de ceux qui défilent avec les islamistes du CCIF (Mélenchon et sa cour, en premier lieu) qui viennent maintenant « verser des larmes de crocodiles ». On ne peut être plus clair ! (Même) son de cloche du coté de Christophe Naudin, professeur d’histoire et géo, militant libertaire et victime du Bataclan qui « …sature de ceux qui font ami-ami avec Tariq Ramadan, le Parti des indigènes de la République et toute cette nébuleuse, parce que l’islam serait la religion des dominés […] ». (4)

Voyez ce Mélenchon qui s’en prend maintenant aux Tchétchènes. Comme s’il n’y avait que ceux- pour commettre des crimes islamistes. N’y avait-il pas toutes sortes de gens pour combattre avec l’État Islamique en Syrie ou commettre des crimes en France même ? Y compris des français d’origine passés parfois sans transition de l’église à la mosquée ? Quand des gens comme Mélenchon, le soumis, ont faussé profondément l’analyse des faits on ne peut s’étonner qu’il en soit réduit à la fuite dans ces élucubrations. Condamner les islamistes dans les discours que nous tenons et dénoncer les impostures de cette frange de politiciens (malheureusement majoritaire à gauche) qui nous assène depuis des lustres son idéologie, c’est le minimum que l’on puisse faire aujourd’hui.

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Tous ces progressistes croient-ils que l’Histoire va de toute façon dans le sens de la réalisation du Bien et que, en conséquence, l’islamisme est amené à s’estomper et à disparaître ? L’islamisme n’étant plus qu’un détour pour parvenir au Bien qui est de toute façon inévitable. C’est tout à fait possible tant aujourd’hui le délire de la bien pensance est grand !

lire l’article sur le …Progressisme : https://faut-le-dire.fr/index.php/2019/09/05/progressisme/

Les progressistes croient à cette émancipation …obligatoire, qu’ils voient au bout du chemin, et pensent tout ce qui se passe en fonction de cette destinée (obligatoire) ils ne peuvent pas envisager que celle-ci ne nous attende pas. Leur credo, en quelque sorte, c’est que l’Occident est l’avenir du monde. Et que nous serons conviés au festin…. tous ensemble, bien sûr. Or, il y a quelque chose qui « distingue radicalement les djihadistes actuels des combattants anticolonialistes ou de l’ultra-gauche militarisée », c’est à dire la plupart des anciens opposants : ceux-là n’utilisent pas les valeurs occidentales dans leur lutte contre l’Occident. Comme le faisait aussi Mandela dans son combat contre l’Apartheid, ou les dictateurs nationalistes arabes pendant longtemps. Ces valeurs de l’Occident, « ils les vomissent. » (5) Aujourd’hui les islamistes combattent la « domination » de cet Occident au nom de leurs valeurs à eux, n’ayant rien à voir avec celles de cette Europe où parfois ils vivent mais qu’ils exècrent ; il est vraiment stupide de penser que, parce qu’ils s’opposent aux valeurs de la civilisation européenne, ils s’opposent par conséquent au capitalisme. Et qu’il y a donc quelque chose de libérateur dans leur combat ! Ils ne se battent ni pour la liberté ni pour l’émancipation. Il faut toute la dialectique niaise d’un Badiou pour affirmer, sans rire, que, au contraire, les islamistes, dans leur combat, ne manifestent rien d’autre qu’un « désir d’Occident » !

Les progressistes voyaient en Charlie Hebdo d’indigestes racistes ; c’était, en 2015, l’opinion du « révolutionnaire » ‘invisible’ Julien Coupat qui n’imaginait pas qu’affronter le monde capitaliste ne puisse pas être le fait de quelqu’un de bien. Aujourd’hui, après l’assassinat du professeur, on peut se demander ce qu’il pourra trouver de détestable chez ce professeur.

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Les progressistes pensent le plus souvent que cet affrontement avec l’islamisme a des sources bien françaises (ou occidentales) : la banlieue abandonnée, les discriminations et le racisme « systémique » en France comme dans tous les pays dits « blancs ». Or, l’action des islamistes va bien au-delà. Il s’agit d’un combat planétaire contre le Mal …qui est précisément l’Occident.

Et l’on découvre là ce que les progressistes de tous poils ont de commun avec les djihadistes. Les deux camps veulent la réalisation universelle du Bien. Chacun le sien, bien sûr. Mais enfin pour l’instant il y a quelques lignes de fuite communes. Dans les deux cas, il faut favoriser le melting pot universel derrière leurs valeurs. Amener le règne indiscutable et mondial du Marché pour les progressistes. L’idéal religieux de la Charia dans l’autre camp. Les deux privilégient une opposition tenace aux communautés politiques décidant de leur sort et s’opposant tant aux injonctions divines qu’au marché. Il est temps de préciser que notre camp, il est là ! Ce monde où nous vivons a vu l’éclosion des Lumières et du libéralisme mais aussi de l’idée socialiste et de la lutte pour l’émancipation, les critiques du Spectacle et de la société industrielle ; avec tous ces outils, nous devons chercher l’issue face aux problèmes posés par ce mouvement islamiste.

(1) « … tout comme nous condamnerons toutes les généralisations, stigmatisations et récupérations réactionnaires de ce drame, d’où qu’elles viennent. » https://www.questionsdeclasses.org/?Drame-de-Conflans-78-solidarite-et-dignite

(2) On a le droit de critiquer l’islam ( la loi française est ainsi faite ! Héritiers des Lumières on peut critiquer des idées ) mais pour une frange de journalistes, d’intellectuels et surtout de musulmans – 60 % des jeunes musulmans font passer la loi religieuse avant la loi civile ! – c’est tout simplement une atteinte aux musulmans eux-mêmes. Alors…

(3) il faut préciser que, contrairement à ce que des sites ont pu écrire, ce n’est pas Maryam Pougetoux, emmitouflée dans son foulard, qui a été sifflée et brocardée (… pour son foulard, sous entendu, et par islamophobie, …encore sous entendu) mais bien la présidente du syndicat Mélanie Luce, qui n’arborait que sa sotte idéologie. Mais aucun signe religieux.

(4) Christophe Naudin « Journal d’un rescapé du Bataclan. Être historien et victime d’attentat. » Ed. Libertalia.

(5) Jean Birnbaum, la religion des faibles. Ed. Seuil.

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On pourra lire en ce qui concerne les justifications du terrorisme :  https://faut-le-dire.fr/index.php/2020/12/05/tribunes/

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Deuxième partie

6/11/2020

Nous, les terrorisés…

Le tour de passe passe des islamo gauchistes consiste à détourner la laïcité : la laïcité qui est censée protéger les individus de l’emprise des religions, devrait pour eux protéger les religions de l’emprise des individus. 

« La plus grande force des activistes de lʼislam est de ne pas être identifiés pour ce quʼils sont, tellement ce quʼils représentent est spontanément incompréhensible pour la plupart des acteurs de nos sociétés. Ce que veut dire religion dans son sens traditionnel nʼest tout simplement plus intelligible pour la majorité des gens dans lʼEurope dʼaujourdʼhui. » Marcel Gauchet

Depuis l’assassinat du professeur le 16 octobre d’autres faits terroristes ont eu lieu. Il y eut aussi de nombreux commentaires. Dans tous les sens. On a eu droit aux rodomontades habituelles sur le thème « il faut agir ! » sans qu’on sache toujours de quoi il retourne – car agir de façon conséquente est bien compliqué, semble-t-il. Et puis, le domaine de l’action est laissé à l’État, alors… Il y eut aussi les sempiternels tirs de barrage de ceux qui déplorent certes l’attaque et sa sauvagerie mais surtout voient les plus grandes responsabilités en dehors de ceux qui les commettent. Les premiers du reste à … « agir » étaient précisément ceux-là mêmes qui voulaient s’en tenir à la plainte et aux lamentations : les manifestations initiées par la Gauche et les syndicats. Au point que certains refusaient de participer, tournant le dos à l’unanimisme à la tête duquel cette Gauche voulait s’insérer. Nous avons déjà évoqué cela dans la première partie. Il y a eu des déclarations hostiles à cette façon de ne rien faire en se cantonnant aux déclarations compatissantes et stériles.

Dans un camp on a encore entendu la gauche extrême nous dire qu’il fallait tenir compte de l’agressivité de l’Occident impérialiste pour comprendre le terrorisme. …Et l’arrêter ? D’ autres plus subtils nous suggèrent d’étudier et de nous rendre compte que la « liberté d’expression » n’est pas notion aussi simple qu’il n’y paraît. Essayons donc d’y voir plus clair à travers quelques exemples.

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La ritournelle de l’impérialisme comme source du terrorisme est ce qu’on entend de plus fréquent, il s’agit d’un sentier des plus battus. Il est clair que les pays occidentaux (États Unis, France, Angleterre) qui ont colonisé activement, l’Afrique notamment mais pas seulement, ont encore une action dans ces pays ex colonisés non négligeable quoique déclinante. On pourra mettre le doigt sur l’extraction de minerais qu’elle soit très officielle comme l’uranium du Niger ou si officieuse tel le coltan au Congo, ces pays contribuent à l’exploitation du sous sol qui leur rapporte beaucoup et si peu aux populations locales. Le problème de ce commerce qui profite d’une façon si inéquitable n’est pas simple. Nous y reviendrons dans d’autres articles. La question ici étant de cibler les sources de ce terrorisme que tout le monde déplore mais pas du tout de la même façon.

Si l’on admet que les motivations des terroristes sont une espèce de réponse à cet impérialisme alors les terroristes devraient, en toute logique, venir des pays les plus touchés par celui-ci. Or il ne semble pas que le Pakistan, la Tchétchénie, la Tunisie ou la Macédoine du Nord – pour ne prendre que les derniers attentats effrayants qui ont eu lieu à Paris, Conflans, Nice ou Vienne (en Autriche) – soient les exemples les plus frappants de cet impérialisme. L’immense majorité des terroristes ayant opéré en France ces dernières années sont des maghrébins (français ou pas). Comme l’analysait Albert Memmi, auteur tunisien du ‘Portrait du Décolonisé ‘ en 2004 : «  le potentat [le pouvoir dans les pays décolonisés] s’évertuera à convaincre ses concitoyens que les causes de leur malheur seraient imputables aux autres, non à sa propre gabegie, […] à leur propre carence. » les gouvernants de ces États ont donc tout intérêt à présenter les États occidentaux comme l’unique source des malheurs de leur population. L’impérialisme occidental ! Le but est double, selon A. Memmi : « Le décolonisé est déculpabilisé et le tyran est acquitté. » ; les occidentaux maniaques de l’ ‘anti impérialisme’ en rajoutent toujours plus… et sont bien plus abusés que les populations maghrébines, rarement dupes, qui voient bien ce que sont leurs gouvernants. Toujours est-il que l’idéologie islamiste promue par les gouvernants a fait des ravages au Maghreb suite à l’arabisation ( et l’islamisation qui l’a accompagnée) des années 80. Flatter le peuple dans le sens du poil pour le rendre plus docile n’a pas tout à fait fonctionné comme prévu. Le tableau dressé par Mohammed Louizi sur la situation à laquelle cela a abouti, en France même, est saisissant  : http://mlouizi.unblog.fr/2020/10/23/de-grace-pas-damalgame/ On est loin du schématisme de l’interprétation des ‘gauchistes’ occidentaux.

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L’article d’Hervé Kempf https://reporterre.net/Islamo-gauchisme-et-capitalo-fascisme est un modèle de discours gauchiste. Nous allons essayer de dire en quoi.

« Derrière l’accusation d’ »islamo-gauchisme », commence-t-il par dire, les classes dirigeantes veulent cacher leur propre responsabilité dans le terrorisme islamique, lourde du fait de leurs liens avec les pétromonarchies et leur radicalisation néolibérale. » En démarrant sur des chapeaux de roue il incrimine les politiciens de droite. Il fait mine de croire que le terme « islamo gauchiste » dans ce contexte n’est prononcé que par les pouvoirs macroniste et de droite. Et plutôt que d’évoquer la politique vis à vis des terroristes qui sévissent en France, il évoque la politique étrangère du pays. Y a-t-il un lien aussi clair entre la ‘collaboration’ des classes dirigeantes françaises et les pouvoirs des pétromonarchies, et le terrorisme ? Certes, mais c’est loin d’être une relation de cause à effet aussi mécanique qu’il le sous-entend. De plus, son raisonnement risque de souffrir d’une incohérence évidente pour tous : les responsabilités des politiciens de droite et affairistes du capitalisme existent en la matière bien sûr mais on peine à discerner des différences entre la droite et la gauche dans ce lien avec les pétromonarchies. Qu’aurait fait Mélenchon d’ailleurs ? Il était ministre PS à l’époque de Jospin. L’argument ne consiste-t-il pas ici à fabriquer de toute pièces une gauche qui n’a jamais existé, n’existe toujours pas et ne montre même pas le bout du nez.

Suit dans son texte de Reporterre une avalanche de propos incendiaires contre ceux qui tirent aujourd’hui sur l’islamo gauchisme. Possible qu’il se sente visé personnellement. Il évoque la haine produite par la droite contre les supposés islamo gauchistes. On peut facilement lui rétorquer en premier lieu, après lecture de son texte, que sa …haine, la sienne vaut bien en intensité celle qu’il dénonce. Ensuite, ceux qui dénoncent l’islamo gauchisme sont nombreux et débordent largement le domaine de la droite. Il est probable qu’aveuglé par son enthousiasme, il ne voit pas qu’il y a une aspiration profonde à s’opposer à l’islamisme terroriste et à dénoncer ceux que nous appellerons, malgré ses rodomontades, les islamo gauchistes.

Commençons par le plus stupéfiant. Il dénonce « leur vindicte [ celle de « ces lanceurs de fatwa » ] constante et anxiogène contre les musulmans » Mais de quoi s’agit-il donc ? Quelle vindicte vis à vis des musulmans ? On est dans la paranoïa pure et simple. Digne des islamistes eux-mêmes – qui se voient offensés de tous les cotés – ou du cinglé Erdogan qui ne peut supporter qu’on critique l’objet de son adoration, qu’on lui enlève ses hochets symboliques favoris. Il poursuit en précisant que la « vindicte » à l’encontre des « musulmans » « ne peut que pousser les esprits les plus faibles de cette religion à tomber dans la haine en retour, … » On remarque ici le même argument que les politiciens de gauche et syndicaux : les islamistes ne font que défendre les musulmans persécutés. Voilà qui est curieux. Comment se fait-il donc que dans les autres religions – n’y aurait-il pas des faibles aussi dans celles-ci ? – aucun « esprit faible » ne se mette à étriper des musulmans ? Alors que les occasions ne manqueraient pas : enfermement ou assassinat de chrétiens (Asia Bibi) au Pakistan, humiliation permanente dans tous les pays musulmans où les non musulmans ne sont que des dhimmis, une sous espèce humaine, haine anti juive dans tous les pays arabes. La destruction des bouddhas de Bamiang par les furieux musulmans d’Afghanistan ont-ils donné lieu à l’embrasement des rues dans les pays bouddhistes comme les embrasements répétés lors des versets sataniques ou à chaque fois que leur susceptibilité musulmane est froissée ? Point du tout. Pour quelles raisons seuls DES (et non pas LES) musulmans tuent et veulent imposer leur religion sur toute la surface du globe ? Questions pour lesquels les analystes comme lui ne peuvent bien sûr apporter aucune réponse. C’est le trou béant dans leur raisonnement. Il analyse, comme beaucoup de ses congénères, les islamistes comme des gens qui se seraient égarés et qu’il faudrait par la persuasion et l’éducation faire revenir à de meilleurs sentiments (…fraternels bien sûr !)

Toujours est-il que, quand il énonce que « l’islamisme radical est intimement entremêlé avec l’évolution du capitalisme des quarante dernières années » il n’a pas tort du tout, on ne peut oublier à quel point les américains (pour ce qui est remonté au vu et su de tous, mais les français ont peut-être été seulement plus discrets …?) ont financé les islamistes afghans et syriens. Mais cette coévolution ne s’est pas faite de la façon dont c’est suggéré dans ce texte ; l’islamisme n’est absolument pas un retour de l’islam archaïque, plutôt une forme très moderne de l’islam. Bien en lien avec diverses sectes de gauche où Ramadan (ami de Plenel et du NPA) et Bouteldja (amie de Obono et Autain) trouvent leurs amitiés complices.

Bref, il y aurait encore beaucoup à dire sur l’article de M. Kempf. Sa conclusion nous dit que « le mouvement émancipateur et écologiste doit faire front dans l’unité, et attaquer sans broncher les politiques désastreuses menées par les capitalistes et par leurs laquais. » On ne sait pas trop qui est inclus dans ce mouvement émancipateur mais « sans broncher » devrait signifier : faire taire les oppositions ! s’agirait-il de se mettre des œillères pour ne voir ni le mal fait par les islamistes ni surtout qui ils sont vraiment ?

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Un point de vue plus subtil est exposé par François Héran, démographe sollicité par des professeurs d’histoire et géographie qui lui demandaient d’exposer son point de vue sur la liberté d’expression (1). La suggestion était clairement d’aller au-delà des discours apologétiques de la République dont on nous gratifie à chaque attentat islamiste. « Comment enseigner la liberté d’expression ? » telle était la question. Et la réponse, en s’écartant des réponses habituelles, a quelque chose de stimulant : « Quel sens donner à la liberté d’expression ? Comment défendre les valeurs républicaines sans nous isoler du reste du monde ? » rectifie-t-il. Et le fait de vouloir « ne pas s’isoler du reste du monde » comme il le dit n’est pas sans conséquence, nous le verrons. Il nous livre cette citation de Jules Ferry (le promoteur même de la colonisation) : «  ‘ Si un instituteur public s’oubliait assez pour instituer dans son école un enseignement hostile, outrageant pour les croyances religieuses de n’importe qui, il serait aussi sévèrement et rapidement réprimé que s’il avait commis cet autre méfait de battre ses élèves ou de se livrer contre eux à des sévices coupables. ‘ (11 mars 1882). Vous avez bien lu, ajoute M. Héran : outrager les croyances religieuses des élèves, c’est aussi grave que de leur infliger des châtiments corporels ou abuser d’eux. » on en conclura, selon lui, que la laïcité n’est pas où on la cherche et la liberté d’expression non plus. Attardons-nous sur cet aspect du raisonnement. Et précisons tout de suite que nous avons changé d’époque. Le catholicisme du XIX°s était la cible de cette laïcité qui n’était qu’en gestation à l’époque. Pas encore instituée. Et la liberté de dire les choses sans offenser doit tenir compte du fait qu’en … 1882, il y avait un consensus moral dans la population européenne beaucoup plus net qu’aujourd’hui. Notre société est beaucoup plus « émiettée » tant du point de vue des principes moraux que religieux. « Les hommes ne peuvent plus s’entendre sur grand-chose si ce n’est à l’intérieur de groupes de même sensibilité » (2), c’est la source du communautarisme. Aujourd’hui et particulièrement depuis l’après 68, la diversité s’est incrustée partout. Les principes moraux qui paraissaient bien ancrés, unanimes, ne sont plus que majoritaires voire devenus minoritaires. Quant à la religion ultra majoritaire elle n’existe plus qu’à l’état fossile. Ceci est une différence fondamentale. Seul le catholicisme – ou, en tous cas, le christianisme – à l’époque pouvait être heurté par des propos un peu trop anticléricaux dont Ferry ne voulait pas qu’on choque la susceptibilité car très répandu dans la France si rurale d’alors. S’il existait une société (organisée autour du clergé catholique) à l’intérieur de la société française celle-ci était déjà clairement en perte de vitesse et vivement critiquée ! Elle n’avait plus de ressources pour s’imposer et finit par se trouver une place …en silence …dans le rang. Nous ne sommes plus du tout dans cette configuration. Alors qu’au XIX°s même la frange socialiste se réclamait d’une espèce de morale commune, aujourd’hui les islamistes revendiquent haut et fort une singularité ! Sans laquelle ils ne peuvent vivre et à laquelle nous (les autres) devons nous adapter. Pouvons-nous dans les deux cas réagir de la même façon ? Ce serait bien étonnant.

(1) https://laviedesidees.fr/Lettre-aux-professeurs-d-histoire-geographie.html

(2) Patrice Franceschi _ Avec les Kurdes. Ed. Tract Gallimard.

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Par ailleurs, F. Héran nous fait un subtil distinguo entre « liberté d’opinion » de la Déclaration des Droits de l’Homme française et « liberté d’expression » venue plus tardivement et, semble-t-il, pas d’origine française. Cette opposition entre « liberté d’expression » et « liberté d’opinion ou de conscience » est extrêmement artificielle. Bien entendu, et pour tout le monde, la liberté d’opinion n’a de sens que si cette opinion peut être exprimée. Et c’est bien ainsi qu’on l’entendait déjà de tout temps et, particulièrement, aux temps de la Révolution Française où les libelles abondaient venant d’une population avide de …s’exprimer.

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Encore une affirmation de M. Héran, qui demande discussion : « Les attentats, depuis, ont sacralisé toutes les caricatures sans distinction. Comment expliquer aux élèves que nous sommes arrivés au point où c’est justement quand la caricature est nulle, réduite à sa fonction la plus dégradante, sans dimension artistique, humoristique ou politique, qu’elle est censée illustrer à l’état pur la liberté d’expression et nos plus hautes valeurs républicaines, y compris l’affirmation de la dignité humaine ? À l’impossible nul n’est tenu. » Bien sûr, les caricatures ne sont pas toujours amusantes et parfois même très grossières. Mais est-ce là le problème ? Je ne compte pas parmi les lecteurs assidus de Charlie Hebdo. Mais tout de même la position de Héran est voisine de celle de S. Royal vis à vis de Mila qui était, selon elle, trop grossière avec son « doigt dans le cul du prophète ». Une sale gosse, quoi ! La question n’est pas de faire une critique …valable ! – selon des critères établis par qui ? On a bien là une déformation de l’intellectuel qui se voudrait dépositaire et juge du bien fondé et du bon goût. – il s’agit de la liberté de désigner clairement les idées que l’on aime ou que l’on déteste. Avec ses propres mots. Il faut constater dans l’affaire Mila que celle qui a été désignée par les politiciens de gauche comme la source des problèmes est celle qui a critiqué l’islam. Les autres – ceux qui l’ont menacée – ont été à peine évoqués (en passant) par les bonnes âmes de gauche. Y compris macronistes. Pourquoi ? Le débat dépasse en fait le simple respect de la liberté d’expression. C’est bien le problème de la position de F. Héran. On doit affronter un problème politique : la « religion des faibles » (3) peut-elle être désignée comme intolérante ? Visiblement, non ! Et la critique faite par Mila a été dénoncée par la ministre de la Justice de Macron pour cette raison. Alors que Mila n’attaquait qu’une idée : la religion, et non des personnes. Macron a « recadrée » sa ministre car un raisonnement qui vaut dans les sphères ‘bobos’ (…chez les macronistes !) ne vaut pas dans la réalité sociale chez les ‘gens ordinaires’. Nos gouvernants commencent à s’en rendre compte. La liberté de la critique de la religion n’a été accordée à Mila ni par l’insignifiante S. Royal ni par la ministre de la (dite) Justice (…pourtant juriste). Elle était celle qui avait déclenché la polémique… par son manque de tact ! Quant à la multitude de menaces de mort ou de viol, insultes diverses (sale gouine, sale française, etc.) … était-il utile d’en parler ?

(3) la religion des faibles _ Jean Birnbaum. Ed. Seuil.

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De toute évidence, sortir la France de l’isolement (supposé) semble pour François Héran un impératif absolu ! Les révolutionnaires de 1789 se souciaient-ils d’être isolés avec leurs principes républicains ? Seuls devant l’Europe entière qui les défiaient. Certes non, car la question est de savoir si on croit suffisamment à ces principes ou pas. La foi dans ceux-ci peut conférer force, énergie, stimuler l’intelligence. Ces révolutionnaires savaient bien qu’ils menaient un « combat » pour la liberté et n’avaient pas, tels des modernes, comme souci principal, leur confort. Prêt à tout lui sacrifier. On pouvait – on devait ! – se battre pour la liberté. Quand ils ont chanté : « Entendez-vous dans nos campagnes mugir ces féroces soldats qui viennent jusque dans nos bras égorger vos fils et vos compagnes ? » ils ont enchaîné avec : « Aux armes, citoyens ! »

Le gros problème du positionnement de ce texte de F. Héran est de le circonscrire à des affrontements de principes. Une joute verbale. Entre intellectuels. Comme il y en a (eu) dans le milieu universitaire (4). Il n’en est rien. Alors que nous sommes dans des affrontements bien réels. Politiques. Et même sur un terrain politique nos politiciens ont du mal à admettre cela par peur d’un dissensus (…un de plus). Nous ne sommes pas autour d’une table à faire valoir la pertinence de chacune de nos positions par l’argumentation. Nous sommes dans l’arène politique. Les islamistes l’ont compris. Non pas depuis ces vingt dernières années mais… depuis toujours ! Car ils savent qu’il faut utiliser la dissimulation et le mensonge (Taqiya) avec les « mécréants » quand le but est de les soumettre. Et, pour cela, tous les moyens (ou presque) sont bons. En réponse à cela, il n’est guère possible de se battre seulement sur les principes. Dans les réactions populaires on constate que beaucoup commencent à le comprendre et sont ulcérés devant nos incapacités à réagir ; on use d’une législation de paix, disent-ils, alors que nous sommes en guerre, comme le dit Macron qui n’en tire pas les conséquences.

(4) vu la censure actuelle dans les milieux universitaire et militant la « disputatio » y semble un peu archaïque.

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Patrice Franceschi, écrivain mais surtout combattant aux cotés des kurdes syriens pour la liberté regrette amèrement la démission des français – et des occidentaux en général – dans ce combat où les kurdes ont payé le prix fort. Il se pose la question de savoir pourquoi nous ne sommes plus capables de réaction. Il se demande pourquoi ce « masochisme occidental contemporain, cet incompréhensible désamour de soi qu’on ne trouve dans aucune autre société. » (5) Une des réponses est à repérer dans cette conception selon laquelle le statut de victime confère la stature du héros. Un exemple qu’il donne : « Si les combattantes kurdes des YAPAJA [les fameux bataillons de femmes combattantes] n’ont jamais trouvé de véritables soutiens auprès des organisations féministes européennes, c’est qu’elles ont toujours refusé d’endosser l’habit de victimes que de toute façon, on ne leur octroierait pas puisqu’elles luttaient. » Il y a quand même quelque chose d’ahurissant à constater que les néo féministes européennes et américaines ne lèvent pas le petit doigt pour soutenir ces femmes qui sont les seules au Moyen Orient à lutter pour être reconnues comme des humains à part entière. Alors qu’elles se révoltent, aux côtés des enfoulardées, contre les interdictions de porter le foulard ou le burkini dans les piscines municipales en France !

« La victimisation généralisée … a de multiples effets délétères dont le moindre n’est pas de noyer notre société dans des visions assez niaises du monde et de la vie… » rajoute-t-il. C’est le moins qu’on puisse dire.

Mais malheureusement ceci ne date pas d’hier ; il faut lire Benjamin Constant qui prononça un discours en 1819 (eh oui ! ) sur la liberté des Anciens et celle des Modernes (6) où il dit clairement que « le but des Modernes [est] la sécurité dans les jouissances privées ; et ils nomment liberté les garanties accordées par les institutions à ses jouissances ». Et « Notre liberté à nous [modernes, NDLR], doit se composer de la jouissance paisible de l’indépendance privée. » Voilà bien où nous en sommes aujourd’hui – l’aboutissement, un siècle après, de ce processus – et cette attitude n’a cessé de prendre le pas sur l’aspiration à la liberté collective qui était l’idéal antique.

Est-il d’ailleurs, encore possible de dire « nous » sans être immédiatement taxé de racisme ? Sans que quelqu’un nous reproche ce « nous » qui allait exclure une ou des communautés …qui, elles-mêmes, pourtant affirment leur « nous » avec insistance ? En d’autres termes, faisons-nous encore une communauté politique ?

Seul l’avenir nous permettra de le savoir et de savoir si nous sommes ainsi en mesure de riposter aux agressions que nous subissons ou si nous ne pouvons que sombrer. On peut en douter et, en cas d’incapacité, les discours sur l’émancipation de nos doctes progressistes seront alors totalement superflus. Dans les faits, nous aurons montré que la barbarie peut nous submerger sans que nous puissions opposer la résistance nécessaire. Emmaillotés que nous sommes dans nos bons sentiments et notre incommensurable naïveté !

(5) Patrice Franceschi _ Avec les Kurdes _ Ed. Tract Gallimard.

(6) De la liberté des Anciens et de celle des Modernes _ Benjamin Constant 1819.